Ce samedi après-midi, sur les hauteurs de Bastia, l’église Sainte-Lucie de Ville di Pietrabugno a retrouvé son effervescence d’antan. La confrérie Santa Croce y organisait son traditionnel atelier de fabrication de crucette, à la veille des Rameaux. Plus d’une centaine de personnes – enfants, adolescents, parents et anciens – ont répondu présent à l’invitation de la cunfraterna, renouant avec un geste simple mais chargé de symboles. « Ce qui nous réjouit, c’est que chaque année, le public est de plus en plus nombreux », se félicite Robert Archiapati, responsable de la confrérie, relancée en 1998 après plusieurs décennies d’interruption. Aujourd’hui, une vingtaine de confrères composent le groupe, parmi lesquels Fabrice Martinetti, 28 ans, benjamin et prieur pour l’année 2025. Avec enthousiasme, il retrace l’histoire de l’église et de ses anciennes confréries, dont certaines exclusivement féminines, comme celles du Rosaire et de l’Annonciation.
Les récits du passé ressurgissent, comme celui d’une improbable échauffourée avec les confrères du village voisin de Cardo, où l’on échangea par mégarde – ou par espièglerie – les croix du Christ pendant une procession un peu trop arrosée. Mais au-delà de l’anecdote, c’est bien l’esprit de transmission qui anime aujourd’hui la communauté. « Grâce à ce renouveau, on célèbre toutes les principales fêtes religieuses », souligne Fabrice Martinetti. Et les chiffres témoignent de cette dynamique : chaque dimanche, l’église accueille entre 50 et 60 fidèles, et trois baptêmes sont prévus pour la veillée pascale. « Il y a certes la tradition, mais aussi un vrai ancrage religieux », insiste-t-il.
Dans le chœur de l’église, les crucette prennent forme à un rythme soutenu. Jean Valery, confrère expérimenté, enchaîne les croisillons, étoiles et motifs complexes. Cette année, près de 500 croix en palme tressée seront bénies lors de la messe des Rameaux. Mais la matière première se fait rare. « On a de plus en plus de mal à trouver des palmes à cause des ravages du charançon », regrette Robert Archiapati. « On privilégie des palmiers non traités pour éviter tout risque toxique. »
Le tressage de palmes ne s’arrête pas aux crucette. C’est aussi le moment de préparer la Pullenzza, composition végétale complexe qui sera exposée pour la veillée pascale. Les réalisations des années précédentes ornent déjà les murs de l’église, témoins du travail patient et collectif des membres de la confrérie.
Au fil des années, l’atelier a dépassé le cadre du catéchisme pour devenir un véritable moment de rassemblement villageois. « On vient en famille, c’est un vrai moment de rencontre et de partage. Et souvent, les gens ne s’arrêtent pas là, ils reviennent le dimanche », observe Fabrice Martinetti. « L’objectif, c’est de transmettre. Nous sommes un lien vers le passé, mais nous regardons aussi vers l’avenir. »
La confrérie peut compter sur le soutien de la municipalité, notamment pour les travaux de restauration de l’église. Quant à la Semaine Sainte, elle sera marquée par plusieurs offices : messe de la Cène jeudi à 17h, office de la Passion vendredi à 17h suivi de la procession à 21h, veillée pascale samedi à 21h, et messe de la Résurrection dimanche 20 avril à 11h. Une semaine de ferveur et de mémoire pour toute une communauté fidèle à ses racines.