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À Bastia, des avis nuancés sur une autonomie pour la Corse


Pierre-Manuel Pescetti le Jeudi 17 Mars 2022 à 19:20

L'autonomie de la Corse est une revendication portée de longue haleine par les responsables politiques insulaires aux responsabilités depuis 2015 et à la majorité absolue depuis 2021. Une revendication appuyée par la mobilisation populaire qui a débuté ce 6 mars dans les rues de l'île. Pourtant, les avis sont nuancés et à Bastia, certains sont contre, d'autres pour mais la majorité pose la même question : que met-on dans l'autonomie de la Corse ?



L'avancée vers l'autonomie fait partie des revendications portées par la mobilisation populaires de ces derniers semaines. Crédits Photo : Pierre-Manuel Pescetti
L'avancée vers l'autonomie fait partie des revendications portées par la mobilisation populaires de ces derniers semaines. Crédits Photo : Pierre-Manuel Pescetti
Une autonomie de plein droit et de plein exercice pour la Corse ? La revendication est portée depuis des années par les nationalistes autonomistes corses. Si la question a repris toute son ampleur dans la question politique depuis 2015 et les victoires successives des nationalistes aux élections territoriales, elle s’est implantée encore plus profondément depuis l’écrasante victoire de Gilles Simeoni en 2021, dont la liste a récolté 40,64 % des suffrages au second tour, pour son troisième mandat de président du conseil exécutif de l’Assemblée de Corse. L’autonomie, un des points majeurs de son programme, a été adoubée par les urnes. Du moins, les responsables autonomistes le martèlent à chaque bras de fer ou simple discussion avec l’Etat.

Mais la question de l’autonomie semble aussi au cœur des préoccupations populaires. Elle fait partie intégrante des revendications portées par la mobilisation insulaire débutée le 6 mars dernier à Corte, après l’agression d’Yvan Colonna à la prison d’Arles, le 2 mars. Si une Corse autonome pouvait sembler être un consensus partagé par tous et porté par la rue, les avis sont à nuancer.

Quatre jours après la violente manifestation de Bastia et au lendemain de l’annonce du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin de finaliser un projet global d’autonomie avant la fin 2022, dans les ruelles bastiaises, les habitants se questionnent. Certains avis sont tranchés, d’autres laissent entrevoir un besoin de plus de précisions : l’autonomie, pourquoi pas ? Mais laquelle ?

Nicolas, 60 ans, se demande si les corses veulent vraiment l'autonomie

« Obtenir l’autonomie va être compliqué. Pour moi, il faut faire un référendum pour trancher la question de savoir si les Corses la veulent, mais je pense que la majorité dira non. Il faut se poser la question de savoir ce que cela va nous apporter et s’asseoir autour d’une table pour définir ce qu’on met dans l’autonomie. »

Jeannine, 80 ans, n'en veut pas pour l'instant

« Je suis totalement contre. En tout cas pour l’instant. J’attends de voir ce que les décideurs politiques mettent derrière le mot autonomie et surtout savoir qui va la mettre en place. Je pense que nous sommes très bien comme ça avec l’État français. Pourquoi changer les choses ?

Bien sûr il pourrait aussi y avoir des avantages, mais il faut les définir. Si on parle d’autonomie fiscale, je pense qu’il faut laisser gérer les gens qui savent le faire à Paris. Le statut Joxe voté en 1991 à l’Assemblée Nationale a donné plus de pouvoirs et d’avantages à la Corse et à ses institutions, pourtant pas tous ne sont pas exploités depuis lors. Autre chose qu’il faut garder en tête c’est que l’autonomie mène à l’indépendance. »

Jean-François, 21 ans, y voit un moyen plus efficace de répondre aux problématiques spécifiques de la Corse

« Je pense que ce serait une bonne chose pour notre île. Il faut regarder ce qu’il se passe ailleurs comme en Sardaigne et en Nouvelle-Calédonie. Ils sont autonomes et ils arrivent à bien gérer leur territoire et leurs infrastructures. Pourquoi la Corse n’y arriverait-elle pas ?

Cela nous permettrait d’avoir une fiscalité propre et d’établir une gestion qui réponde vraiment aux problématiques de la Corse dans tous les domaines. On pourrait par exemple choisir de mieux développer les entreprises grâce à des dispositifs plus adaptés à la réalité du terrain, d’aider les agriculteurs pour atteindre l’autonomie alimentaire et ne plus dépendre du continent. Je pense que l’autonomie pourrait permettre de moderniser la Corse. Pour l’instant, j’ai l’impression que nous sommes bridés par l’État français et que nous ne sommes pas maîtres de notre destin. »

Marie-Paule, 54 ans, craint qu'autonomie rime avec violence

« Cette question de l’autonomie est assez préoccupante. Quand je vois toute cette violence dans la rue pour la réclamer, je me dis qu’il ne peut pas en sortir quelque chose de bon. Je pense que même acquise, les violences ne vont pas cesser, car elles y sont liées.

Il y a sûrement des avantages à être autonomes, mais il faut voir de quoi on parle quand on avance le mot autonomie. De laquelle parlons-nous ? Et qui en sera le gestionnaire ? Avant d’en parler, il faut retrouver une sorte d’apaisement pour travailler sur un statut qui apporte quelque chose à tout le monde. »