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À Ajaccio, la CLE se penche sur la situation des enfants pauvres en Corse


le Mardi 14 Octobre 2025 à 19:26

Ce mercredi, la Coordination inter-associative de lutte contre l’exclusion tient son colloque annuel dans la salle de conférences de l’hôpital de Castelluccio sur le thème « enfants pauvres, pauvres gosses ». Durant toute l’après-midi, des spécialistes de cette question viendront apporter leur éclairage sur cette « injustice absolue » et proposer des pistes pour lutter contre ce fléau.



À Ajaccio, la CLE se penche sur la situation des enfants pauvres en Corse
C’est un rendez-vous toujours très attendu par tous ceux qui, en Corse, œuvrent au quotidien contre la précarité. Ce mercredi après-midi, la Coordination inter-associative de lutte contre l’exclusion (CLE) tiendra son colloque annuel dans la salle de conférences de l’hôpital de Castelluccio, à Ajaccio. Chaque année, la CLE choisit d’aborder la question de la précarité sous un thème fort, un sujet souvent passé sous silence. Cette fois, elle a décidé de se pencher sur « une injustice absolue » : les enfants pauvres. « Un gamin qui naît dans une famille pauvre ou sans famille n’a rien choisi. Et il commence le marathon de la vie avec un handicap énorme dans un pays qui se veut fondé sur l’égalité et la fraternité, l’égalité, elle, est déjà perdue », souffle François Pernin, le président de la CLE. 
 
« Nous sommes des acteurs de terrain, des gens de l’urgence. Nous voyons chaque jour la pauvreté augmenter, et nos actions, aussi nécessaires soient-elles, restent modestes face à cette vague. La vraie solution, ce n’est pas seulement d’agir dans l’urgence, c’est de prévenir, de s’attaquer aux causes », commente-t-il par ailleurs en indiquant que les associations font le constat d’une pauvreté qui s’aggrave à tous les niveaux :  elle dure plus longtemps, touche des personnes qui, hier encore, s’en sortaient, et devient plus difficile à supporter. Les manques se multiplient, logement, soins, alimentation. « Et quand elle touche les enfants, elle devient insupportable », appuie-t-il. 
 
« La prévention est largement défaillante »

Le président de la CLE évoque ainsi ces enfants qui vivent dans des familles mal logées, où la paye des parents ne suffit pas à la fin du mois, où l’on cache sa honte derrière des sourires, où l’on se fait moquer parce qu’on n’a pas les mêmes vêtements ou qu’on ne peut pas se laver aussi souvent que les autres. « Être un enfant pauvre, c’est vivre dans la souffrance, c’est être exclu, parfois même harcelé, simplement parce qu’on n’est pas tout à fait comme les autres », déplore-t-il en ajoutant que quand vient le soir, les devoirs se font en outre sans l’aide dont dispose d’autres enfants plus favorisés. « Le handicap de départ, il est là. Et il se prolonge tout au long de la vie, dans la formation, dans les soutiens, dans les réseaux. Certains de ces gamins s’en sortiront, avec une force incroyable. Mais d’autres resteront prisonniers de cette spirale, des enfants pauvres qui deviendront des parents pauvres », regrette-t-il. 
 
Face à ce constat, la CLE plaide pour une réponse de fond, à la hauteur des enjeux. « La prévention est largement défaillante », regrette le président de la CLE en estimant que « la seule vraie sortie de crise, c’est l’enseignement, l’éducation, la formation, toutes ces formes de reconstruction ». Une conviction illustrée par un symbole : l’affiche du colloque a été réalisée par un élève de l’EREA. « C’est un gamin qui était en échec scolaire, qui s’en est sorti grâce à cette école. Alors cette affiche, elle a du sens. Elle représente ce que peut être une issue à la pauvreté : la possibilité de s’en sortir par la connaissance et la confiance retrouvée », glisse François Pernin.
 
Pour nourrir cette réflexion, la CLE accueillera plusieurs intervenants de renom qui se succéderont tout au long de l’après-midi. Parmi eux, le docteur Xavier Emmanuelli, cofondateur de Médecins sans Frontières et du Samu social, Frédéric Jésu, pédopsychiatre et spécialiste des politiques de l’enfance, et le magistrat Jean-Pierre Rosenczveig, figure incontournable de la protection de l’enfance. Tous dresseront le constat sans détour d’un système à bout de souffle. « La France connaît une véritable faillite de la protection de l’enfance »,insiste François Pernin, rappelant qu’une récente enquête a révélé plus de 1 700 professionnels exclus du secteur pour des faits liés à la pédophilie. « Actuellement, il y a aussi 3 000 enfants qui sont dans les rues et surtout à Paris. Et cette année il y en a 38 qui sont morts d'après le collectif des morts dans la rue », reprend-il en fustigeant : « Ces enfants sont parfois en danger dans un système censé les protéger ».

Un enfant sur quatre vit sous le seuil de pauvreté en Corse
 
À Castelluccio, la parole sera aussi donnée à ceux qui vivent cette réalité. Des enfants du mouvement Copain du Monde, soutenu par le Secours populaire, parler de leur vécu, offrant un témoignage de première main permettant de plonger dans la réalité de la pauvreté. Leur intervention ouvrira les échanges, avant les tables rondes et les débats. Afin de regarder à la loupe la situation locale, l’association Ghjuventù di Manca sera également présente pour présenter son étude intitulée La pauvreté des enfants en Corse, l’urgence sociale. Un travail qui révèle qu’un enfant sur quatre vit sous le seuil de pauvreté sur l’île. « Malgré l’ampleur et la gravité du phénomène, il n’est presque jamais question de ces enfants dans le débat public insulaire », écrivent les auteurs, notant que la pauvreté est si stigmatisée sur l’île qu’elle se cache, nourrie par la honte et la peur d’être marginalisé. « Combattre cette honte est indispensable pour prendre conscience qu’il s’agit d’une expérience partagée, pour protester contre cette situation intolérable et pour créer, collectivement, les conditions d’une enfance heureuse pour toutes et pour tous », arguent-ils.
 
Cette année, la salle qui accueillera le colloque de la CLE devrait être comble. Le public attendu à Castelluccio sera composé en grande majorité de professionnels du social, d’élus, d’associations et d’étudiants en formation. « C’est un public extraordinaire parce que c’est celui de l’avenir. Les formateurs, les jeunes en formation, détiennent les clés des solutions de demain », se réjouit François Pernin. Mais plus loin, pour le président de la CLE, il faut désormais une véritable politique de lutte contre la pauvreté, structurée, coordonnée, durable. « Un hôpital ne fonctionne pas qu’avec des urgentistes. Il faut des soins de suite, de la réadaptation, de la prévention. C’est pareil pour la pauvreté. Aujourd’hui, il manque une stratégie d’ensemble, un chef de file », glisse encore François Pernin en appelant à la mise en place d’un ministre dédié à la pauvreté au niveau national.