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8 000 personnes ont défilé à Bastia pour demander un statut fiscal dérogatoire


Nicole Mari le Samedi 9 Février 2013 à 23:44

C’est un succès. Malgré le froid et la neige qui ont empêché beaucoup d’Ajacciens de rejoindre la capitale nordiste, la manifestation pour réclamer un statut fiscal dérogatoire, organisée par le Collectif de la société civile, a atteint son but : envoyer un signal fort à l’Etat. La quasi-totalité de la classe politique insulaire, à l’exception de la gauche républicaine et zuccarelliste et du Front de gauche, ainsi que des institutions, des organisations professionnelles, des associations et des citoyens de tous âges et de toutes conditions sont venus, dans une belle unanimité, dire, à Paris, leur refus de la suppression des Arrêtés Miot et leur crainte de ne pouvoir transmettre leurs biens à leurs enfants. Quelques réactions d’élus présents.



8 000 personnes ont défilé à Bastia pour demander un statut fiscal dérogatoire
C’est derrière la même banderole qui ouvrait, il y a 20 ans, en 1992, la même manifestation sur la même revendication d’un statut fiscal dérogatoire que 8 000 insulaires ont, donc, défilé, samedi après-midi, dans le calme, à Bastia. La manifestation a démarré Place d’Armes vers 15 heures pour rejoindre tranquillement le fond du Boulevard Paoli où, malgré quelques slogans clamés par un groupe de jeunes vite apaisés, elle s’est dispersée, toujours aussi calmement que l’avaient souhaité les organisateurs.
 
Droite et Nationalistes réunis
En tête du cortège, entourant Me Alain Spadoni et Louis Orsini, les représentants des 47 associations qui ont rejoint le collectif de la société civile, la Ligue des droits de l’Homme, les Chambres consulaires de commerce et d’agriculture, et surtout la classe politique presque au complet. Tous les leaders et élus nationalistes et toute la droite insulaire, députés et président du conseil général de la Corse-du-Sud en tête, étaient au rendez-vous. Si peu de leaders de gauche, à l’exception notable du maire d’Ajaccio, Simon Renucci, ont fait le déplacement, en revanche de nombreux conseillers généraux, maires et conseillers municipaux Giacobbistes se sont mêlés à la foule.
 
Le droit à la différence
La manifestation s’est achevée par une allocution de Louis Orsini, qui a rappelé que le 28 novembre 1992, plus de 10 000 Corses avaient déjà descendu le même boulevard pour revendiquer « le droit à la différence sociale pour tenir compte d’une situation inégalitaire, objective et principalement fondée sur le fait insulaire ». Résumant le sentiment général qui prévaut dans la population, il déclare : « Aujourd’hui, les Corses ne peuvent comprendre et admettre que, malgré son statut spécifique, malgré sa situation économique et sociale difficile, voir précaire, malgré la persistance de ses difficultés qui exigent des traitements adaptés, leur île soit en proie à une frénésie assimilatrice. Ils ne peuvent comprendre et admettre que la finalité du particularisme fiscal se résume à l’aménagement de quelques délais ou de périodes dans le but ultime n’aurait pour seule ambition que de faire rentrer la Corse dans le droit commun ».
 
L’égalité, pas l’égalitarisme
Louis Orsini précise, ensuite, que le but de la manifestation n’est pas de « défendre des privilèges, réclamer un paradis fiscal ou ne pas payer l’impôt », mais de réclamer « l’égalité fondée sur la prise en compte des intérêts propres de la Corse » qu’il oppose à « l’égalitarisme qui bafoue autant la spécificité que les difficultés ».
Et d’expliquer : « Pour qu’un impôt soit accepté par le citoyen, il faut qu’il soit acceptable. Il faut que les conditions de son établissement soient claires, que son tarif ne soit pas confiscatoire pour ceux qui n’auront pas les moyens d’y faire face ».
Partant de là, il demande « Où est l’égalité ? » face à des titres de propriétés inexistants, un cadastre faux et à une flambée des prix de l’immobilier et donc de la valeur vénale des biens sur laquelle sont calculés les droits de succession. « Il importe aujourd’hui de stopper la mécanique infernale qui peut, à court terme, broyer le patrimoine des Corses qui n’auront pas d’autre issue, lorsque leurs revenus ne seront pas en rapport avec l’actif de leur patrimoine, que de vendre pour payer l’impôt. La solution ne peut être que celle du droit et de la justice », conclut-il.
 
Une satisfaction générale
C’est sur des accents très gaulliens que Me Alain Spadoni clôture la manifestation par un satisfecit enthousiaste : « Mes amis, notre Corse est en danger. Elle vous a appelés et vous êtes venus. Bravo à tous ! Bravo aux Corses ! Bravo à notre jeunesse d’avoir été capable de se mobiliser, d’avoir défilé dans la dignité et dans l’honneur. Aujourd’hui, vous pouvez être fier, vous pouvez dire : j’étais le 9 février à Bastia. Et l’on vous dira : vous êtes des braves ! Vive notre terre. Vive notre peuple ! ». Et entame, sous les acclamations, le Dio vi Salvi Régina.
Après l’unanimité affichée, jeudi, par l’Assemblée de Corse, lors du vote de la motion demandant des mesures dérogatoires supplémentaires et le transfert de la fiscalité des successions, la population a démontré qu’elle est également unie derrière cette revendication. C’est en, tous cas, l’avis de tous les élus présents qui, à l’instar du collectif, ont également exprimé leur satisfaction et leur optimisme.
N .M.

Les élus, entre satisfaction et optimisme

Simon Renucci, maire d’Ajaccio et leader de Corse Social Démocrate : « Je tiens à exprimer ma solidarité avec tous les Corses qui, suite à la décision du Conseil constitutionnel, après sa saisine par les députés UMP, se retrouvent plongés dans le désarroi. Il est paradoxal de manifester à côté de ceux à cause de qui on est là. La vie politique a ses charmes, mais aussi ses retournements. Elle a surtout le fait que ce ne sont pas toujours les mêmes qui ont toujours raison. J’exprime également ma solidarité envers la démarche entreprise, d’une part par le collectif et, d’autre part, par l’Assemblée de Corse auprès du ministre du Budget. Je fais aussi confiance au gouvernement de Jean-Marc Ayrault pour traiter de façon équitable et durable la situation actuelle en adoptant des mesures transitoires dans l’immédiat et proposer une solution respectueuse des intérêts patrimoniaux des Corses et de la situation économique et foncière de notre île ».
 
Camille de Rocca Serra, député de la 2ème circonscription de Corse du Sud et élu territorial UMP : « En 1992, j’étais déjà là d’une autre façon avec d’autres mandats. Aujourd’hui, je suis là dans la diversité de la représentation politique de la Corse pour défendre quelque chose qui nous est nécessaire et que nous avons défendu ! ».
 
Gilles Simeoni, élu territorial et leader de Femu a Corsica : «  C’est une mobilisation exemplaire. Beaucoup de monde est venu de toute la Corse malgré les importantes difficultés météorologiques. La manifestation, qui s’est déroulée dans le calme et dans la détermination, montre clairement que les Corses ont compris les enjeux et qu’ils sont prêts à se mobiliser. Il faut impérativement que Paris prenne en compte nos revendications et comprenne que la Corse n’entend pas renoncer sur la question des Arrêtés Miot et, au delà, sur les questions fondamentales qui conditionnent notre mieux-être collectif ».

Jean-Christophe Angelini, élu territorial et leader de Femu a Corsica : « Le peuple et les élus, toutes tendances confondues, ont montré une grande détermination à ne pas reculer et à pérenniser les dispositions historiques héritées des Arrêtés Miot. Ce fut une démonstration de force pacifique, démocratique, mais réellement marquée par la volonté de continuer avec énergie et détermination. L’ampleur de la mobilisation, son caractère pacifique, sa grande diversité et la détermination des manifestants sont autant de signes d’une mobilisation réussie, comme cela ne l’a pas été depuis longtemps en Corse. Reste maintenant à avancer politiquement et techniquement en ne perdant jamais de vue que la rue, la mobilisation citoyenne, est un rempart important contre l’injustice et la décision du 29 décembre était et demeure profondément injuste ».
 
Jean-Guy Talamoni, élu territorial et leader de Corsica Libera : « C’est un acte majeur de la part des Corses d’avoir refusé la situation qui leur était faite par cette décision éminemment politique du Conseil Constitutionnel. Cette décision a été prise pour faire croire à l’opinion française que les Corses avaient des avantages indus et qu’on y mettait fin. C’est l’expression d’un racisme anti-Corse qui règne au sein de l’élite politique française. Les Corses ont dit qu’ils refusaient ce traitement. L’assemblée de Corse unanime et les Corses dans la rue disent de manière cohérente qu’ils exigent ne pas être dépossédés de leur patrimoine ».
 
Jocelyne Mattei Fazi, maire de Renno et présidente de l'association des maires de Corse du Sud : « Le peuple corse est venu. Nous étions tous dans la rue. Je pense que nous allons avancer en positif et que le gouvernement va nous entendre car nous sommes dans le pays de la démocratie. Le peuple est dans la rue. Donc, le peuple va être entendu ».
 
Ange-Pierre Vivoni, maire de Sisco et président de l'association des maires de Haute-Corse : « Aujourd’hui, nous avons vu des jeunes défiler dans le calme. C’est ça le peuple corse qui aspire à sa liberté et qui a toujours aspiré à sa liberté ! Ce que nous demandons aujourd’hui, c’est un droit que nous réclamons depuis plus de 20 ans. Et, je pense qu’en France, on nous comprendra. On est obligé de nous comprendre parce que notre terre n’est pas à vendre ! ».
 
Hyacinthe Vanni, élu territorial de Femu a Corsica : « C’est une mobilisation réussie avec beaucoup de monde, des jeunes, des anciens et, ce qui est très important, une mobilisation de toute la classe politique, à l’exception toujours, bien entendu, des mêmes, mais on arrive à s’en passer ! C’est la preuve d’une prise de conscience par les Corses que la Corse est en danger. C’est vraiment très encourageant pour l’avenir ».
 
André Pacou, délégué régional de la Ligue des droits de l'homme : « La mobilisation est réussie. Il y avait du monde. Nous voulions que tout le monde soit concerné, ni gauche, ni droite, ni nationalistes, mais tout le monde ! Nous avons réussi. Et surtout, ce qui est important, c’est le message que nous renvoyons, celui de sortir du désordre juridique et d’entrer dans le droit, de traiter la Corse selon sa singularité et non pas selon des logiques uniformes. Il faut que ce message soit entendu, pour la question fiscale, mais aussi pour d’autres questions. Il faut maintenant l’inscrire dans la constitution. C’est la position de la Ligue des droits de l’Homme. La Corse doit trouver dans la Constitution française une place singulière pour que l’on sorte d’un certain nombre de blocages qui perdurent depuis des années et qui génèrent des malentendus et des violences. On n’en sortira que par le droit ».
 Propos recueillis par Nicole MARI