Corse Net Infos - Pure player corse

Yvan Colonna, des bergeries de Carghjese aux prisons françaises


Pierre-Manuel Pescetti avec AFP le Mercredi 2 Mars 2022 à 17:55

Entre la vie et la mort après son agression par un co-détenu jihadiste à la prison d'Arles, Yvan Colonna, 61 ans, avait été condamné à la perpétuité pour l'assassinat du préfet Erignac. Mais ce berger, nationaliste corse convaincu, a toujours nié son implication.



Yvan Colonna lors de son arrestation en 2003. Crédits Photo : AFP
Yvan Colonna lors de son arrestation en 2003. Crédits Photo : AFP
Violemment agressé à mains nues, Yvan Colonna est en réanimation à l'hôpital d'Arles, ville où il était détenu malgré ses multiples tentatives de se rapprocher de la Corse et notamment de son deuxième fils, né alors qu'il était déjà en prison. En fin d’après-midi, ce mercredi 2 mars, il a été transféré vers un hôpital de Marseille.

Deuxième d'une fratrie de trois, Yvan Colonna est né le 7 avril 1960 à Ajaccio. Mais il va quitter l'île à l'adolescence, pour Nice, avec sa famille, ce qui restera une blessure pour lui.

Sur la Côte d'Azur, il passe un bac B et étudie pour devenir professeur d'éducation physique, comme son père, Jean-Hugues Colonna. Ce dernier, entré en politique, devient député socialiste des Alpes-Maritimes en 1981, puis conseiller au ministère de l'Intérieur.
L'amour de ce brun athlétique pour son île natale lui fait vite abandonner ses études pour retourner dans son fief familial de Cargèse, au nord d'Ajaccio, où il va alterner les petits boulots, comme maître-nageur, avant de s'installer en tant que berger.

Soupçonné par les policiers d'avoir été un « soldat » du Front de Libération nationale de la Corse (FLNC), il admet simplement avoir été « un militant politique ». De 1995 jusqu'à sa mise en cause dans l'assassinat du préfet, il ne fait pas parler de lui.

1998, le préfet Claude Erignac est assassiné

Le 6 février 1998, Claude Erignac, préfet en Corse depuis deux ans, est assassiné. Un acte « barbare... sans précédent dans notre histoire », dira le président Jacques Chirac.

En mai 1999, quand sont arrêtés les membres du groupe suspecté de l'assassinat et qu'interviennent les premières dénonciations, Yvan Colonna prend le maquis. Une cavale de quatre ans, jusqu'à son arrestation en juillet 2003. Sa piste a été suivie du Venezuela à la Sardaigne en passant par Vanuatu ou le Costa Rica, mais il était en réalité dans son île, dans une bergerie près de Propriano.
Sur la photo diffusée alors, il apparaît les cheveux mi-longs, une boucle d'oreille et un tee-shirt blanc, nourrissant l'image d'un homme qui s'est forgé une « carapace » durant sa fuite. Carapace qu'il renforcera pendant ses huit années de détention provisoire.

Suivra une longue saga judiciaire, avec trois procès avant une condamnation définitive à la réclusion criminelle à perpétuité, sans période de sûreté, en 2011. Mais Yvan Colonna a toujours nié. « Je n’ai jamais tué personne, je n’ai jamais pensé tuer quelqu'un », avait-il insisté lors de son dernier procès. Mais il assume : « Je suis nationaliste, je pense que je le serai toujours ». Il déclarait toutefois avoir quitté le militantisme en 1989-1990, après la naissance de son premier fils, pour se consacrer à sa famille et à son élevage caprin.

Il tentera même d'obtenir un énième procès en saisissant la Cour européenne des droits de l'Homme, estimant de pas avoir été traité équitablement par la justice française.

En exil judiciaire depuis 2003

Incarcéré à Fresnes (Val-de-Marne), Toulon puis Arles, entre autres, il a multiplié les demandes de rapprochement en Corse, toutes refusées pour ce « détenu particulièrement signalé ». Même l'humoriste Guy Bedos critiquera « l'acharnement pénitentiaire » contre le nationaliste.

En 2018, sa femme, qu'il a épousée en prison et avec qui il a eu un fils aujourd'hui âgé d'une dizaine d'années, interpellait Emmanuel Macron lors d'une visite à Ajaccio : « Mon fils de six ans n'a pas vu son père depuis un an et demi. S'il vous plait, faites quelque chose ».

« Que votre enfant puisse voir son père, que les personnes qui sont détenues dans notre pays puissent voir leur famille, ça fait partie des choses que nous allons assurer », lui avait alors répondu le président.

Fin janvier, trois députés corses, avaient déclaré devant la prison d'Arles qu'il subissait « un traitement dégradant du point de vue du droit », plaidant pour un rapprochement familial. En vain. Ils l'avaient alors trouvé « physiquement très en forme » et mentalement « lucide » et « déterminé ».