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« Une mascarade - Una mascherata », le dernier roman de Pierre-Jean Susini


Philippe Jammes le Mardi 20 Septembre 2022 à 11:53

Après deux romans, Pierre-Jean Susini nous revient avec un recueil de pièces et de saynètes bilingues : « Une mascarade - Una mascherata ». Des comédies, tragédies, scènes de la vie ordinaire ou presque. Belle rencontre avec l’auteur.



L'auteur
L'auteur
- Qui est Pierre-Jean Susini ?
-  Je suis né voilà 68 ans, originaire de Pietrosu. Mais j’ai passé une bonne partie de ma vie à Paris. Une vie professionnelle essentiellement consacrée au travail social, à l’écoute des autres, à Paris puis en Corse à partir de 1981. La retraite prise, j’ai pu m’adonner à une de mes passions : l’écriture. J’ai débuté par la poésie au sein d’un ouvrage collectif : Le Decameron  aux éditions Albiana. Cet ouvrage qui regroupait plusieurs auteurs a été écrit pendant le confinement de 2020. Je suis aussi musicien, jouant accordéon et guitare, et compositeur.

- Des références en matière d’écriture ?
- J’aime beaucoup Maupassant, sa manière d’écrire, de décrire, d’échanger, sa vision du monde. Il a d’ailleurs écrit sur la Corse.

- Vos deux précédents ouvrages étaient des romans…
- Oui, tous deux publiés aux éditions du Lys Bleu en 2021 . Le premier s’intitulait « Bal musette 1961 ». Chacun des mots composant ce titre a une symbolique particulière. Bal renvoie aux couples, aux filles, aux bons et aux mauvais garçons, à un milieu plus ou moins fréquentable. Musette, pour sa part, raconte la vie d'un passionné d'accordéon que je suis qui se rend bien compte dans les années 60 que sa musique ne résistera pas longtemps à la vague du rock'n'roll venue d'outre-Atlantique. 1961, enfin, pour évoquer une époque charnière, où les valeurs de sacrifice, d'abnégation, propres à l'après-guerre, commencent à voler en éclat comme la société tout entière sept ans plus tard. Ce roman est une histoire d'amitiés qui transporte le lecteur du quartier de la Bastille à Paris jusqu'à New York, en passant par l'Auvergne, la Côte d'Azur, l'Italie du Sud et bien sûr la Corse. Le second, « Un autre », est sorti au début de cette année. C’est le récit d'un double jeu entre la réalité et la fiction, ces deux aspects prenant un malin plaisir à entrecouper le fil d'Ariane de notre labyrinthe. Un livre sur la double personnalité.

- Avec ce nouvel ouvrage, Una mascherata, vous voilà dans un autre registre.
- C’est en effet un recueil de pièces et saynètes pour le théâtre. Dans le cadre de Praticalingua, j’ai participé à des ateliers de théâtre animés par Henri Olmeta**. Ça m’a donné l’envie d’écrire des comédies ou des tragi-comédies. Pour moi c’est la meilleure manière de parler des choses graves, de pouvoir aussi passer des messages. Ste pezze di teatru, scritte in modu bislìnguu, parlanu di a vita, di a sucietà, in Corsica ma micca solamente. Sò cusì una manera di dì, d'un cantu, chì ci vole à fà tuttu per priservà a nostra lingua sicuramente, e nostre tradizione è tuttu ciò chì face l'identità corsa, è di l'altru cantu, ch'ellu hè impurtante d'apresi annant'à u mondu, versu d'altre culture, d'altri populi.
- Certaines pièces sont de véritables clins d’œil non ?
- « Madame T » par exemple ? Oui, c’est une pièce en hommage au chanteur Renaud qui à l’époque avait sévèrement critiqué la première ministre anglaise Madame Thatcher. J’y défends la condition des femmes, la parité. J’aborde le sexisme, la lutte contre l’homophobie. Il y a aussi une pièce sur le confinement, sur la botanique, la musique d’aujourd’hui et d’hier, le rapport de la musique à la société, un clin d’œil à U2. Il y a un message de Bono, beaucoup de valeurs auxquelles je tiens, de la dérision aussi. Dans L’eroe di mascherata, j’évoque un acteur célèbre pour ces interprétations de personnages du classique mais qui en fin de carrière est délaissé, un paradoxe avec ses rôles. « Un monde nouveau » parle de jeunes qui font le tour de Corse à la recherche d’un monde meilleur, un conte poétique et musical. Enfin allusion aux mazzeri, à Dorothy Carrington, aux vieilles croyances, aux plantes des sorciers dans L’osteria di u Fiume Neru.

- Un livre bilingue avec une première partie en langue corse, une seconde en français…
- La présentation de ce recueil en mode bilingue corse-français est une richesse qui permet d’en élargir l’accès. Pour l'écriture en langue corse, j'ai été influencé par tous les auteurs corses contemporains, sans pouvoir les citer tous. Parmi les grands poètes, plus anciens, je citerais juste Martinu Appinzapalu, décédé en 1948, parce qu'il est de mon village, Pietrosu. Le plus souvent la traduction du corse vers le français est littérale, sauf pour certains traits d'humour où il faut adapter les expressions.

- Ces pièces et saynètes n’avez-vous envie de les montrer sur scène ?
- On a déjà joué certaines d’entre-elles dans le cadre de Praticalingua. Trois mises en scène d’Henri Olmeta avec notamment Georges Antonini et Angèle Vanni. En tout une douzaine de comédiens ont participé à ces pièces qui ont hélas été étouffées par le COVID.  

- Des projets ?
- J’ai déjà un roman en préparation. Il devrait sortir en fin d’année. Un roman sur le thème de l’adoption, sur le désir d'enfant.   

Infos ++

 
*Editions Maïa. En librairie et sur les plateformes habituelles.
** Henri Olmeta a superbement préfacé l’ouvrage, extraits : « …Pierre-Jean se joue des mots, des tournures de phrase et du comique de situation avec la même folie qu’il mettait dans son jeu d’acteur de théâtre. La farce est son plaisir, présente à chaque instant dans ses écrits pour nous faire rire aux éclats avec des personnages tour à tour moqueurs ou moqués…. Mais Pierre-Jean a quelque chose en plus ! Chacune de ses œuvres invite le spectateur à se poser des questions, qu’il s’agisse de questions sociétales, de la condition des femmes, du racisme, de l’ouverture à d’autres cultures. Enfin il nous interroge sur les problèmes actuels en donnant un avis argumenté, sans crainte, jamais ! … »