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Tribunal de commerce de Bastia : un bilan en trompe l'œil et une juridiction en souffrance


Pierre-Manuel Pescetti le Samedi 16 Janvier 2021 à 13:01

Le tribunal de commerce a clôturé cette journée dédiée aux audiences solennelles de rentrée des différentes juridictions au palais de justice de Bastia. Avec une chute de 44 % des procédures judiciaires par rapport à l'année 2019, le tribunal de commerce affiche un bilan en trompe l'œil faussé par les dispositifs d'aide aux entreprises de l'état qui ne laisse rien présager de bon pour l'année à venir.



L'audience solennelle de rentrée du tribunal de commerce de Bastia a marqué la fin de toutes les audiences solennelles de rentrée des différentes juridictions du palais de justice de Bastia.
L'audience solennelle de rentrée du tribunal de commerce de Bastia a marqué la fin de toutes les audiences solennelles de rentrée des différentes juridictions du palais de justice de Bastia.
Quatrième et dernière audience solennelle au palais de justice de Bastia ce vendredi 15 janvier. Cette fois c’est au tour du tribunal de commerce de présenter ses vœux aux institutions et aux citoyens par le biais d’un discours de son président Gilles Filippi. S’il présente un bilan 2020 en baisse en termes de procédures, le président reste lucide quant à la crise économique qui pourrait toucher plus durement encore le tissu économique corse composé en majeure partie de Très Petites Entreprises (TPE).
Un bilan positif qui cache la partie encore immergée de l’iceberg, maintenue sous l’eau grâce aux divers dispositifs de l’Etat pour aider les entreprises en difficulté tels que le fond de solidarité et le Prêt Garanti par l’Etat (PGE). Si l’activité commerciale en 2021 s’annonce semblable à une navigation en eaux troubles, le tribunal veut rester mobiliser et maintenir le cap d’un engagement pour la protection de l’économie corse.

Une baisse de toutes les procédures
Avec une chute de 30,6 % des affaires inscrites et de 44,3 % des injonctions à payer par rapport à 2019, l’année 2020 marquée par une perte sèche d’activité à cause de la crise sanitaire paraît faire figure de bonne élève. Cependant ces chiffres ne sont que les reflets trompeurs des effets bénéfiques « des dispositifs d’aide mis en place par le gouvernement qui ne font que retarder un temps les conséquences néfastes de la crise sanitaire sur les entreprises » selon Gilles Filippi.

Une baisse en trompe l’œil qui se situe aussi au niveau des redressements et des liquidations judiciaires qui ont chuté de 44 % avec 34 procédures pour les premières et 51 pour les deuxièmes. Un taux anormalement bas, toujours expliqué par la mise sous perfusion de l’économie grâce aux dispositifs d’aides de l’état, et qui laisse craindre pour Gilles Filippi « un effet rebond dont l’ampleur doit être mesurée et qui risque d’avoir de très lourdes conséquences sur notre fonctionnement et notre capacité à endiguer le flux des procédures à venir ».

S’il salue les PGE et l’accord trouvé entre l’état et les banques qui « ont permis de sauver des entreprises et le tissu industriel corse » il souhaite également qu’un accord soit scellé quand au plan de relance voté à l’unanimité par l’Assemblée de Corse.

Punir les profiteurs de guerre
L’accent a tout particulièrement été mis en début d’audience sur les fraudes de certaines personnes qui profitent des dispositifs d’aide pour acquérir des fonds de solidarité non justifiés. Le tribunal prévient : « nous serons engagés dans la lutte contre ces nouvelles fraudes. Les gérants d’entreprise peu scrupuleux seront rattrapés par la justice ». Un engagement qui porte déjà ses fruits avec 38 200 euros d’amendes recouvrées.

Un tribunal en souffrance
« Si la justice manque cruellement de moyen, les tribunaux de commerce sont plus encore l’objet de ce dénuement. Des moyens manquent, plus encore cruellement au Tribunal de Commerce de Bastia ». Il est donc temps, encore une fois, de « sonner l’alarme car la situation ne s’est guère arrangée depuis l’année dernière » selon Gilles Filippi. Il dénonce ici le manque de fournitures nécessaires au bon fonctionnement de la juridiction que certains magistrats, pourtant bénévoles, doivent fournir à titre personnel ainsi qu’un accès restreint au numérique.

Si le pire semble être « devant nous » comme l’a annoncé le ministre de l’économie Bruno Le Maire, Gilles Filippi a tenu à finir sur une note d’espoir et d’abnégation : « pour autant nous ne nous résignons pas, cette juridiction ne se résigne pas. Elle se compose d’individus animés de leur bénévolence c’est-à-dire d’un investissement désintéressé sur le plan matériel mais rémunérateur sur le plan humain et citoyen. Ce civisme, cette attention aux autres, cette volonté de servir et de garantir à notre territoire les meilleurs atouts de son économie, croyez bien, Mesdames, Messieurs que c’est assez pour traverser les tempêtes ».