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Tavera : L’Exécutif territorial s’engage aux côtés des bergers pour la réouverture de la piste


Nicole Mari le Vendredi 29 Juin 2018 à 18:09

L’affaire débute par la destruction de nuit à coups de pelleteuse d’une piste qui mène aux estives de Verdanese et d’un réservoir d’eau sur la commune de Tavera. Des lettres anonymes sont adressées aux bergers et aux chasseurs leur interdisant l'accès aux bergeries. L’une d’elle profère des menaces claires : « Tout individu, berger, chasseur, qui voudra refaire la route en subira les conséquences, nous attaquerons les bergeries, nous traquerons chaque entreprise qui refera la route ». Face aux pressions, le Conseil municipal de Tavera décide de ne pas remettre en état la piste. Les bergers désemparés, qui ne peuvent plus faire transhumer leurs troupeaux, font appel à l’Exécutif territorial. Ils ont été reçus, vendredi matin, par le président Gilles Simeoni qui s’est engagé à discuter avec la mairie de Tavera pour faire rouvrir la route. Explications, pour Corse Net Infos, de Gilles Simeoni, et réaction en vidéo de Sébastien Celli, berger.



Le président de l'Exécutif territorial, Gilles Simeoni, avec les bergers, à l'issue de la réunion. Crédit photo M.L.
Le président de l'Exécutif territorial, Gilles Simeoni, avec les bergers, à l'issue de la réunion. Crédit photo M.L.
- Pourquoi avez-vous reçus les éleveurs de Tavera ?
- Nous en avions convenu à l’issue de la manifestation de soutien qui a eu lieu le 16 juin à Tavera et à laquelle ont participé de nombreux élus de la majorité territoriale, notamment Pierre Poli, Hyacinthe Vanni et Marcellu Cesari. Il avait été, alors, prévu que la Collectivité de Corse (CDC) s’impliquerait pour rouvrir le dialogue entre les bergers, le maire et le Conseil municipal de Tavera. Entre le moment de cette décision et la date de préparation de la réunion, des éléments nouveaux sont intervenus. Le maire et le Conseil municipal de Tavera ont voté une délibération par laquelle ils refusent l’ouverture de la piste qui est propriété de la commune.
 
- Qu’avez-vous décidé pendant cette réunion ?
- Les bergers nous ont expliqué, aujourd’hui, que l’impossibilité d’accéder de façon motorisée à leurs estives les conduisait à perdre leur saison. Ils sont, donc, confrontés à une situation d’urgence à laquelle il faut absolument répondre avant de traiter les problèmes de moyen et de long terme. C’est la raison pour laquelle nous avons acté, avec les participants à la réunion, que la CDC, par la voix de Lionel Mortini, président de l’ODARC, allait prendre contact avec le maire de Tavera pour qu’une réunion soit organisée entre la municipalité et la collectivité. Nous demanderons à la commune de rouvrir la piste au moins pour que l’exploitation puisse se faire normalement cet été. L’urgence, aujourd’hui, est de répondre aux attentes, aux demandes, aux inquiétudes qu’ont exprimées les bergers de ces estives.
 
- Au delà de cette urgence, que pensez-vous faire ?
- Il faut réaffirmer les principes comme nous l’avons fait depuis le premier jour où cette affaire a été portée à notre connaissance. Quelques soient les difficultés ou les conflits, il ne peut pas y avoir la moindre faiblesse ou la moindre complaisance dans notre rejet et notre refus absolus de toute menace. Il n’est pas pensable et admissible que des femmes et des hommes, qui vivent de leur travail sur leur terre dans des conditions difficiles, des éleveurs, des bergers, puissent être menacés, soit directement, soit indirectement. Il faut le dire clairement. Il faut s’impliquer aussi pour essayer de comprendre parce que, pour l’instant, l’arrière-plan de cette affaire reste totalement flou.
 
- Vous évoquez une action sur le moyen et le long terme. De quoi s’agit-t-il ?
- Au-delà de cette éventuelle compréhension qui sera certainement difficile, il faut travailler à apaiser la situation, la normaliser et réfléchir, tous ensemble, à la gestion de ce massif, et plus généralement de la montagne corse. C’est un problème de fond. On sait très bien qu’aujourd’hui, il y a des conflits d’usage, et donc, la nécessité de préserver et soutenir l’exploitation pastorale tout en gérant les flux de touristes, de chasseurs, de promeneurs, d’exploitants forestiers ou de personnes vivant d’une activité économique directement ou indirectement liée à la montagne. Entre toutes ces personnes peuvent surgir des conflits d’usage. Préserver la montagne comme espace de liberté, y compris dans des dimensions environnementales et écologiques, est une nécessité. Ce travail de fond doit être mené par tout le monde : la CDC, le parc régional, les communes et même par les citoyens.
 
- Les menaces renvoient à des schémas de comportement anciens. Ces choses, qui ne changent pas, ne sont-elles pas inquiétantes pour la société corse ?
- Je pense qu’en Corse, il y a globalement une volonté très large et très majoritaire d’aller vers une société toujours plus démocratique et respirante, respectueuse des droits et des libertés de chacun. En même temps, il continue d’y avoir des comportements qu’il faut rejeter. On sait très bien que ce type d’actes de malveillance et de menaces existent dans l’histoire qui nous préoccupe aujourd’hui et existent aussi dans d’autres domaines. Donc, il y a un travail à faire au quotidien. Cela ne passe pas, à mon avis, par la stigmatisation ou des attitudes bellicistes, mais par la réaffirmation de certains principes, par la fermeté absolue quand au refus de ce type de comportement, et aussi par la construction de relations politiques, économiques, sociales et sociétales qui marginalisent ce type de dérives jusqu’à les faire disparaître.
 
- Les bergers parlent d’une pression liée à un projet immobilier. Vous avez, dans un courrier, rappelé à la Préfète qu’il fallait appliquer le PADDUC. N’est-ce pas le cœur du problème ?
- Très sincèrement, je ne sais pas ce qu’il y a en arrière plan de ces actes de malveillance, de ces destructions et de ces menaces. Je ne le sais absolument pas ! Ce que je sais, c’est que s’il s’avérait que, là comme ailleurs, des enjeux soient liés au foncier ou à quelque forme de spéculation que ce soit, il faudrait s’opposer à ce type de mécanismes et de visées. Et réaffirmer que la Corse d’aujourd’hui et la Corse, que nous sommes en train de construire, est une Corse de la solidarité, de l’équité et du travail.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.

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