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Sébastien Ristori publie la 2e édition de son ouvrage de référence sur la finance d’entreprise


VL le Dimanche 10 Août 2025 à 17:30

Auteur, enseignant et professionnel aguerri, Sébastien Ristori publie la 2e édition enrichie de son manuel Les clés de la finance d’entreprise (Éditions Ellipses). Entre ancrage académique et expérience de terrain, il livre une vision claire d’une discipline en mutation, de plus en plus marquée par les exigences sociales, environnementales et éthiques. Entretien.



Sébastien Ristori
Sébastien Ristori

Sébastien, qu’est-ce que la finance d’entreprise aujourd’hui ?
La finance d’entreprise, c’est avant tout l’art de piloter les ressources financières d’une organisation pour assurer sa pérennité, sa croissance et sa création de valeur. Elle aborde des questions très concrètes : comment investir ? Se financer ? Gérer les risques ? Et surtout, comment arbitrer entre différentes options pour servir au mieux l’entreprise, ses actionnaires mais aussi, désormais, l’ensemble de ses parties prenantes.
Derrière les outils – analyse financière, modélisation, gestion du capital – il y a une forte dimension stratégique : des choix de développement, des négociations avec banques et investisseurs, des paris sur l’avenir. La finance ne peut plus se limiter à maximiser les profits à court terme. Elle intègre désormais pleinement les enjeux ESG : environnement, société, gouvernance. C’est une discipline rigoureuse, mais aussi vivante, engagée, connectée aux grandes transformations économiques.

Qu’apporte cette nouvelle édition par rapport à la première ?
Je voulais un manuel plus complet encore, couvrant l’ensemble du champ de la finance d’entreprise. Cette 2e édition représente un vrai tournant : elle est enrichie d’une partie inédite sur l’ingénierie financière.
J’y explore les opérations de fusion-acquisition – négociation, évaluation, arbitrage – mais aussi l’introduction en Bourse, les stratégies de capital, la gestion de la trésorerie, le financement des start-up, les opérations de restructuration. J’ai également intégré une approche transversale de la finance durable : outils d’analyse extra-financière, gestion des risques, conception de politiques financières durables. L’ouvrage passe ainsi de 350 à 750 pages. Je l’espère à la fois technique, stratégique et ancré dans les grands enjeux contemporains.

Vous assumez un double ancrage : universitaire et professionnel. Pourquoi ce choix ?
Ce livre synthétise plus de quinze années d’expérience : analyste financier pour un groupe coté, responsable d’opérations complexes (LBO, levées de fonds, restructurations…), mais aussi enseignant-chercheur en finance à l’Université de Corse. J’enseigne depuis plus de seize ans l’analyse financière, les fusions-acquisitions, la finance durable, l’ingénierie financière. Ce lien entre terrain et recherche me semble fondamental. Il permet de transmettre une finance rigoureuse, mais aussi concrète et utile, éclairée par les enjeux réels des entreprises.

Quel rôle joue aujourd’hui la finance verte et durable dans l’économie ?
Créer de la valeur, ce n’est pas seulement générer du bénéfice. Une entreprise peut afficher de bons résultats financiers tout en détruisant de la valeur. Si elle compresse ses coûts au détriment de l’environnement ou des salariés, elle peut améliorer son apparence comptable, mais à un coût réel élevé – social, écologique, éthique. On a vu ce que cela peut produire avec Enron, Orpea, Casino… Ces entreprises ont affiché une illusion de performance avant de s’effondrer. La finance mal conduite finit par sanctionner tout le monde, même ceux qu’elle semblait récompenser. La finance durable, elle, impose de rendre des comptes : sur les émissions carbone, les conditions de travail, la transparence fiscale, la gouvernance. Certes, cela représente un coût à court terme, mais c’est un investissement à long terme. Une entreprise vertueuse est plus résiliente, moins exposée aux scandales ou à la défiance des marchés. La performance durable, aujourd’hui, n’est pas un luxe moral : c’est une condition de survie.

Les entreprises corses sont-elles concernées par cette mutation ?
Oui, pleinement. La réglementation européenne évolue vers plus d’exigence, avec la directive CSRD notamment, qui imposera aux grandes entreprises de publier des données ESG détaillées. Et même si une PME corse n’est pas directement soumise à cette obligation, elle le sera indirectement : si elle travaille avec des donneurs d’ordre soumis à la CSRD, elle devra prouver sa conformité ESG. On voit déjà cet effet domino : des prestataires régionaux peuvent être exclus de marchés pour non-conformité sociale ou environnementale. Cela concerne les PME, les artisans, les entreprises insulaires. Le mouvement est engagé. Et la Corse, pour l’instant, accuse un certain retard. Il est urgent d’anticiper ces transformations si l’on veut rester compétitif.