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Report de la réunion sur l’avenir institutionnel de la Corse : les réactions des élus insulaires


Julia Sereni le Mardi 5 Avril 2022 à 11:35

La décision du gouvernement a été officialisée par un courrier du ministre de l'Intérieur envoyé au président de l'Exécutif ce lundi 4 avril : la réunion entre les élus corses et Paris est reportée. La raison invoquée : les violences commises en marge des manifestations, et la présence des élus nationalistes dans leurs cortèges. Tour d'horizon des premières réactions politiques, après cette annonce.



Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin et le Président du Conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, à Ajaccio le 16 mars 2022.
Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin et le Président du Conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, à Ajaccio le 16 mars 2022.
L’entourage du ministre de l’Intérieur l’avait annoncé, c’est désormais officiel. La réunion prévue vendredi 8 avril entre les élus de la Corse et Paris n’aura pas lieu. Le gouvernement a fait connaitre sa position via un courrier de Gérald Darmanin adressé au président de l’Exécutif Gilles Simeoni. 
 
Dans cette lettre, le ministre de l’Intérieur rappelle qu’ « il était clairement exprimé 'qu'en tout état de cause, le Ministre et le Président du Conseil exécutif de Corse conviennent que la mise en œuvre de ce processus historique ne peut s'envisager que dans un cadre général apaisé et calme privilégiant le dialogue entre les différentes parties concernées ». Or, pour le gouvernement, « à la lumière des deux dernières semaines, force est de reconnaître que les conditions d'un dialogue normalisé ne sont guère réunies ».

Des événements « inacceptables » pour le ministre de l'Intérieur


Le ministre cite « près de 43 actions ou manifestations (…) quasi toutes émaillées de débordements violents, en présence d'élus pourtant censés participer aux discussions prévues à Paris. Au total, ce sont près de 59 blessés, tant parmi les forces de l'ordre que les manifestants, qui n'ont d'ailleurs fait l'objet d'aucune condamnation publique. »
 
Avant de conclure : « Ces événements sont inacceptables, tant pour la démocratie qui ne saurait faire preuve de complaisance vis-à-vis de la violence, que pour les Corses eux-mêmes qui désapprouvent ces événements. C'est la raison pour laquelle je me vois contraint de reporter la réunion de vendredi prochain ».

Après cette annonce, les élus de tous bords politiques ont réagi à cette rupture du dialogue entre la Corse et Paris. 

Jean-Christophe Angelini appelle à une reprise du dialogue

« On a raté une occasion de se parler », pour le président d’Avanzemu. « Je crois très sincèrement qu’il n’y a pas d’alternative à l’ouverture du dialogue. J’ai déjà vécu, comme des milliers de Corses, des situations comparables et c’est par le dialogue qu’on a essayé d’en sortir », estime t-il. Pour le maire de Porto-Vecchio, « le dialogue avec l’État fait nécessairement partie de la solution ». Mais un dialogue qui s’inscrit dans le temps long. « Je ne pense pas du tout qu’on puisse encapsuler les choses sur 2022, on a besoin de temps. La durée est gage de crédibilité », assure t-il.
 
Concernant la présence des élus nationalistes à la manifestation du dimanche 3 avril, Jean-Christophe Angelini se veut plus tranchant. « Aucun dialogue sérieux ne peut se nourrir de préalables. Nul besoin de demander aux uns et aux autres de montrer patte blanche pour discuter. On ne peut pas reprocher à des élus du peuple de manifester auprès des leurs », indique t-il. « Nous ne demandons aucun geste particulier à ce gouvernement. Après un mois de tensions, la mort tragique d’Yvan Colonna, je conçois mal que le gouvernement nous demande des choses en retour. Nous, nous sommes dans la revendication politique, pas dans la demande de préalables », ajoute le maire de Porto-Vecchio.

« Un prétexte fallacieux » pour Paul-Félix Benedetti

Pour le leader de Core in Fronte, la situation est claire : « On est à la recherche de prétexte fallacieux du côté de l’État », indique t-il. « Je pensais qu’il y aurait le sens de l’engagement et pas la recherche d’un prétexte, cela donne un indicateur sur la réelle volonté d’offrir une solution politique », estime Paul-Félix Benedetti. « On sait très bien que la situation est tendue, et il était connu que s’il advenait qu’Yvan Colonna décède, la situation se tendrait encore plus », ajoute t-il.
 
Concernant la présence des élus dans le cortège, critiquée par Emmanuel Macron, Paul-Félix Benedetti juge que « c’est mettre le curseur sur un côté qui est plus inquisiteur que politique ». Or, le contexte demande, pour le président de groupe, de la « hauteur », et une « prise de conscience qu’il y a des revendications légitimes et validées démocratiquement par les deux tiers de la population de l’île de manière consécutive sur trois votes, en cinq années ». La situation nécessite pour lui « un engagement très fort et pas des personnes qui se masquent derrière des prétextes ». La suite ? « Il n’y a que l’histoire qui la connaitra, mais je pense qu’il y a urgence et qu’il faut mesurer l’ampleur de cette lame de fond », indique t-il.

« Le président de l’Exécutif participe à des réunions qui tournent mal, donc il les cautionne, d’une certaine manière », estime Laurent Marcangeli

« C’est dommage. » Le président du groupe « Un soffiu novu » dit « regretter » que la réunion prévue ne se tienne finalement pas. « Mais il faut bien comprendre qu’il y a trois semaines, le ministre est venu pour animer un échange en vue de construire une solution politique que nous appelons tous de nos voeux. Or, il n’y avait qu’une seule condition, c’est que le climat de guerre urbaine cesse », rappelle t-il.
 
Laurent Marcangeli se montre critique vis-à-vis de l’attitude de Gilles Simeoni, et notamment de sa présence lors de la manifestation du 3 avril dernier. « Le président de l’Exécutif participe à des réunions qui tournent mal, donc il les cautionne, d’une certaine manière », indique le maire d’Ajaccio. « Une invitation avait été envoyée aux élus de la Corse à deux jours d’une élection présidentielle. Dans ce contexte, manifester derrière une banderole ‘Statu francese assassinu’, ce n’était pas opportun », ajoute t-il. « La question est de savoir ce qu’on fait maintenant. Pour ma part, une solution politique passe par le dialogue. J’en appelle au calme et j’aimerais que tout le monde en fasse autant », conclut-il.

« Le gouvernement a peur de perdre des points dans les sondages » pour Jean-Félix Acquaviva

Pour le député de la deuxième circonscription de Haute-Corse, « on est malheureusement dans un jeu d’acteurs ». Jean-Félix Acquaviva voit dans la décision de report un calcul électoraliste. « Le gouvernement reporte car il subit le contexte de l’élection présidentielle et il a peur de perdre des points dans les sondages. » Il note à ce titre « un décalage entre le contexte présidentiel qui fait avoir des positions ‘marketing’ et la réalité d’une gestion de crise » dans laquelle il ne suffit pas « d’appuyer sur un bouton pour revenir au calme ».
 
Quant aux critiques d’Emmanuel Macron sur la présence des élus nationalistes dans le cortège, Jean-Félix Acquaviva juge que « ce n’est pas admissible ». Le député l’affirme, « notre devoir était d’être aux côtés de la famille Colonna ». « Ce n’est pas très responsable ni très mature de la part du président de la République, c’est jeter de l’huile sur le feu », ajoute t-il. Pour la suite, « il est évident qu’on ne peut pas rester dans cette situation » pour le député. « C’est le dialogue qui crée la possibilité de sortir par le haut. »

« Le constat est consternant » pour Jean-Jacques Ferrara

Pour le député Les Républicains de la première circonscription de Corse-du-Sud, la décision de report de la réunion s’inscrit dans « succession de drames et de rendez-vous manqués » qui ont rythmé l’histoire de la Corse. « On avait une ouverture inespérée : quinze jours avant le premier tour de l’élection présidentielle nait une réflexion sur une éventuelle réforme institutionnelle, on ne pouvait que s’en réjouir », explique Jean-Jacques Ferrara. « Aujourd’hui, le constat est consternant. », pour le député.
 
Si l'élu reconnait à la manifestation en mémoire d’Yvan Colonna « un objet initial était tout à fait respectable », il déplore des « débordements incompréhensibles ». « Je ne crois pas aux vertus de la violence », ajoute t-il. Jean-Jacques Ferrara s’interroge, à ce titre, sur la présence des élus nationalistes dans le cortège. « Dans les jours qui précédaient la manifestation, il semblait certain que ça allait dégénérer. Je ne veux pas croire que dans cette famille politique on ne le sache pas, donc 'qui ne dit mot, consent' », estime le député LR. « En s’y rendant, ils ont admis le fait que ça puisse dégénérer », conclut-il.