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Quel après Covid-19 pour les entreprises corses ? L’incertitude de la faillite ou de la relance.


Pierre BERETTI le Dimanche 6 Décembre 2020 à 16:15

Les conséquences de la Covid-19 ne sont pas que sanitaires, elles impactent l’économie. En cette fin d’année Sébastien Ristori directeur des opérations en entreprise, consultant et enseignant en finance et management et auteur d’ouvrages en management aux éditions Ellipses, nous livre son analyse sur le sujet.



 Pouvez-vous nous dresser un résumé de l’année économique ? 
-Fin juin, c’était près d’un salarié sur 4 qui était placé en télétravail en Corse, et plus de 2 salariés sur 4 placés en activité partielle. Les chiffres sont assez évocateurs : Plus de 10 000 entreprises avaient eu recours à l’activité partielle, pour environ 60 000 salariés en moyenne sur la période entre les nouvelles demandes et les suppressions, soit plus des 2/3 du salariat de l’île pour plus de 35 millions d’heures de travail chômées. Concernant le Prêt Garanti par l’Etat, 6500 aides ont été octroyées soit au total 909 millions d’euros, dont 496 millions en Corse du Sud, soit environ 10% du PIB de l’île. Les activités de commerce ont été, naturellement, les plus abondées avec près de 302 M€ suivi par les secteurs de l’hébergement et de la construction qui ont sollicités massivement le dispositif PGE pendant la période de crise sanitaire :Le fonds de solidarité a également été sollicité à hauteur de 65 millions d’euros d’aides dont 14M€ pour la restauration. Ces chiffres, en soit, après être annoncés, ne signifie plus grand-chose et sont à placer en perspective de la croissance potentielle de nos entreprises en 2021. L’État a dès qu’il a pu jouer son rôle de sauvegarde et aider les entreprises qui étaient condamnées à cesser ou diminuer leurs activités. Les entreprises ont été sous perfusion pour couvrir les coûts fixes, notamment les salaires grâce au dispositif d’activité partielle, et ont pu, pour certaines, obtenir un prêt garanti par l’état pour pallier l’absence de chiffre d’affaires et l’abandon de commandes qui ne pouvaient être honorées. 


- Que va-t-il se passer une fois la Covid-19 passée ?
- Tous les scénarii sont sur la table. Le « quoiqu’il en coûte », s’il est valable pour l’état, va l’être pour l’économie. De nouvelles mesures fiscales et des restrictions drastiques de financement publics sont fort probablement à prévoir, même si la banque centrale européenne dispose de plusieurs ressorts pour reporter les dettes qu’elle a octroyé. Au-delà de ces considérations de budgets nationaux, le sort de nos entreprises ne se limitent pas au champ d’un probable futur impôt. Pour nos PME qui n’ont pas eu accès à un PGE car leurs situations financières étaient détériorées, et qui peinent à retrouver une clientèle, le redressement pourra être envisagé avec le tribunal de commerce via un plan de sauvegarde. Le tribunal, par ailleurs, ne semble pas enregistrer de hausse spectaculaire d’entreprises en difficulté, nos entreprises étant encore à fin novembre sous perfusion. Et pour les autres entreprises ? Celles qui ont bénéficié du PGE auront un avenir dicté par la demande : Si la consommation est au rendez-vous, l’entreprise pourra envisager de poursuivre son activité commerciale sans trébucher mais elle sera, dans tous les cas et comme les entreprises les plus fragiles, confronter à autre problème : Pour innover et se recentrer sur son marché, notamment après une telle crise, il faut investir et il faut trouver des financements. Or, l’octroi du PGE a grevé les capacités d’endettement des entreprises bénéficiaires et le report des charges URSSAF seront tôt ou tard à rembourser. L’entreprise peut donc se retrouver coincé avec un mur de dette une incapacité de financer son développement. A ce début décembre, des mesures gouvernementales concernant les dettes fiscales sont sérieusement envisagées entre l’exonération et le report à très long terme et l’on peut toujours faire confiance aux discernements des banquiers concernant la capacité d’endettement des sociétés.


- Peut-on s’attendre à des défaillances d’entreprises ?
- L’arrêt de l’activité économique dû à la covid-19 a aggravé le cas des sociétés déjà très fragile. Certaines sociétés risquent de faire faillite puisqu’elles ont été précipitées dans une situation difficile avec une nette diminution des carnets de commande entraînant une carence de trésorerie. Il y aura, pour notre tissu économique, des cessations d’activités : En premier, les entreprises trop endettées ou déjà en situation de faillite qui n’ont pas eu droit au PGE se trouveront en situation de cessation de paiement. Le tribunal de commerce devra prendre le relais pour élaborer, si cela est faisable, un plan de sauvegarde et de restructuration. Dans un second temps, ce sont les entreprises en difficulté commerciales et structurelles qui auront bénéficié des dispositifs PGE et de l’activité partielle qui ne réussiront pas à résorber leurs problématiques. L’absence d’activités pendant la crise sanitaire et la difficulté à relever l’entreprise entrainera alors une faible profitabilité pour l’exercice 2020. L’endettement étant devenu important suite à l’octroi du PGE, ces entreprises n’auront plus accès au crédit et devront rembourser les prêts en cours. Cette situation pourrait mettre fin à tout projet d’avenir et de développement et ainsi occasionner des cessations d’activités.


- Quel impact peut avoir la disparition d’entreprises sur l’économie ?
- Les conséquences de la crise sanitaire ne seront visibles qu’à la fin mars. Les bouffées d’oxygènes des sorties de confinement, la consommation de la période de noël et les reports de remboursement accordés vont continuer de masquer l’état réel de l’économie. De plus, des mesures de relance supplémentaire sont susceptibles de voir le jour. Pour la Corse, la difficulté tient dans l’ultra-spécialisation de nos entreprises et dans leurs tailles (TPE et microentreprises), et dans la hyperdépendance à la consommation touristique. Si la consommation n’est pas au rendez-vous, plusieurs dirigeants devront envisager la procédure de sauvegarde, qui est un réel outil de gestion et de survie pour structurer l’activité et réussir à franchir le mur des dettes. Mais dans le même temps, la sauvegarde sans consommation supplémentaire pourrait entrainer des difficultés. Il est donc encore trop tôt pour le dire, mais l’attribution de mesures spécifiques pour notre territoire, notamment avec une aide directe pour consolider la consommation dans nos filières, pourrait permettre de passer le cap de 2021. En tout état de cause, et comme elles ont déjà commencé à le faire, nos entreprises devront se réinventer !