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Porto-Vecchio : Il a échappé aux flammes


Irène Ferrari le Jeudi 2 Août 2018 à 21:22

Seconde année consécutive, et au grand regret des porto-vecchiais,le Luddareddu 2018, n’a pas été brûlé ce Mercredi 31 Juillet ,comme le veut la tradition typiquement locale.



En effet, en raison du risque d’incendie et de l’arrêté préfectoral interdisant l’emploi du feu, le bonhomme en paille représentant le luddareddu, confectionné par les enfants de l’ALSH (centre aéré de l’école Joseph-Pietri, a été à nouveau épargné .
Cette tradition païenne est  chère aux cœurs des porto-vecchiais qui  continuent à transmettre au fil des générations, l’origine de cette manifestation annuelle regroupant autour d’un même symbole, les anciens, les nouvelles générations et les touristes intrigués .La fin du dur labeur de l’été était  représentée et célebrée à l’aide d’un épouvantail confectionné en paille puis amené sur le bûcher.


Les grands-pères   et arrières-grands-pères porto-vecchiais, qui ont connu  cette époque révolue, entretiennent en famille les souvenirs de leur  travail épuisant,  sous une écrasante chaleur  (démasclage du liège, fenaison, battage du blé, récolte du sel etc..).Ils ont, à la sueur de leurs fronts , participé au début de l’essor économique de la cité du sel. Porto-Vecchio n’était alors qu’un village qui vivait au rythme  des salins (d’où le surnom actuel) et du liège (où l’usine sur le port fabriquait des bouchons).
A l’heure actuelle, les salins sont malheureusement fermés ainsi que l’usine à liège transformée en théatre de plein air.


A cette chaleur et travail épuisant, les hommes devaient faire face  au paludisme, la malaria, et les chenilles processionnaires, affectionnant principalement les chênes-liège, véritable torture urticante lorsqu’elles se « promenaient » sur le torse nu des travailleurs.
La fin du mois de Juillet était donc une délivrance, qu’il convenait de célébrer car le travail s’arrêtait.
La confection d’un  épouvantail en paille représentait tout ce que les hommes avaient supporté pendant ces pénibles travaux.Leurs familles avaient été auparavant envoyées à la montagne pour retrouver un peu de fraîcheur.


La mise à mort de ce bonhomme de paille, servait, dans l’esprit des habitants à conjurer le mauvais sort et à éloigner  le mal hors  du village .
Les croyances ont toujours besoin de représentativité et ce bonhomme en est une. Presque un défouloir puisque chaque année  au 31 Juillet, Porto-vecchio tenait  à rendre hommage à cette époque de vie difficile, en perpétuant la confection du fameux bonhomme, en le faisant défiler dans les rues, poursuivi et hué par la population avant de le brûler sur la place publique.
Au fil du temps cette manifestation rurale a été organisée par les habitants eux-mêmes, puis par des associations, mais cette année , c’est la municipalité qui s’en est chargée.


L’association Corsica Bella s’est associée  à cet évènement de 17 à 21heures en confectionnant  et habillant des petits bonhommes en paille sur  la place du centre-ville, au milieu des terrasses des bars  entourées des touristes, auxqueis les  bonhommes  étaient offerts , avec distribution de flyers explicatifs et où étaient inscrites les paroles de la chanson du Luddareddu en corse avec sa traduction en français .
Le Luddareddu n’a donc pas défilé dans les rues cette année, ni n’a été brûlé. Il s’est contenté de se faire admirer devant la mairie et de se faire photographier en compagnie des enfants de l’ALSH de l’école Joseph-Pietri, ceux-là même qui l’ont fabriqué.
Vers 21 heures, était attendu, Dominique Branducci, le poète local de Porto-Vecchio qui devait chanter en live la chanson du Luddareddu, mais à 95 ans, on comprend que la fatigue et la chaleur ne lui ont pas permis de le faire.
En revanche,  sur un écran géant placé par la mairie aux côté du luddareddu, on a pu voir  un film et entendre les enfants de l’ALSH, qui avec le soutien de Jean-Charles Papi, avaient appris cette chanson et qui était lui aussi présent ce 31 Juillet au soir pour voir le film et dire avec eux : « Cantemu o Luddarè chi ti ni va’ ! »