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Pénurie de praticiens et surcharge de travail au coeur du 1er congrès de médecins libéraux de Corse


M.V. le Dimanche 20 Novembre 2022 à 11:38

C'est une première en Corse. Les médecins libéraux de l'ile se sont réunis ce samedi 19 novembre à Bastia à l'occasion de la première édition de la "Journée de la médecine libérale" organisée par l'URPS-ML de Corse. Environ 150 praticiens venus des quatre coins de l'ile ont pu alterner sessions plénières et tables rondes afin de dresser un état des lieux de la profession



C'est à la collectivité de Corse de Bastia qui s'est tenu le premier congrèsès des médecins libéraux de Corse
C'est à la collectivité de Corse de Bastia qui s'est tenu le premier congrèsès des médecins libéraux de Corse
Le constat est sans appel et fait consensus parmi les médecins libéraux dans la salle : le système de santé est "à bout de souffle" et il n’est plus en mesure de répondre de manière satisfaisante à la demande de soins de la population. Les médecins de l'ile observent et subissent cette situation au quotidien aux côtés des leurs patients : consultations surchargées, délais de rendez-vous à rallonge, difficultés d’orientation vers des spécialistes ou vers l’hôpital, anxiété pour les malades qui parfois ne peuvent pas être pris en charge dans des délais raisonnables.

Le système craque sur l'ile comme sur le continent et pour trouver des solutions à cette crise, les médecins libéraux de Corse se sont réunis ce 19 novembre à Bastia à l'occasion de la "Journée de la médecine libérale corse" pour faire un état des lieux sur l'offre de santé et se confronter sur les urgences telles le manque d'attractivité de la profession et la difficulté transmission.  "La Corse a des contraintes et des difficultés commune au reste du pays  mais qui sont aggravées  par l'insularité, l'absence d'un CHU  et de maitrise de flux internes qui permettent d'anticiper et d'organiser les installations afin d'essayer d'équilibrer les départs à la retraite.", explique le Dr Antoine Grisoni, médecin généraliste à Solenzara depuis 1886 et président de l’Union Régionale des Professionnels de Santé Médecins Libéraux de Corse (URPS-ML) qui a fortement voulu ce premier congrès pour permettre à tous les praticiens libéraux de l'ile de se réunir et échanger sur des problématiques communes. "Ce congrès est devenu une évidence, il  y avait la nécessité de faire quelque chose d'un peu global sur l'ensemble de notre profession qui a beaucoup évolué grâce aux progrès technologiques ces dernières années. Il nous a semblé vraiment nécessaire de tous nous réunir, de poser les problèmes qu'on rencontre et de réfléchir à des solutions avec des intervenants, des experts, des professionnels qui apportent leur expertise."
 
En Corse, 45% des médecins a plus de 60 ans
Le premier constat dressé est celui du manque de nouvelles installations. 45% des médecins a plus de 60 ans et des secteurs sur l'ile tiennent parce que il y a encore des anciens médecins qui travaillent. "Dans quelles professions il y a des gens de 75 ans qui travaillent parce que s'ils s'en vont, le système s'effondre ? " s'interroge le docteur Grisoni. "On sait que quand on va s'arrêter, là, il y aura une vraie fracture, un vrai désert médical, sauf si on arrive à trouver des solutions. On doit organiser une médecine pour demain et assurer la transmission."
 
Une transmission qui n'est pas toujours simple à assurer puisque plusieurs arguments dissuadent les jeunes médecins à s'installer dans des zones rurales, éloignées ou isolées. Le fait de l'exercice isolé de la médecine décourage de plus en plus de praticiens, souvent englués dans des tâches administratives. De plus, les conditions financières "ne suffisent pas à attirer les médecins dans les déserts médicaux", note le Dr Grisoni qui comme sa consoeur, le Dr Cécilia Costa, jeune médecin généraliste installée depuis quatre ans à Ajaccio, s'oppose à l'ajout d'une quatrième année d'internat en médecine générale, à effectuer en priorité dans des zones où la démographie médicale est sous-dense.

Destinée à permettre l'affectation de futurs généralistes dans des "déserts médicaux", cette année supplémentaire va nuire à l'attractivité de la médecine générale, s'inquiète Cécilia Costa, vice présidente de l’Union Régionale des Professionnels de Santé Médecins Libéraux de Corse (URPS-ML). "Avec cette 4e année d'internat, et donc une 10e année d'études médicales, près d'un étudiant sur deux remet le choix de la médecine générale en question". Pour inverser la tendance il y a urgence des trouver des pistes "qui ne sont pas simples à mettre en oeuvre et souvent en décalage avec les propositions du gouvernement." observe la praticienne selon laquelle "Il faudrait qu'on écoute un peu plus les gens du terrain, parce que nous avons  conscience des difficultés qu'on rencontre et ce n'est souvent pas le cas des gens qui décident." 
 
Pour inciter l'installation des médecins en Corse, la jeune médecin, qui s'implique au quotidien aussi bien dans l'exercice de la médecine libérale que dans son rôle d'élue au sein de l'URPS ML de Corse, porte un projet "qui a du mal à voir le jour" dont le principal objectif est d'inciter les jeunes médecins issus de la PACES de Corte à venir d'installer en Corse à la fin de leur cursus. "On se rend compte qu'il y a énormément de leviers à activer pour donner envie aux jeunes de revenir s'installer ici même si le problème est très vaste et touche l'ensemble du pays." constate Cécilia Costa. 

Il y a en effet une concurrence entre les territoires pour attirer des jeunes médecins et pour trouver des solutions car la problématique est globale et une grande partie du pays est un désert médical. "Comme l'a indique la directrice de l'ARS, Marie-Hélène Lecenne dans son intervention extrêmement solennelle il y a  un enjeu urgent de répondre à ces problématiques parce que il est potentiellement en cause l'équilibre même de nos démocraties". s'inquiète le Dr Grisoni selon lequel  "c'est dans les territoires qu'il faut construire le futur, mener les combats et trouver les solutions." 

Le Dr Antoine Grisoni et le Dr Cécilia Costa, respectivement président et vice-président  de l’Union Régionale des Professionnels de Santé Médecins Libéraux de Corse (URPS-ML)
Le Dr Antoine Grisoni et le Dr Cécilia Costa, respectivement président et vice-président de l’Union Régionale des Professionnels de Santé Médecins Libéraux de Corse (URPS-ML)