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"On a du mal à nourrir nos familles", le cri d'alarme des éleveurs corses


Livia Santana le Lundi 26 Septembre 2022 à 09:56

Sécheresse, hausse du prix du fourrage de 50%, augmentation du tarif du gasoil... les éleveurs ovins et caprins corses ne tiennent plus la cadence. Face aux difficultés financières, ils sont nombreux à changer de voie.



Image archives CNI
Image archives CNI
La filière ovine et caprine est à l’agonie, c’est ce que dénonce l’association régionale des producteurs de fromages fermiers de CorseCasgiu casanu qui regroupe pas moins de 140 bergères et bergers sur l’île. Ces derniers temps, entre la sécheresse qui a sévi tout l’été, l’inflation, la hausse du prix des carburants et l’augmentation du tarif du fourrage, la filière s’inquiète et n’arrive plus à « tenir le coup ». « Cela fait 20 ans que j’ai mon exploitation, j’ai de la trésorerie, mais les finances sont dans un état critique, je me demande comment font les jeunes qui viennent de s’installer » lance préoccupéNelly Lazzarini, présidente de l’association Casgiu Casanu.

Face aux difficultés financières et au manque de ressources extérieures, nourrir les bêtes devient un véritable calvaire pour les bergers qui se voient contraints de moins les alimenter. « C’est un cercle vicieux. On a moins de moyens donc on leur donne moins à manger et elles produisent donc moins de lait. Par conséquent, on a moins de volume et moins de recettes », assure Nelly Lazzarini qui, depuis 4 ans, perd chaque année un mois de lait. La crainte de cette dernière, c’est surtout que les bergers ne puissent plus payer de fourrage, ainsi, de voir mourir de faim les bêtes, que les maladies se développent et qu’en chaîne cela puisse entraîner une crise sanitaire. « On arrive à peine à dégager un SMIC, on a du mal à nourrir nos familles alors qu’on travaille 15 heures par jour », reprend l’éleveuse caprine.

Des bergers jettent l’éponge

Arrêter la production de fromage frais fermier, c’est ce qu’a décidé Pierre Pellegri, éleveur caprin à Moita depuis 10 ans. « Ce n’était plus rentable. Cela demande trop de logistique, de temps de travail, on ne travaille quasiment tous les jours de l’année pour pas grand-chose, alors oui ça nous passionne, mais cela ne suffit plus », regrette le berger. En juillet, il a décidé de vendre 70 chèvres sur les 180 qui composent son cheptel pour se lancer dans une nouvelle aventure : un petit élevage porcin et de l’agritourisme. « Je vais faire des gîtes et je commercialiserai mes produits en direct ou sous la forme de plats cuisinés. »

S’il s’est lancé dans ce nouveau projet, c’est parce qu’avec l’augmentation du prix de l’essence, l’homme ne faisait plus de bénéfices en descendant deux fois par semaine vendre son fromage frais et son brocciu en plaine. Il a décidé de garder une centaine de chèvres pour pouvoir continuer à produire pour les gîtes du frais, mais aussi du fromage affiné qui sera livrable une fois par mois. Mais pour le moment, vendre son cheptel relève de l’impossible. « Depuis deux mois et demi, j’ai reçu des appels de personnes qui hésitent à cause des surcoûts que cela engendre. En plus, beaucoup d’animaux sont en vente et le nombre d’acheteurs potentiels, lui, diminue.»

Pierre Pellegri ne se trompe pas. Les éleveurs caprins et ovins commencent à être nombreux à vouloir changer de voie.Face à ce phénomène, Nelly Lazzarini ne voit plus d’issue : « Sur les réseaux sociaux, je m’aperçois qu’il y en a de plus en plus en vente. Les élus veulent l’autonomie alimentaire pour l’île, mais dans ces conditions on en est loin. Est-ce que c’est ça qu’on veut pour la Corse ? »