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Nanette Maupertuis : « Il n’y a pas de paix sans le respect des droits, des attentes et des espoirs des Corses »


Nicole Mari le Jeudi 26 Janvier 2023 à 18:26

Lors de son allocution d’ouverture de la première session de l’année et des traditionnels vœux, la présidente de l’Assemblée de Corse, Nanette Maupertuis, a listé les attentes et les espoirs des Corses et les grands dossiers qui seront à l’ordre du jour. Elle affirme que la responsabilité des politiques est d’œuvrer pour la paix, mais qu’il ne peut y avoir de paix sociale qu’en respectant les droits de l’autre. Elle appelle à la vigilance sur la réforme des retraites et craint son impact sur les salariés insulaires.



Nanette Maupertuis : « L’Etat n’a pas pris la mesure de ce qui s’est joué en Corse en printemps dernier »
Nanette Maupertuis : « L’Etat n’a pas pris la mesure de ce qui s’est joué en Corse en printemps dernier »
C’est par un hommage ému à la mémoire de son confrère et ami, le doyen Jean-Yves Coppolani, brusquement décédé le 14 janvier dernier, que la présidente de l’Assemblée de Corse, Nanette Maupertuis, a débuté son allocution d’ouverture de la première session de l’année 2023. Dans ses traditionnels vœux de Pace e Salute, elle est revenue, in lingua nustrale, sur la situation économique, sociale et politique tendue que traverse la Corse pour lancer un nouvel appel à la paix. « St’annu passatu hè statu assai difficiule per u populu corsu incù una crisa ecunomica, suciale è ben intesu pulitica. Avemu tenutu forte, tutti inseme, incù i sforzi è a vuluntà d’ognunu di fà a pace. Tutti quelli chì anu e respunsabilità pulitiche in Corsica devenu travaglià à prò di a pace ».
 
Le respect des droits
Mais, pour faire la paix, ajoute-t-elle, il faut que ceux qui sont en responsabilité fassent un pas l’un vers l’autre et respectent les droits de l’autre, qu’ils soient humains, économiques, culturels ou linguistiques. « Per fà à pace, ci vole per principiu à rispettà i diritti di l’altru è fà prova di ricunniscenza ! E sti pochi tempi i diritti umani, i diritti economichi, i diritti culturali è linguistichi, i diritti di a natura sò pochi rispettati è ancu di menu ricunnisciuti ». Sans oublier les droits des prisonniers politiques et la vérité sur l’assassinat d’Yvan Colonna. « Un sò rispittati oghje i diritti di l’omu quandu un prigiuneru puliticu chi hà fattu a so pena ghjè sempre chjosu in carcera allora chì un populu sannu aspette a so liberazione … Un sò rispittati i diritti di l’omu quandu omu ùn si sà a verità nantu à a morte tragica di Yvan Colonna è ch’ùn si sà da induve lu scallava quellu chi l’hà tombu ». Egalement, les droits de ceux qui travaillent : « Un sò rispittati oghje i travagliori, quelli chi anu fattu un vita di strazii chi anu cumminciatu forse giuvannoti. Un hè ricunnisciutu u travagliu di tutte e donne chi anu carriere spessu in bisbò per via di a maternità. Un sò rispettate a nostra lingua è a nostra cultura è ùn hè ricunnisciutu u nostru rigulamentu internu ».
 
Les attentes des Corses
Pour faire la paix et vivre en paix, il faut, poursuit la présidente Maupertuis, non seulement de la concorde et du respect réciproque, mais aussi prendre en considération les attentes et les espoirs des Corses, qui n’en manquent pas. Et de les lister : « Les Corses attendent les décisions de justice relatives aux demandes de libération conditionnelle d’Alain Ferrandi et de Pierre Alessandri. Leur maintien en détention est une atteinte au droit, c’est le terreau de la crise politique en cours, qui ne pourra s’apaiser qu’à leur libération, celle-ci ne doit plus attendre. Nous assurons également leurs familles que c’est la position que nous avons défendue et défendons à l’occasion de tout échange avec les représentants de l’Etat ». Les Corses veulent, ensuite, affirme-t-elle, la vérité sur la mort d’Yvan Colonna. « La commission d’enquête parlementaire relative à l’assassinat d’Yvan Colonna, présidée par Jean-Félix Acquaviva et dont notre ancien collègue Laurent Marcangeli est rapporteur, a débuté son travail d’auditions. Je remercie tous les députés qui y prennent part et qui cherchent avec rigueur à faire toute la vérité sur ce drame. L’Assemblée de Corse se tiendra prête en temps voulu pour que nos parlementaires y exposent leurs conclusions ».
 
Une retraite équitable
En cette période de réforme controversée des retraites, Nanette Maupertuis insiste, également, sur les attentes sociales et s’interroge sur l’opportunité d’une telle réforme dans la crise actuelle. « Les travailleurs corses comme les autres espèrent un système des retraites équitable. Certes, le système actuel des retraites par répartition présente de grandes difficultés et produit de profondes inégalités, il faut largement le réformer. Mais, était-ce le moment de faire cette réforme alors que les indicateurs sociaux sont mauvais, que sévit l’inflation qui rogne le pouvoir d’achat, en particulier des plus précaires, et que la confiance en l’avenir, mais aussi dans les responsables politiques, est au plus bas ? ». Et sur son efficacité : « Les modalités de la réforme ne semblent pouvoir combler comme il se doit, ni le déficit structurel du système des retraites, ni les inégalités qui existent entre catégories de travailleurs. Pire, il semble même qu’elle en crée de nouvelles ». Aussi, prévient-elle : « Nous devons être vigilants et nous tenir prêts à défendre là aussi, les intérêts des Corses dont les revenus salariaux sont plus bas que sur le continent, dont les carrières sont souvent en pointillé, du fait de la saisonnalité ou victimes d’un rapport salarial atypique du fait de la très petite taille de nos entreprises. Nous devons être vigilants car les employés, les artisans, certaines catégories de fonctionnaires souffriraient d’une double peine… d’avoir été des travailleurs pauvres, puis de devenir des retraités précaires ! ». Aussi assure-t-elle : « Notre jeunesse - qui devra supporter bientôt le coût du nouveau dispositif - se mobilise à travers l’Assemblea di a Ghjuventù auprès des plus anciens notamment du CESEC pour défendre un système de retraite équitable entre catégories et en générations. Et j’échangerai prochainement avec les organisations syndicales, j’ai commencé à le faire, et nous aurons à examiner une motion sur ce sujet de grande importance ».
 
La langue, une priorité
Dernière attente des Corses et « pas la moindre » : la reconnaissance officielle de leur langue. La présidente Maupertuis revient sur « les éclairages passionnants » donnés par Francescu-Maria Luneschi et Pascal Ottavi dans le cadre du cycle de conférences des 40 ans de l’Assemblée de Corse, qui sont visibles sur le site de l’assemblée. Notamment l’analyse de l’ensemble des in-extenso des sessions depuis 2010 pour y étudier l’évolution de l’usage du corse au sein de l’hémicycle. « Mr Luneschi a évoqué notre rôle de prescripteurs de la langue. Nous savons tous que les normes émanent majoritairement des institutions et que, par définition, nous créons, à chaque session, une certaine proportion de normes. Mais au-delà de l’aspect scientifique passionnant, cela pose un vrai sujet politique : si nous, élus, sommes prescripteurs de la langue, et que l’on cherche à attaquer notre règlement intérieur qui l’officialise comme langue du débat au même titre que le français, alors la volonté de nous empêcher de parler corse se double d’une volonté plus profonde : celle d’empêcher les Corses de l’entendre. Cela nous montre une fois de plus, que pour nous, il ne s’agit pas d’un simple combat symbolique, mais d’une nécessité éminemment politique. A lingua sarà dunque unu di i nostri primi cartulari strategichi di l’annu chi principia ». Et de conclure en listant les gros dossiers qui seront débattus dans les prochains mois : « Un travagliu primurosu per l’avvene di a Corsica, i derivi maffiosi, a politica linguistica, a riflessione di pruspettiva per anticipà à l’evoluzione di a Corsica in 2050, a reforma di l’instituzioni di a Corsica ver’di l’autunumia, mà dinù l’incendii, e crucere, animali cappiati, u fundariu è tutti i sughjetti chì primuranu i corsi ogni ghjornu. Ùn c’hè un sugettu ch’ùn sippia importante per i Corsi ! Ci pregu d’esse degni di u mandatu ch’elli ci anu datu. Pace salute à tutti ».
 
N.M.