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Macron et la Corse : une mésentente qui dure


Jacques RENUCCI le Jeudi 21 Février 2019 à 20:40

Le pouvoir territorial et le Président de la République se trouvent dans une confrontation permanente, et le grand débat n'y change rien



Macron et la Corse : une mésentente qui dure

Entre le Président de le République et le président du conseil exécutif de Corse, ce n'est pas l'entente cordiale. Ceux qui définissent la notion de couple vous le diront : la compatibilité est nécessaire, mais l'idéal demeure la complémentarité. Dans la situation actuelle, on est loin et de l'une et de l'autre, au point qu'une invitation peut sonner comme une convocation...

Dans le « pacte girondin » proposé aux territoires par l'exécutif, il était évoqué une capacité d'expérimentation et un droit à la différenciation. Pour la Corse, ces propositions pourraient, qui sait, revêtir un caractère dangereux, et on se place dans un autre registre : il est acquis que ceux qui ont la légitimité démocratique ne peuvent pas s'aventurer sur la question politique. Tout a commencé il y a un an, lors de la commémoration de l'assassinat du préfet Erignac. A l'issue d'une visite qualifiée d'« humiliante », Emmanuel Macron avait fermé la porte au statut de résident, à la cooficialité linguistique, à une fiscalité spécifique. Quant au sort des détenus, il n'en avait même pas été question. L'ensemble du périple s'était déroulé sur le mode crispé et cassant, avec des propos d'une fermeté parfois surprenante.

Le Président s'est plusieurs fois défini comme « le maître des horloges », celui qui décide du jour et de l'heure, qui conduit l'action publique à sa guise, qui lui impulse accélération ou lenteur selon l'importance qu'il donne aux choses. Avec l'île, l'horloge semble s'être arrêtée vingt ans en arrière. Pourtant, il aurait pu se trouver des points communs avec ses interlocuteurs insulaires, ne serait-ce que par l'effet partagé du « dégagisme » vis-à-vis des partis traditionnels qui leur a profité comme à lui pour se porter aux affaires.

 

Une île hors système
Mais, et cela n'est pas spécifique à la Corse, nombre d'élus régionaux ont depuis longtemps jugé qu'Emmanuel Macron n'avait pas la manière ; ils expliquent cette faiblesse de comportement par le fait qu'il n'a jamais passé l'épreuve du terrain, qu'il n'a jamais été élu local. Il a accédé directement aux plus hautes responsabilités, et cela s'est réalisé parfois à son détriment dans des échanges qui demandent de temps en temps de la souplesse. Il n'y a pas que l'île à souhaiter une émancipation contrôlée, mais le pouvoir décisionnaire a marginalisé sa périphérie, chaque concession, dans la logique gouvernementale, pouvant être interprétée comme une reculade. Avec les gilets jaunes, les horloges présidentielles se sont déréglées, elles qui étaient, par la volonté supérieure, indexées sur le temps de l'entreprise et des marchés financiers. Et là, il a bien fallu reculer...

En ce qui concerne la Corse, qui n'a pas les mêmes moyens de pression,  on a parfois l'impression qu'elle est hors système, et pas de sa propre initiative. Présentée naguère dans une publicité comme « la plus proche des îles lointaines », elle se définit aujourd'hui comme la plus lointaine des îles proches.  Territoire expérimental de la décentralisation, elle a en face d'elle un Président peu fédéraliste de nature et de formation, qui voit dans les demandes de dialogue réitérées des défis ou des provocations, qui confond nationalisme gestionnaire et nationalisme combattant. Cela constaté, il n'est pas dit que cette situation déplaise absolument à ceux qui ont en charge le destin de la Corse, l'insatisfaction et le sentiment d'injustice faisant partie de leurs arguments électoraux traditionnels – et ils pourraient en avoir besoin pour les prochaines échéances.


Macron et la Corse : une mésentente qui dure