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Louis Pozzo di Borgo : « Un bilan solide » et une candidature confirmée à la tête de la CAB


Christophe Giudicelli le Dimanche 22 Juin 2025 à 20:20

À un an de la fin du mandat, Louis Pozzo di Borgo, président de la Communauté d’agglomération de Bastia, revendique un bilan « solide » et « collectif ». Hausse des investissements, développement du réseau de bus, relance des infrastructures sportives, redressement financier : l’élu met en avant une intercommunalité désormais « structurée et attractive ». Il confirme sa volonté de briguer un second mandat à la tête de la CAB, sans se prononcer pour l’instant sur les municipales.



CAB: Louis Pozzo di Borgo dresse un bilan collectif de sa mandature
CAB: Louis Pozzo di Borgo dresse un bilan collectif de sa mandature
- Comment est-ce que vous qualifiez votre bilan ?
- Sans verser dans l’autosatisfaction, il s’agit d’un bilan solide que l’on peut illustrer par trois grands chiffres. Le premier : 90 millions d’euros investis, qui démontrent la dynamique du territoire. Le second : 2 millions de passagers sur les lignes de bus de la DSP, ce qui montre son attractivité à l’heure où beaucoup pensent que Bastia est en perte de vitesse. Le troisième : 3,3 millions à destination des communes pour l’économie locale. Le fonds de concours, 600 000 euros pour les quatre communes périphériques et 900 000 euros pour Bastia, pour leur permettre d’investir auprès de leurs artisans, et enfin 2,1 millions de fonds de soutien aux associations. Un soutien aux associations que nous avons continué d’augmenter alors qu’ailleurs en France il baisse.

- À peu près. Vous avez dit avoir tenu tous vos engagements, donc ceux que vous aviez promis en 2020 ont-ils réellement tous été tenus ?
- Oui, ils sont aujourd’hui tous livrés, soit en cours de livraison, soit lancés administrativement avec des financements solides. Par exemple : les voies douces, avec les marchés qui vont être attribués d'ici quelques jours et les travaux qui débuteront en septembre. Pareil pour la démolition de la STEP qui commencera après la saison. Nous avons aussi sur l’Arinella la seconde phase de la maison des sports de plein air ; aujourd’hui, nous discutons avec les associations, le projet est à 2,5 millions. Là aussi, tout est déjà programmé.

- Pourquoi ce choix d’investir massivement dans les infrastructures sportives ?
- Déjà par obligation. Nous sommes la seule intercommunalité de l’île à avoir la compétence sport. C’est un choix fait dans les années 2000 auquel je souscris. Cette compétence est très onéreuse et aussi très chronophage. Et derrière le sport, il ne faut pas avoir une vision étriquée : le sport, c’est aussi l’éducation de nos enfants, l’inclusion de tous les publics, ce sont des milliers de bénévoles et d’éducateurs. Il y a tout un tissu économique et associatif. Oui, nous avons beaucoup investi ; il y avait un héritage : les infrastructures étaient dans un état déplorable. Tout pratiquant le voyait, donc nous avons tout remis à niveau. Tout est neuf, on peut repartir du bon pied.

- Et la création d’une nouvelle piscine est à l'ordre du jour ?
- Nous travaillons avec la ville de Bastia sur la création d’un nouveau centre aquatique. Il y aura plusieurs bassins. Nous en sommes à l’étape des études. Et oui, il y a un besoin urgent de remettre nos piscines à niveau, car à tout moment nous pouvons faire face à une fermeture, ce que nous ne souhaitons pas. Rapidement, nous proposerons ce projet.

- Développer le sport, c’est aussi miser sur un « tourisme » sportif, la CAB comme base arrière et de mise au vert notamment pour les équipes professionnelles ?
- Je vais faire un parallèle entre sport et économie. D’un point de vue économique, on dit souvent que la Corse est un peu à la traîne. C’est vrai notamment au niveau industriel. Je fais partie de ceux qui pensent qu’il faut un équilibre global. Certes, il faut réindustrialiser, avoir des fleurons en Corse. Mais je crois aussi très fort à deux économies : l’économie culturelle et l’économie du sport. L’économie du sport passe par un parc d’infrastructures de qualité, ce qui va permettre, grâce à notre patrimoine naturel, notre climat, la montagne, la mer, d’attirer des équipes de haut niveau pour faire des stages de mise au vert et de préparation. Derrière cela, il y a toute une économie qui va se mettre en place, ce sera un moteur de développement du territoire.

- Côté stade Furiani ? Comment avancent les travaux ?
Nous sommes presque en avance. Sauf incident climatique, la tribune ouest devrait être livrée en juillet. Quant à la tribune est, elle sera livrée en novembre 2025. Le stade sera entièrement terminé avant la fin de l’année.

- Un stade dont l’ambition est de ne plus l’utiliser seulement 180 minutes par mois, mais aussi pour des événements, des concerts, etc. ?
17 000 places, seul équipement de catégorie 1 en Corse. L’État, qui nous accompagne sur ce projet, nous a demandé de prendre des tendances fortes, notamment d’ouvrir le stade à tous les sports et à d’autres événements de type culturel. On en revient à l’économie du sport et culturelle. Oui aux concerts, oui à un écosystème autour du stade toute l’année avec la brasserie, le musée, des salons qui permettront à des comités d’entreprise de venir. Le stade doit vivre toute la semaine, pas seulement 180 minutes par mois, ce qui est une hérésie au vu des coûts d’entretien.

- Il y a ce projet de la maison méditerranéenne des sports de plein air. Là aussi, où en est le projet ?
- Nous sommes dans cette réflexion. Il y a eu deux temporalités à la CAB : la remise à niveau des infrastructures, et aujourd’hui la politique sportive à développer pour les années à venir. Nous faisons partie de ceux qui croient énormément en notre patrimoine non bâti, la pleine nature, le trail, les sentiers patrimoniaux à Ville di Petrabugno, à Bastia, à Furiani, dans le Cap Corse. Concernant cette maison de pleine nature, nous affinons le projet. Est-ce qu’elle sera à l’Arinella ou ailleurs ? En tout cas, dans la prochaine mandature et au-delà, ce sera la pierre angulaire du développement de la CAB.

On passe aux déchets. Il y a eu la mise en place du porte-à-porte. À l’heure du bilan, est-ce que cela s’est développé aussi bien que vous l’auriez souhaité ?
Nous avons choisi la solution la plus vertueuse, mais aussi la plus onéreuse. Aujourd’hui, le porte-à-porte fonctionne bien. Certains diront que ce n’est pas parfait, et c’est vrai. Il y a quelques ratés, mais c’est epsilon. La CAB, c’est 12 000 bacs, 4 000 relevés quotidiennement. On a bien développé le tri, il fonctionne bien, mais il faut aller encore plus loin. Pour cela, ce n’est plus un aspect opérationnel, mais pédagogique pour accentuer le tri afin de faire baisser la facture au plus vite.

La facture justement, vous fustigez régulièrement en conseil communautaire le montant de la contribution au Syvadec. Vous alertez aussi sur une hausse importante du coût du traitement des déchets.
Aujourd’hui, on s’aperçoit que la CAB a baissé sa production de déchets de 3 000 tonnes et que l’addition ne cesse d’augmenter. En 2024, la contribution au Syvadec est de 6,7 millions d’euros, nous étions à 6,6 millions en 2020 avec 3 000 tonnes de moins. Pour nous, c’est intenable. Quels que soient les efforts faits par les intercommunalités, le traitement des déchets coûte de plus en plus cher. Nous ne sommes pas rassurés par l’arrivée du centre de surtri de Monte, même si, d’un point de vue environnemental, ce sera un bien. Nous allons moins enfouir, mais en termes de coûts, cela va continuer à augmenter de 2 à 3 % par an. Aujourd’hui, les Corses ne peuvent plus supporter cela.

- Ce n’est pas le plus compliqué à justifier en tant qu’élu, de dire à ses administrés de faire le tri et de voir la facture augmenter ?
- C’est compliqué, mais le vrai risque, c’est la démotivation des populations, car on fait des efforts et on voit que rien ne change. Notre combat aujourd’hui, c’est de dire que nos populations qui trient doivent moins payer. Mais pour qu’elles payent moins, nous avons fait des efforts sur la partie collecte. Il faut qu’aujourd’hui le Syvadec prenne sa part et cesse d’augmenter le prix du traitement des déchets.

- Le développement du réseau de bus, c’est aussi une des fiertés que vous annoncez dans votre bilan ?
- Avant 2022, nous étions à environ 900 000 passagers par an. En 2024, nous sommes à 2 millions. Je tiens à le dire aussi avec 50 % de gratuité, 30 % de tarif préférentiel, seulement 20 % de plein tarif. Nous sommes exactement là où nous voulions en être. C’est-à-dire que les personnes qui en ont besoin ne payent pas, les autres payent. Mais surtout un service de qualité avec des rotations plus fréquentes, et nous voyons que ce service prend avec un taux de satisfaction de 85 % des usagers. Nous avons encore des efforts à faire. Nous allons massifier et densifier nos rotations. Mais oui, une DSP transport qui fonctionne bien.
Mais il faut aussi résoudre l’équation entre la démographie et la dimension du réseau routier, notamment dans le centre-ville de Bastia. Il faut adapter le matériel. Nous venons d’acquérir deux navettes électriques qui vont sillonner le centre-ville de Bastia. On va s’adapter entre les lignes structurantes, les lignes de rabattement, les lignes saisonnières. Et pour ça, nous sommes dotés de plusieurs outils. D’abord, c’est la billettique intégrée, donc aujourd’hui on connaît le passager, qui prend le bus, où et à quelle heure. On a même des moyens de comptage sur les arrêts de bus, sur les montées et descentes. Donc on sait exactement. On a une cartographie très précise, ce qui va permettre de bouger les curseurs et d’être au plus près du besoin des populations tout en, je dirais, rationalisant les dépenses.


- L’autre enjeu, c’est l’aménagement du territoire, qui est l’une des compétences de la CAB. On voit que les communes du Sud se développent plus vite que la ville-centre...
- On observe, comme sur le Continent, que tous les centres-villes se vident, pour autant nous avons une double problématique. La première est foncière. Il y a beaucoup plus de disponibilité au Sud qu’au Nord. Fut un temps où les prix du foncier étaient moins chers au Sud également. Aujourd’hui, cela s’équilibre, le Sud devient aussi une zone tendue. Bastia et la CAB ont des atouts à faire valoir en termes économique, patrimonial, sportif et culturel. On voit aujourd’hui qu’il y a de plus en plus de gens qui souhaitent s’installer à Bastia, la population augmente, l’agglomération est attractive. Je pense que ce phénomène que nous avons connu pendant ces quinze dernières années ne va pas s’inverser mais s’éteindre.

- Il y a aussi le territoire industriel dans le Grand Bastia. Où en sommes-nous ?
- Ça a plutôt bien marché, le premier partenariat entre Marana Golo et la CAB. Plus de 4 millions d’euros ont été alloués aux entreprises pour moderniser l’outil économique. Nous nous sommes rendu compte aussi qu’il y avait cette richesse industrielle et qu’il fallait aller la chercher. Il faut susciter des intérêts et motiver les jeunes entrepreneurs à se lancer. Et pour les plus anciens, modifier leurs outils de production pour coller aux réalités d’aujourd’hui. Ça a été une belle expérience qui se poursuit.

- L’industrie, mais aussi la mise en place d’une stratégie liée à l’industrie touristique. Quel bilan faites-vous ?
- Bastia a vraiment aujourd’hui une attractivité forte au niveau du tourisme. On voit que le Vieux-Port, la citadelle, l’Aldilonda sont très fréquentés. Là où il n’y avait que du passage, désormais les gens restent quelques jours. Il y a cette marque « Bastia » qui a été créée par l’office du tourisme. Des manifestations d’intérêt. Bastia est en train de monter en gamme sur le tourisme. On est satisfaits aussi d’avoir un tourisme plus patrimonial et pas un tourisme de masse. Nous avons su tirer notre épingle du jeu avec nos avantages. Bastia redevient une place forte du tourisme et sur une saison très longue.

- On va passer aux finances de l'institution. Quand vous êtes arrivé, les finances étaient critiques, très critiques. Vous les avez redressées ? Quelles sont les marges de manœuvre aujourd’hui ?
- En 2020, un déficit projeté de plus de 4 millions d’euros. Fin 2024, nous sommes à 15 millions d’euros d’excédent, tout budget confondu. Ce qui veut dire que les marges de manœuvre, quelles que soient les équipes qui arriveront aux responsabilités en 2026, n’auront pas les mêmes problématiques. La CAB pourra continuer à investir et à être un acteur majeur de terrain. Une gestion du quotidien en bon père de famille avec des choix de gestion très forts. Une administration qui a compris les enjeux pour la CAB de changer de modèle. Aujourd’hui, c’est une institution qui a trouvé sa place dans le paysage avec des finances saines.

- Du côté de l’opposition, Julien Morganti vous reproche d’avoir fait des investissements aux dépens des Bastiais, avec une forte hausse des taxes sur les ordures ménagères ou encore sur l’eau. Que lui répondez-vous ?
- Le prix de l’eau ne profite pas à la CAB. Ce que je lui réponds, sur le prix des déchets, c’est que si l’opposition, lorsqu’elle était en majorité, avait eu le courage de faire les bons choix, il n’y aurait pas eu cette brutalité dans l’activation du levier fiscal. On a trouvé une CAB avec un déficit de 4,5 millions. Julien Morganti était le bras droit de François Tatti, avant cela il était élu sous la mandature de Zuccarelli. Pour les leçons, on repassera. Nous, nous avons fait ce que nous avions à faire. Nous avons eu le courage de le faire et aujourd’hui, quand on annonce les grands projets, il est important de mettre un montant en face, car on pourrait très vite se retrouver dans les mêmes circonstances qu’en 2020.

- Jean Zuccarelli critique, lui, votre politique sur le logement social et parle même d’une tâche sur votre bilan
- Les logements sociaux n’ont cessé de croître sur la ville et sur Furiani. Sur Furiani, en 2000, c’était 150 logements sociaux, on en a 400 aujourd’hui. Bastia a continué sa production de logements sociaux. Jean Zuccarelli agite le chiffon rouge mais il y a des contraintes de plus en plus fortes sur la construction, notamment sur l’amiante, des projets de plus en plus difficiles à porter. Une raréfaction du foncier également, c’est une réalité. Des bailleurs fonciers ont de plus en plus de mal à investir. L’État s’est désengagé sur la production de logement social. Ce n’est pas la simple responsabilité d’une majorité, c’est un contexte national. Aujourd’hui, nous continuons à produire. Oui, on peut toujours mieux faire, nous faisons notre maximum, et je pense qu’il n’y a pas de tâche sur le logement social. Il y a une transparence sur l’attribution des logements et des quartiers en pleine rénovation. En matière de social, on ne pourra jamais être satisfait, le besoin est criant, mais pas à dire que cela est une tâche.
Il y a aussi la problématique de la baisse des dotations d’État, et le contexte est de moins en moins favorable. Un exemple tout simple : nous avons dû faire un budget supplémentaire en mars à la CAB car nous avons reçu la notification de financement de l’État sur le fonctionnement, et ça a été la douche froide : 760 000 euros de moins. Il a fallu réadapter nos investissements et nos frais de fonctionnement, et ça c’est tous les ans. Aujourd’hui, faire porter le poids des responsabilités sur les collectivités territoriales, c’est un petit peu facile en politique. L’État se désengage partout. L’État a un déficit record. Aujourd’hui, il faut être un bon gestionnaire, savoir anticiper et prévoir, et pour ça, il faut sortir de la politique politicienne et avoir presque une gestion de chef d’entreprise.

- Vous le dites, vous êtes plus un homme de dossier ?
- Et je pense qu’un président de CAB doit être un homme de dossier, pas un politique. La CAB est un outil de développement au service des communes et de la population. Pas de politique à la CAB, un point de départ sur un dossier et un point d’arrivée, et c’est le sens de ce bilan.

- Vous insistez sur le collectif, sur les coopérations avec Marana Golo. Quel est le sens de ces coopérations ?
- Aujourd’hui, c’est de se dire qu’il ne faut plus être dans une politique de concurrence avec les voisins, mais dans une politique de complémentarité. Les financements publics baissent, aujourd’hui on ne peut pas démultiplier les infrastructures identiques à quelques kilomètres d’intervalle. Aujourd’hui, nous devons nous parler entre intercommunalités au moment des investissements et de la mise en place des dispositifs. Faisons-le ensemble sur la CAB et Marana Golo, car il y a de telles interactions entre les territoires et les populations. Entre le pont du Golo et Furiani, il y a 15 kilomètres. Il n’y a plus de limites, plus de frontières. Il faut des projets de mutualisation très forts.

- Justement, quel serait le gros projet structurant à mener sur le Grand Bastia ?
- Ce seraient les transports. Aujourd’hui, c’est une hérésie de ne pas pouvoir se rendre de Bastia à l’aéroport de Poretta par une ligne directe et régulière, comme de Borgo à Bastia par une ligne directe. On a besoin d’avoir un territoire interconnecté. 98 % des personnes prennent la voiture pour aller travailler en dehors de leur commune. On doit proposer à la population un réseau de bus digne de notre époque. C’est le chantier majeur, sans parler d’absorption ni de fusion.

- Sans parler de métropole non plus ?
- Surtout pas de métropole. Nous sommes opposés à la métropole, qu’elle soit bastiaise, ajaccienne ou ailleurs en Corse.

- Serez-vous candidat à votre succession à la CAB ?
- Alors oui, je ne vais pas faire de secret là-dessus. Je pense qu’aujourd’hui j’aimerais continuer mon action. Un mandat, c’est un peu court, deux c’est très bien. De manière à pouvoir porter nos projets au bout des choses. Il y a une réalité aussi, c’est qu’avec les communes cela se passe très bien. Je pense que l’ensemble des maires est plutôt enclin à continuer l’aventure et à travailler dans cet esprit-là. Oui, je serai candidat à ma succession.

- Seulement à la CAB, la rumeur vous dit également candidat à Bastia ?
- Les rumeurs vont bon train, aujourd’hui nous sommes dans une partie bilancielle. L’heure des candidatures sur les communes n’a pas été discutée, ni à Furiani, ni à Ville, ni à San Martino, ni ailleurs. Je pense que le temps viendra. Aujourd’hui, je serai candidat à la CAB à ma propre succession, c’est une évidence. Pour le reste, nous n’en sommes pas encore là. Et dans un bilan qui se veut extrêmement collectif, je ne souhaite pas parler individualisme ou individuel.