Après deux semaines de débats nourris, souvent traversés par de profondes convictions personnelles, l’Assemblée nationale a voté ce mardi 27 mai, en première lecture, en faveur du projet de loi instaurant un « droit à l’aide à mourir ». Le texte a été adopté par 305 voix pour, 199 contre et 57 abstentions. Il s’agit d’une réforme inédite dans l’histoire législative française : elle permet à certains patients atteints de maladies graves et incurables, répondant à des critères précis, de recevoir une substance létale, ou de se la voir administrer si leur état ne leur permet pas d’agir seuls.
Les groupes de la majorité présidentielle et de gauche ont majoritairement soutenu le texte. À droite, notamment chez Les Républicains et au Rassemblement national, l’opposition a été forte. Sur cette question hautement sensible, chaque député disposait d’une liberté de vote.
Aucun des quatre députés corses - Michel Castellani, Paul-André Colombani (Liot), François-Xavier Ceccolu (LR), et Xavier Lacombe (Horizons) – - n’a voté pour ou contre : tous se sont abstenus, exprimant des réserves nuancées sur un texte jugé à la fois sensible et encore imparfait.
Un vote de conscience pour Michel Castellani
Un vote que Michel Castellani, député de la première circonscription de Haute-Corse explique par une inquiétude « Ce qui dicte ma pensée, c’est le respect de la vie, la protection des personnes contre la douleur, mais aussi la nécessité de les préserver d’éventuels abus. » . Pour lui ce texte touche « à des égalités extrêmement douloureuses » et impose une réflexion intime. Il fonde sa position sur trois principes : « le respect intangible de la vie », la nécessité de « soulager les souffrances irréversibles », et surtout, « la protection contre d’éventuels abus ». C’est ce dernier point qui l’a décidé à s’abstenir. Le député s’inquiète d’une possible dérive dans la mise en œuvre du dispositif : « On pourrait toujours, quand on a affaire à de pauvres personnes en souffrance, dénuées de force morale et physique, les persuader de mettre fin à leurs jours. Ce n’est pas supportable sur le plan humain. » Ce refus d’ouvrir une brèche dans la protection des plus fragiles l’a mené à considérer l’abstention comme « la seule solution, in fine », face à un texte qu’il juge porteur de risques non résolus.
François-Xavier Ceccoli pointe un texte qui va "trop loin"
À droite, François-Xavier Ceccoli, député Les Républicains de deuxième circonscription de Haute-Corse, dit avoir lui aussi beaucoup hésité « En vérité, pour ne rien vous cacher, c'est un vote où j'ai, comme beaucoup de mes collègues, hésité depuis le début de l'analyse de la loi, parce que c'est une décision extrêmement complexe. » Il reconnaît que le texte d’origine, rédigé par la ministre Catherine Vautrin, lui apparaissait acceptable. Mais au fil des amendements parlementaires, sa perception a changé : « J'ai considéré que, notamment suite à beaucoup d'amendements de l'extrême-gauche, ce texte allait beaucoup trop loin, et qu'il amenait trop de liberté, et qu'il tendait même à banaliser un sujet aussi essentiel que la fin de vie et la mort. » L'ancien maire de San Giuliano insiste sur l’importance de ne pas imposer sa vision aux autres : « Je n'ai pas voulu marquer mon opposition à un droit auquel aspiraient certains Français, même si je ne le partage pas toujours. »
Xavier Lacombe évoque une "abstention bienveillante"
Xavier Lacombe, député Horizons de la 1re circonscription de Corse-du-Sud, explique également son choix par une prudence face au contenu du texte. « Je me suis abstenu parce que ce texte, à la sortie de la commission, était vraiment incomplet et insatisfaisant », déclare-t-il, en distinguant bien son vote sur les soins palliatifs (qu’il a soutenu) de celui sur l’aide à mourir. Il précise avoir pris le temps de suivre les débats et d’analyser les amendements apportés au fil de l’examen parlementaire : « Il y a eu un gros travail que l'on peut saluer. Je salue le travail qui a été fait par tous les rapporteurs, les présidents, les législateurs... » Mais cette amélioration ne suffit pas à lever ses doutes : « Toutes les garanties ne sont pas au rendez-vous. Même si c'est à la demande du citoyen, l'administration d'une substance létale, par soi-même ou un agent hospitalier, c'est un problème. » Une problématique morale qui reste pour lui centrale : « Il s'agit de vie ou de mort, cela pose un problème de véritable conscience et de positionnement. » Enfin, il justifie son choix comme un compromis provisoire : « Nous ne voulons pas entraver le parcours de ce texte législatif [...] Cette abstention, elle est plutôt bienveillante, mais toujours avec ce qu'il restera, le questionnement de ce problème de conscience. »
Paul-André Colombani : « En tant que médecin, j’ai du mal à intégrer cette procédure »
Médecin de formation, Paul-André Colombani, député de la 2e circonscription de Corse-du-Sud, explique son abstention par une double réserve à la fois médicale et personnelle. Il rappelle d’abord qu’un premier texte a été voté à l’unanimité avant celui sur la fin de vie : celui sur le renforcement des soins palliatifs. « Quand on écoute les gens qui travaillent dans les soins palliatifs, ils vous disent tous que si on a les moyens de faire des soins adaptés, avec les moyens qu’il faut, ça réduit quasiment à néant les demandes d’aide à mourir. » Selon lui, cette dimension est essentielle et manque encore de soutien concret : « C’est un des points majeurs qui m’ont poussé à ne pas voter pour le texte. »
À cela s’ajoute une conviction intime : « Il y a un peu la fibre personnelle qui prend le dessus. C’est sûr que c’est une forme de disposition qui est souhaitée par une majorité de la société. Maintenant, moi, en tant que médecin, il y a des choses qui me gênent. » Le député reconnaît que cette loi touche à un sujet profondément humain et complexe. « J’ai du mal à intégrer cette procédure où les soignants vont devoir accompagner la prise de ce traitement. » S’il ne remet pas en cause le recours à la sédation profonde, déjà autorisée dans certaines situations par la loi Leonetti, cette nouvelle avancée lui semble plus difficile à accepter : « Autant il n’y a pas de discussion autour de la sédation profonde qui existe déjà, autant cette avancée-là, à titre personnel, me gêne. » Enfin, Paul-André Colombani souligne que le débat est loin d’être clos. « Le texte va aller au Sénat, puis il reviendra à l’Assemblée. Ça m’étonnerait que cela puisse se régler en commission mixte paritaire. Donc dans les mois qui arrivent, on aura l’occasion d’en reparler. »
Adoptés en première lecture à l’Assemblée nationale, les deux volets de la réforme poursuivent désormais leur parcours législatif. Prochaine étape : le Sénat, où la majorité de droite est nettement plus réticente à légaliser une telle mesure.
En cas de blocage au Palais du Luxembourg, Emmanuel Macron n’écarte pas l’hypothèse d’un recours au référendum. Un scénario qu’il lie à un « éventuel enlisement » au Parlement, alors même que le sujet avait déjà été exploré par la Convention citoyenne sur la fin de vie en 2022.
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