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Les policiers corses "las" de la guérilla urbaine


Pierre-Manuel Pescetti le Mardi 15 Mars 2022 à 17:30

Depuis plus d’une semaine, l’île est le théâtre de violents heurts à répétition entre manifestants et forces de l’ordre. Certains d’entre eux sont stationnés en Corse depuis longtemps et occupent des postes fixes. La plupart sont des insulaires et font part aujourd’hui de leur lassitude et de leur inquiétude face à la guérilla urbaine qui s’est installée dans les rues de Corse depuis la première manifestation à Corte qui a dégénéré dimanche 6 mars.



Plusieurs policiers insulaires ont été mobilisés pendant le cycle de manifestations et d'incidents qui a débuté le 6 mars dernier à Corte. Crédits Photo : CNI
Plusieurs policiers insulaires ont été mobilisés pendant le cycle de manifestations et d'incidents qui a débuté le 6 mars dernier à Corte. Crédits Photo : CNI
Voilà plus d’une semaine que la Corse s’embrase sur fond de tensions politiques et populaires après l’agression d’Yvan Colonna par un codétenu djihadiste le 2 mars dernier à la prison d’Arles.

Une semaine que pratiquement chaque soir depuis le 6 mars, les abords des préfectures et des sous-préfectures de l’île ressemblent plus à des champs de bataille qu’à des trottoirs paisibles où les habitants passent sans un regard. Une semaine que manifestants et forces de l’ordre s’affrontent dans des batailles rangées où les gaz lacrymogènes, les grenades de désencerclement et les tirs de flashball répondent aux lancers de pavés, de cocktails molotov et autres explosifs improvisés en tout genre.

Derrière leur grille de protection et leurs carapaces d’intervention, les policiers stoïques n’en pensent pas moins. « Les effectifs insulaires sont las de toute cette violence », confie un représentant du syndicat Alternative Police CFDT en poste sur l’île depuis de nombreuses années.

Pris en étau entre la colère populaire et l’Etat

Mobilisés pour défendre les bâtiments publics, ils sont l’enclume sur laquelle vient frapper la colère populaire. « Nous sommes en quelque sorte un tampon et cela est une partie de notre métier mais franchement un policier ne se lève pas le matin en se disant qu’il va aller frapper des jeunes non ! Notre souci c’est de protéger la population », insiste le policier du Syndicat Alternative Police CFDT.

Plus que la « guérilla urbaine » qui s’est installé dans les rues d’Ajaccio et de Bastia depuis le 6 mars, ce policier est atterré par la jeunesse de certains protagonistes : « quand on voit des gamins de 14 ans nous foncer dessus avec des cocktails molotov c’est compliqué, il faut garder son sang-froid. Ces mineurs n’ont rien à faire dans une guérilla urbaine, cocktails molotov à la main. Cette violence chez les plus jeunes, c’est contre nos valeurs insulaires ! ».  

La crainte d’un climat violent qui s’enracine et dépasse les manifestations

Devoir de réserve oblige, aucune déclaration n’est faite sur le contexte politique et le rôle de l’État. Mais pour le syndicat, « la violence ne règle pas les problèmes ». Plusieurs policiers corses interrogés sous couvert d’anonymat connaissent la situation sur l’île et savent que « certaines demandes politiques sont réitérées depuis des années mais que des façons plus pacifiques existent pour trouver des solutions ». Certains comprennent, voire partagent, les revendications nationalistes émergées de la contestation populaire.

Mais pour l’antenne insulaire d’Alternative Police, « nous ne voyons pas l’utilité de jeter des cocktails molotov sur des pères de famille ». Car derrière la violence spontanée des incidents de ces derniers jours se cache la crainte d’une animosité qui pourrait s’installer dans la durée. « Ces jeunes qui nous lancent des cocktails molotov sont peut-être en classe avec nos propres enfants », s’inquiète un policier.

Le souhait d’une situation apaisée

« Notre souhait est que ça s’apaise pour faire le métier qui nous intéresse à savoir, protéger les gens de la petite et de la moyenne délinquance et non de subir la guérilla urbaine », insiste le syndicat Alternative Police CFDT.

La venue du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin ce 16 et 17 mars pourrait être une première étape vers un climat plus serein. Venue dont veulent aussi profiter les policiers corses pour rééditer d’anciennes demandes. « Nous sommes en sous-effectifs en Corse depuis un moment et avons besoin de renforts sur le long terme pour assurer la sécurité de la population au quotidien », indique le syndicat de policiers.