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Les Corses appelés à déposer leurs armes pour commencer à briser le cycle de la violence


le Lundi 28 Avril 2025 à 09:10

Alors que la Corse affiche l’un des taux de détention d’armes les plus élevés de France, la préfecture lance une opération d’abandon d'armes simplifié, du 28 avril au 4 mai. Outre réduire l’arsenal détenu par les particuliers, l'objectif de l'opération est d'enclencher une dynamique qui vise à rompre le cycle de la violence



(Photo d'illustration - Pexels)
(Photo d'illustration - Pexels)
C’est une procédure qui a fait ses preuves dans les Antilles. Du 28 avril au 4 mai, les Corses sont appelés à déposer leurs armes via une opération d’abandon simplifiée organisée par la préfecture. « L'objectif est de permettre aux personnes qui détiennent des armes chez elles de pouvoir les abandonner et les faire détruire par notre intermédiaire », explique Florian Straser, le directeur de cabinet du préfet de Corse-du-Sud, en ajoutant : « La seule chose qui sera demandée, c'est de présenter sa carte d'identité et de signer un papier qui formalise cet abandon, que l'arme soit déclarée ou non ». 
 
Derrière cette opération voulue par le préfet de Corse, Jérôme Filippini, dans le cadre des plans d’action pour la restauration de la sécurité du quotidien engagés dans les deux départements, l’objectif est de faire diminuer le nombre d'armes en circulation sur le territoire. L’île affiche en effet des records en la matière, avec un taux de 350 armes pour 1000 habitants en 2022, contre 150 au niveau national. « Ce sont les derniers chiffres dont on dispose, parce qu’avec la création de nouveaux logiciels pour enregistrer les armes, on se rend compte d’une diminution des enregistrements. Donc il se peut même qu’aujourd'hui on ait des armes non déclarées en circulation qui soient en plus grand nombre sur l’île », indique Florian Straser.
 
Dans une île meurtrie par la violence, l’opération « Déposons les armes » vise ainsi avant tout à encourager l’abandon d’armes détenues illégalement. Même si beaucoup sont issues d’un héritage familial et leurs propriétaires ont quelques réticences à s’en séparer. « Le message que l’on veut faire passer, c'est que cela ne sert à rien de conserver ces armes chez soi. Parfois, on entend des gens expliquer qu’ils gardent ces armes pour leur défense, pour se protéger. Or, je tiens à rappeler d’une part que les armes doivent être déclarées, mais que même avec une autorisation de détention qu'elle soit pour un chasseur, pour un tireur sportif ou pour un collectionneur, cela n’autorise de faire usage d’une arme pour de la défense ou de la protection, et ne permet pas non plus de porter et de transporter l'arme, sans motif légitime », souligne le directeur de cabinet du préfet en notant que le port d’arme prohibé est une infraction régulièrement constatée sur l’île. « Avoir une arme sur soi ou dans sa voiture, c'est totalement illégal et cela contribue à donner un sentiment de la toute-puissance de l'arme et de la violence », déplore Florian Straser en pointant en parallèle les trop nombreux assassinats qui ont endeuillé la Corse au cours des derniers mois. « Sur les mois de janvier et février, les forces de l’ordre ont déjà constaté 40 ports d’armes prohibées sur l’ensemble de l’île. C'est un nombre qui est assez élevé par rapport à la moyenne nationale, qui dénote de très mauvaises habitudes », dévoile-t-il.
 
Dans les Antilles, où le taux de détention d'armes et notamment d'armes non déclarées était extrêmement élevé, les opérations d’abandon simplifiée d’armes avaient rencontré un très grand succès il y a quelques années. Un exemple dont la préfecture de Corse entend s’inspirer. Même si une première opération d’abandon d’arme simplifié, menée en novembre 2022 dans le cadre d’une opération nationale, n’avait permis de récupérer qu’environ 250 armes et plusieurs milliers de munitions sur l’ensemble de l’île. « On sait très bien que ce ne sont pas les grands criminels, les assassins qui vont venir », glisse Florian Straser. « Mais par contre, il y a une partie des armes, souvent de vieux fusils, qui sont gardées de manière pas toujours très sécurisée ou en nombre important dans des logements. Or, on sait qu’en Corse on a régulièrement des cambriolages de domicile qui visent à récupérer ces armes directement chez des particuliers », reprend-il en déroulant : « Et sans révéler de secret judiciaire, on voit qu’on a des affaires d'homicide, où les criminels ne se servent pas d’armes de guerre hypermodernes, mais de ces armes anciennes, qui sont souvent l’objet d’un héritage. Ces armes servent aussi parfois pour des assassinats ».  
 
Alors qu’en début d’année, le préfet de Corse affirmait que la violence n'ait pas une fatalité en Corse, selon Florian Straser, cette opération d’abandon d’armes simplifié  aspire en outre à « sensibiliser la population sur les effets induits de cette présence massive d'armes en Corse ».  « Les jeunes en font quelque chose de banal, voire en arriver à se tourner vers la violence armée. Il y a un culte du bandit et de l'arme qui est extrêmement problématique », regrette-t-il. « Bien évidemment, ce n'est pas cette procédure toute seule qui résoudra l'ensemble des problèmes, mais cela fait partie intégrante de notre plan d'action et c'est un élément important car la détention massive d'armes sur l'île est un facteur qui contribue au niveau de violence armée et à une culture qui alimente ce cycle de la violence ». « En parallèle, des actions sont également menées dans les écoles par le Rectorat afin d’éduquer les jeunes à la culture de la légalité », relève également le directeur de cabinet du préfet en ajoutant encore : « On a également une hausse très élevée du nombre d'interdictions de détention d'armes prononcées par la justice depuis le début de l'année. Plus de 80 interdictions de détention d'armes ont déjà été prononcées depuis le début de l'année en Corse-du-Sud à l’encontre de personnes qui, au regard de leurs condamnations passées et de leurs comportements, ne peuvent pas détenir d'arme car elles présenteraient un danger pour les autres. Tout cela fait partie de notre plan d’action ».
 
Toutefois conscient que le changement ne sera pas immédiat, Florian Straser insiste sur la nécessité d’agir dans la durée. « On se doute que toutes les armes ne vont pas être déposées du premier coup et qu'il faut du temps pour que ça rentre dans les mentalités. Mais il faut qu'on soit persévérant, il faut qu'on insiste et il faut qu'on soit déterminé dans notre action. Cela fait partie des actions que nous poursuivrons », conclut-il.