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Législatives en Corse : Les Nationalistes frôlent le grand chelem, la droite conserve son siège


Nicole Mari le Lundi 20 Juin 2022 à 18:55

Les trois députés nationalistes sortants, Michel Castellani, Jean-Félix Acquaviva et Paul-André Colombani, ont été réélus dans les deux circonscriptions de Haute-Corse et dans la deuxième circonscription de Corse du Sud. Le Libéral Laurent Marcangeli, qui avait été député de 2012 à 2017, retrouve un siège au Palais Bourbon et conserve à la droite la première circonscription de Corse du Sud. Son adversaire, le nationaliste Romain Colonna a fait vaciller la citadelle ajaccienne, mais n’a pas réussi le grand chelem. Ceci dit, les Nationalistes progressent en voix et étendent leur emprise sur l’île.



Laurent Marcangeli retrouve un siège de député

C’est une véritable surprise ! Donné très largement favori, dès l’annonce de sa candidature, Laurent Marcangeli, le maire d’Aiacciu, président de la CAPA (Communauté d’agglomération du pays ajaccien) et président du groupe de droite à l’Assemblée de Corse, a, tout naturellement, remporté le 2nd tour de l’élection législative dans la 1ère circonscription de Corse du Sud. Il retrouve, donc, un siège de député qu’il avait arraché de haute lutte en 2012 et délaissé en 2017, au profit de Jean-Jacques Ferrara, pour cause de cumul des mandats après son élection à la mairie d’Aiacciu. Et s’il s’était décidé à replonger dans la bataille, c’était pour conserver dans son giron la circonscription, un fort doute planant sur la réélection du député sortant. Personne, au soir du 1er tour, n’imaginait que le scrutin put être serré. Et pourtant, c’est d’une courte tête, une avance d’à peine 818 voix sur son challenger nationaliste, Romain Colonna, que Laurent Marcangeli décroche son siège avec 51,76% des votants et 12 013 voix. Si sa victoire électorale est indiscutable, c’est son manque d’ampleur qui surprend, tant on pensait le maire d’Aiacciu et président de la CAPA indétrônable sur son territoire. Et ce d’autant plus que le premier tour n’avait guère laissé de suspens. Laurent Marcangeli l’avait largement dominé en totalisant 33,70 % des suffrages, 7 972 voix et une avance nette de 16 %, soit 3837 voix.
 
Une étiquette difficile
Pourtant, on le disait nerveux, pas serein. La vague Marine le Pen, qui avait submergé la circonscription, deux mois avant, lors des présidentielles, avait, en effet, été un véritable choc pour le candidat, soutien d’Emmanuel Macron et investi par « Ensemble ». Je pense que j’ai eu raison de dire que le siège était en danger. On le mesure avec les résultats. Si on les compare avec ceux de 2017, le danger était bien là et si je n’avais pas été candidat, le siège aurait pu basculer. Je me suis battu avec des convictions et une étiquette qui était très difficile à porter et dans un territoire qui a voté à près de 59 % pour Marine Le Pen il y a un peu plus d’un mois, réussir à gagner cette élection, c’est une belle réussite », reconnaît Laurent Marcangeli. Avec ses troupes, il est, donc, allé au charbon, notamment du côté des abstentionnistes, et a engrangé 4 041 voix supplémentaires entre les deux tours, dont 2000 sur sa commune où le taux de participation a augmenté d’un point, également sur la CAPA. « Les territoires urbains et péri-urbains ont voté pour moi. Les territoires ruraux ont voté massivement pour Mr Colonna. Il y a des scores qui m’interpellent dans la ruralité. On note des basculements élection après élection. Peut-être est-ce dû à la fusion des Départements et de la Collectivité de Corse », remarque-t-il. Comme pour les territoriales, le rural est le maillon faible du leader ajaccien.
 
Un tremblement de terre
Ceci posé, si les Nationalistes unis étaient en mesure de l’inquiéter, comme ils s’y présentaient divisés et peu enclins à s’entendre, le risque s’évaporait. Romain Colonna, qui avait décroché sa qualification pour le 2nd tour avec 17,48 % des suffrages, soit 4135 voix, semblait bien trop bas pour combler le retard. Pourtant, il a effectué une remontée spectaculaire de 7060 voix, le portant à 48,24% des suffrages pour un total de 11 195 voix. Un inattendu retournement de situation que le candidat de Femu a Corsica n’hésite pas à qualifier de « véritable tremblement de terre démocratique. Un nationaliste termine à près de 49 % des voix sans aucun moyens face au maire d’Aiacciu, nous avons dépassé la barre des 11 000 voix. Certains commentateurs avisés ne nous voyaient pas au second tour. Non seulement nous y sommes, mais nous avons été très proches d’une victoire électorale. Ce soir, Laurent Marcangeli a gagné électoralement, nous avons gagné politiquement ». Si la désunion a failli être fatale au député sortant dans la 2nde circonscription de Haute-Corse, c’est l’union de la famille nationaliste qui a rendu ce score possible, notamment les deux autres candidats recalés au 1er tour. « Il convient à présent de réunir toute la famille nationaliste », avait, dès sa qualification, plaidé Romain Colonna, un appel relayé par le président de l’Exécutif, Gilles Simeoni. Si Jean-Paul Carrolaggi, qui avait recueilli 3000 voix, avait assuré de son vote personnel, Michel Mozziconacci, qui avait agrégé 2193 voix, avait manifesté son soutien public lors du meeting d’entre deux tours, tout comme la section locale du PNC et Core in Fronte.

Une citadelle fragilisée
Mais l’union n’a pas été totale puisque Corsica Libera s’y est refusé. « Si nous avions fait l’union tous ensemble, nous aurions, ce soir, quatre députés nationalistes sur quatre », commente, désabusé, à Bastia, Paul-Félix Benedetti, leader de Core in Fronte qui a appelé en vain à l’union. Mais, dimanche soir, à Aiacciu, c’est la joie qui domine, parce que, d’un coup, tout devient possible : « Aujourd’hui, la citadelle ajaccienne a vacillé, nous allons continuer à travailler pour la faire tomber prochainement... »lance Romain Colonna. Dans la ligne de mire, les élections municipales dans quatre ans, avec une nouvelle donne. Dans quelques jours, pour cause de non-cumul des mandats, Laurent Marcangeli devra quitter ses habits de maire et de président de la CAPA pour endosser celui de député. Il pourrait rester à l’Assemblée de Corse et garder le mandat de conseiller municipal. A l’Assemblée nationale, il rejoindra le groupe Horizons d’Edouard Philippe au sein de la coalition macroniste « Ensemble » qui n’obtient pas la majorité absolue en sièges.
 
 
Législatives en Corse : Les Nationalistes frôlent le grand chelem, la droite conserve son siège

Paul-André Colombani réélu dans un fauteuil

C’est sans surprise que le député nationaliste sortant, Paul-André Colombani, conserve son siège dans la 2ème circonscription de Corse du Sud. Arrivé largement en tête au 1er tour avec 37,24% des suffrages, une avance de 10 points et de 2500 voix sur son principal challenger, son élection était d’autant plus assurée qu’il bénéficiait du soutien total de l’ensemble du mouvement national. Il remporte, donc, l’élection avec 57,61% des suffrages, 14 746 voix et 15 points d’avance sur la libérale Valérie Bozzi, soutenue par Horizons. S’il augmente en pourcentage par rapport à 2017,  le candidat PNC recule de presque 2000 voix sous l’effet de l’abstention qui atteint 55,73%. Plus d’un électeur sur deux ne s’est pas rendu aux urnes, néanmoins le taux de participation croît de 2% entre les deux tours, une chasse aux abstentionnistes qui semble avoir profité au député sortant. Il gagne 930 voix sur la seule commune de Portivechju où il culmine à 74,71% des suffrages et 2759 voix. Il domine largement à Figari et à Conca où il affiche plus de 78% des voix, plus de 80% à Cauro, plus de 76% à Cozzano, plus de 75% à Levie, plus de 73% à Pianotolli-Caldarelli, 59% à Bastelica… et frôle 81% à Zonza dont il est conseiller municipal.
 
Une place consolidée
« J’ai été le seul candidat nationaliste dans cette circonscription, cela m’a facilité la tâche », reconnait Paul-André Colombani. « Nous avions fait la différence lors du premier tour, on savait qu’il allait être très difficile de revenir pour ma concurrente. Aujourd’hui nous avons consolidé une place forte mais cela ne doit rien au hasard. Si nous réalisons des scores fleuves à Porto-Vecchio et à Zonza et dans les communes du Sud, c’est aussi le travail, mis en place dans nos communes depuis deux ans, qui paie. Les gens voient le changement de gouvernance et c’est pour cela que l’on se retrouve aujourd’hui avec des scores aussi importants ». La prise d’un certain nombre de mairies de l’Extrême-Sud en 2020, notamment Portivechju, Figari et Zonza, ont, effectivement, consolidé l’emprise des Nationalistes. La suprématie de la droite sur ce territoire n’est plus qu’un souvenir. Le député réélu annonce sans surprise qu’il va, avec ses deux collègues du Nord, rejoindre le groupe Libertés & Territoires qui pourrait changer de nom avec le renfort de députés d’Outre-Mer. « Nous sommes prêts à entamer les discussions à venir sur l’autonomie de la Corse », lance-t-il. Des discussions, censées débuter fin juin à Paris avec le ministre de l’Intérieur, qui en a la charge et qui a été reconduit dans ses fonctions. A condition bien sûr que la nouvelle donne nationale avec l’absence de majorité absolue du parti présidentiel et le remaniement ministériel qui pourrait en résulter, ne retarde encore une fois l’ouverture des discussions.   
 
Un résultat honorable
Valérie Bozzi espérait bien garder le jeu ouvert d’autant qu’elle pouvait espérer récupérer une partie des 20% cumulés par l’Extrême-droite au 1er tour, le Rassemblement national (RN) lui ayant damé le pion dans certaines communes au 1er tour. Mais la candidate libérale, soutenue par Horizons, ne réussit pas à combler son retard, même si elle augmente son score de 3768 voix pour atteindre 10 852 voix, soit 42,39% des suffrages. Elle perd 2639 voix, dont 1600 voix sur la seule commune de Portivechju, par rapport à son prédécesseur LR, Camille de Rocca Serra qui avait, en 2017, totalisé 44,78% des suffrages et 13 491 voix. La mairesse de Grosseto-Prugna, qui avait fait le plein dans sa commune au 1er tour, engrange 355 voix supplémentaires et son adversaire en récupère 264. Dans le 6ème canton d’Aiacciu, où elle était arrivée en tête, le rapport s’inverse au profit du député sortant qui double ses voix. « Le second tour s’est joué à Porto-Vecchio qui représente tout de même 10 000 électeurs, et sans cette ville, c’était difficile de réussir à s’imposer. Je suis tout de même satisfaite du résultat. Pour une première élection, le résultat est honorable. Nous allons continuer à travailler, tant à l’Assemblée de Corse qu’au niveau des communes pour faire valoir nos idées »explique-t-elle. Si Laurent Marcangeli, quitte son mandat de président du groupe U Soffiu Novu à l’Assemblée de Corse, pour cause de cumul des mandats, Valérie Bozzi pourrait récupérer la présidence du groupe.

Michel Castellani réélu avec une écrasante majorité

La victoire du député nationaliste sortant, Michel Castellani, n’a jamais fait de doute dans la première circonscription de Haute-Corse. L’enjeu, pour lui, était, en bon sportif, de semer son adversaire en cours de route et de faire la course quasiment seul. Il avait lancé un appel aux électeurs pour lui donner du poids face à Paris : « A l’Assemblée nationale, On pèse ce qu’on pèse. si vous vous présentez avec 51 % des voix, c’est bien. Si vous vous présentez avec 70 %, c’est mieux ». Pari gagné pour le député de Femu a Corsica qui domine largement le scrutin en totalisant 63,01% des suffrages, soit 13 724 voix. S’il gagne 3% de plus, il perd 2555 voix par rapport à 2017, un recul du principalement à une abstention record qui a culminé à 61,61%, soit 2,5 % de plus qu’au 1er tour. Quelques 37 895 électeurs ont boudé les urnes, soit 1500 électeurs qu’il y a une semaine. A Bastia, comme au 1er tour, l’abstention frôle même 65%, notamment dans les Quartiers Sud et à Lupinu. Idem dans le périurbain où elle grimpe à 67,84 % à Lucciana et atteint à Borgo le record de 71,78%. Sur cette commune du Sud de Bastia, seuls 1609 électeurs sur 5701 inscrits se sont déplacés pour voter.  
 
Des scores de maréchal !
Cela n’empêche pas Michel Castellani d’engranger 5408 voix supplémentaires entre les deux tours. A Bastia, même si son adversaire fait une belle percée dans les Quartiers Sud, il décroche, comme au 1er tour, la quasi-totalité des bureaux, et totalise 56,48% des suffrages, soit 1500 voix de plus. Le député sortant capitalise dans les communes du Grand Bastia qui rassemblent plus de la moitié des électeurs de la circonscription, avec des scores de maréchal : 76,38% à Biguglia, 75,45 % à Furiani, 78,26% à Santa-Maria-di Lota, 69,41% à San Martino di Lota. Il domine totalement le Nebbiu, la Conca d’Oru et le Cap Corse : 62,94% à San Fiurenzu, 70,09% à Patrimoniu, 74,55% à Barrettali, 76,09% à Poggio d’Oletta, 78,97% à Oletta, 82,31 à Santo Pietro di Tenda, 74,13% à Sisco, 71% à Pino, 67,35% à Cagnano, 67,06% à Canari, 68,97% à Ersa ouencore 84,93% à Pietralba.... Ceci, sans le soutien officiel de Corsica Libera, mais avec celui de Core in Fronte.
 
Une équipe reconstituée
« C’est une élection tout à fait correcte avec 63% des suffrages. C’est un résultat qui nous honore et nous engage. J’essaierai de représenter les électeurs de façon digne et efficace », commente, dès l’annonce des résultats, Michel Castellani. Le député sortant se félicite aussi de la victoire de ses deux collègues, Jean-Félix Acquaviva dans la 2ème circonscription de Haute-Corse, et de Paul-André Colombani dans la 2ème circonscription de Corse du Sud : « L’équipe, qui a si bien travaillé pendant cinq ans, est reconstituée. Là aussi, c’est un bon résultat qui est dans la ligne de toutes les élections que nous avons gagnées. On peut tortiller tant qu'on veut, mais les trois députés nationalistes sortants sont réélus, et le quatrième a manqué son entrée à l'Assemblée de très peu ». Les trois députés réélus devraient rejoindre leur groupe parlementaire Libertés & Territoires. L’enjeu, martelé pendant toute la campagne, était de peser sur les discussions concernant le processus d’autonomie qui sont censées s’ouvrir en fin de mois de juin. La situation très tendue pour Emmanuel Macron au niveau national où il n’obtient qu’une majorité très relative pourrait bien changer la donne : « Je ne suis pas persuadé que tout cela soit facilement gouvernable », lance l'élu bastiais. De là, s’élargit le champ des possibles, tant au niveau d’alliances que d’éventuels appuis. Une partie plus serrée s’ouvre désormais à Paris pour les trois députés réélus. Michel Castellani l’assure : « Nous ferons preuve de responsabilité, comme toujours ».
 
Une victoire politique
S’il n’avait aucune chance de remporter ce second tour, Julien Morganti réalise, néanmoins, une belle performance, en passant de 13,61% des suffrages au 1er tour à 36,99% des suffrages au second. Avec un total de 8055 voix, il emmagasine 4063 voix de plus qu’au 1er tour. Il fait plus que doubler son score sur Bastia, notamment au bureau du Centre ancien et à Lupinu, idem à Borgo où il arrive en tête avec presque 500 voix d’avance. Il est devant également à Ville di Pietrabugno et affiche quelques beaux scores inattendus, comme à Pieve où il réalise 70,91 % des suffrages, passant de 5 voix au 1er tour à 39 voix au second sur 59 votants. Il a visiblement récupéré des voix de gauche et du RN, même si le macroniste Jean-François Paoli, éliminé au 1er tour, lui a refusé son soutien. Egalement une partie des voix indépendantistes et, de son aveu même : « fait un gros travail sur l'abstention. On ne passe pas de 14 % à 40 % sans avoir un message de rassemblement, et ce soir, il a été entendu. Les reports se sont faits, il y a une vraie dynamique. C'est une défaite électorale, mais une victoire politique. ». L’élu municipal d’opposition bastiaise enracine un peu plus, élection après élection, son image d’opposant solitaire. « Si la victoire n'est pas au rendez-vous, un mouvement est né et appelle à former une coalition dans l'intérêt de la Corse. Notre dynamique du second tour est forte et rassemble. Nous sommes la première force d'opposition dans la circonscription. Un futur pour la Corse s'écrit à partir de demain », tweete-t-il. L’enjeu pour Julien Morganti est désormais de sortir de son isolement politique et de fédérer avec en ligne de mire, les prochaines municipales dans quatre ans. Ce qui est loin d'être acquis...

Jean-Félix Acquaviva réélu de justesse

Pas de tremblement de terre politique, mais un scrutin sur le fil du rasoir dans la 2ème circonscription de Haute-Corse où le député nationaliste sortant, Jean-Félix Acquaviva, conserve son siège avec 156 voix d’avance sur son adversaire le libéral, François-Xavier Ceccoli. Le député est réélu avec 50,23% des suffrages et 16 777 voix. S’il engrange près de 6000 voix supplémentaires par rapport au 1er tour, il en perd 4525 par rapport à 2017 où il avait remporté la bataille avec 63,16% des suffrages, soit près de 13 points de moins. Mais s’il avait à l’époque, en tandem avec Corsica Libera, bénéficié de tout l’appui du mouvement national, il arrache aujourd’hui la victoire dans une guerre intra-nationaliste où ces ex-alliés lui ont refusé son soutien de manière officielle pour Corsica Libera, ou plus ambigüe pour le PNC. Si des militants de ces deux partis lui ont accordé leurs aides localement, si d’autres se sont abstenus, certains n’ont pas hésité à mettre dans l’urne le bulletin de leurs adversaires. C’est dire le degré de rancœur et de haine de ceux qui ont perdu, à la fois, les dernières élections territoriales et un pouvoir auquel ils venaient juste de s’habituer, rancœur dans laquelle a sombré, sans états d’âme, l’enjeu historique de l’ouverture possible de négociations sur le processus d’autonomie. Seul Core in Fronte a joué le jeu avec intelligence, ne se trompant finement, sur ce coup-là, ni de combat, ni d’ennemi, mais il fut, il est vrai, l’un des vainqueurs dudit scrutin.
 
Un combat épique
A Corti, dimanche soir, Jean-Félix Acquaviva ne s’y est pas trompé, remerciant les Nationalistes qui ont fait le choix « d'un vote patriotique » et Core in Fronte pour « son esprit de responsabilité ». Quand aux autres, le constat est sans appel : « Certaines forces politiques se sont liguées alors qu'elles ont très peu de points communs en termes de projets de société pour la Corse, et de propositions pour l'avenir. Le seul qu’elles avaient, c'était d'essayer de faire chuter, à l'occasion de cette élection, Jean-Félix Acquaviva et Gilles Simeoni ». Malgré un lourd moment de stupeur et de tension, personne ne pouvait croire à la défaite, et la clameur de joie, qui a retenti dans la permanence à la proclamation des résultats, a été à la hauteur du soulagement. Porté en triomphe sur le cours Paoli, le député réélu ne mégote pas sa joie : « C’est une belle victoire après un combat épique ». Si la désunion de la famille nationaliste a frôlé le désastre, paradoxalement le résultat de ses législatives a effectivement confirmé la solidité du socle électoral de Femu a Corsica. Et l’on peut raisonnablement imaginer que l’élection, qui risque fort d’être attaquée par le perdant, ne fera, au moment des debriefings et de l’analyse des résultats, qu’envenimer les tensions chez les frères désormais ennemis.
 
Des scores scrutés
En ligne de mire aussi les 5736 voix du Nationaliste Lionel Mortini, qui avait récolté 17,99 % des suffrages au 1er tour après avoir déclaré « une guerre totale » et frontale contre Jean-Félix Acquaviva. Le maire de Belgodère, président de la Communauté de communes Lisula Balagna, s’était, dès sa défaite, déclaré prêt à discuter avec le président de l’Exécutif, Gilles Simeoni. Si la discussion a bien eu lieu, elle n’a, de toute évidence, pas totalement satisfait l’ex-conseiller exécutif qui, dans un communiqué posté sur Twitter, avait annoncé son intention de s’abstenir, ne donnant aucune consigne de vote, renvoyant au lendemain de l’élection des explications potentielles. Le score de Belgodère, qui fut l’un des plus scrutés de la circonscription, est apparu remarquable d’équité. Jean-Félix Acquaviva et François-Xavier Ceccoli, qui n’avait, au 1er tour, récolté respectivement que 7 et 4 voix, se sont partagés les 482 voix du maire, avec un petit bonus de 4 voix pour le député sortant. A Lisula, où Lionel Mortini était arrivé largement en tête, c’est Jean-Félix Acquaviva qui domine avec une centaine de voix d’avance et 250 voix de plus qu’au 1er tour. A Monticellu, où le maire était sur la liste de Jean-Christophe Angelini aux territoriales et où Lionel Mortini avait raflé plus de la moitié des suffrages et 414 voix au 1er tour, c’est le candidat de Femu qui décroche la timbale et passe de 174 à 534 voix et de 21,59% des suffrages à 72,55%.
 
Un devoir accompli
A droite où l’on y a cru, la déception est manifeste. Pourtant, François-Xavier Ceccoli, parti tard et de loin, a créé une vraie surprise avec un score de 16 621 voix, soit 49,77% des votants. Le maire de San Giuliano et président de la fédération LR de Haute-Corse, qui s’est présenté sous l’étiquette Divers droite, n’était pas favori dans cette élection, et pourtant il a raté la première marche du podium de 156 voix. C’est une véritable gageure qui est née et a prospéré sur le lit de la désunion nationaliste tout en agglomérant sous sa bannière, les bastions de la droite unie, la vieille garde giaccobiste, la gauche castelliste, notamment en Casinca et en Plaine Orientale, où les mêmes communes qui ont massivement appuyé le nationaliste Jean-Christophe Angelini, maire de Portivechju et leader du PNC, aux dernières territoriales ont fait voter, de la même manière et sans sourciller, le candidat libéral, l’un étant aux antipodes de l’autre ! C’est désormais au tour de François-Xavier Ceccoli d’aligner, par exemple, le score soviétique de 92,09% à Venzolasca, de caracoler largement en tête à Penta-di-Casinca, à Vescovato, Sorbo-Ocagnano… pour ne citer que ces communes. De quoi conforter la thèse : « Tout, sauf Acquaviva ! », lancé par le député réélu. Néanmoins, stricto sensu, François-Xavier Ceccoli réalise un score remarquable pour sa première participation à ce type d’élection en fédérant, de son propre aveu, les déçus en tous genre de la majorité territoriale avec, dit-il « le sentiment du devoir accompli et beaucoup de fierté pour les gens qui ont travaillé sur cette élection et à ceux qui nous ont fait confiance ».  
 
Un scrutin mis en doute
Vu la petitesse de l’écart qui a décidé de la victoire du député sortant, il ne fallait pas être très devin pour comprendre que son adversaire, en toute logique, allait tenter d’attaquer le scrutin au tribunal administratif, c’est de bonne guerre. Par contre, les accusations du perdant ont causé une grande perplexité, pas seulement chez les Nationalistes. François-Xavier Ceccoli a dénoncé « un système et un fonctionnement » dans lequel « l’Exécutif, et notamment son Président, aurait beaucoup joué et se serait mobilisés pour sauver le soldat Acquaviva », mais surtout « dans quelques communes - dont une - il y a eu des violences, d’autres où on a des doutes. Les assesseurs qui ont été molestés porteront plainte. Nous sommes en train de nous poser la question d’un éventuel recours devant le tribunal administratif. Il y a vraiment matière à le faire ». Une fois sa stupeur passée, Jean-Félix Acquaviva a vertement répliqué : « Je ne recevrai pas, ni moi-même, ni l'ensemble de la force politique militante, des leçons d'éthique, de démocratie et de transparence de la part de forces qui elles, quand on regarde le passé de leur gestion de la majorité territoriale, ne sont pas en mesure de le faire. Je crois qu’il faut être responsable, sérieux car on ne peut pas considérer que la démocratie, c'est uniquement lorsque on gagne, c'est aussi lorsqu'on perd ». Concernant les accusations de violence, il contre-attaque, estimant que son adversaire avait préparé le terrain en amont par « une stratégie de la tension qui a été orchestrée à travers un communiqué qui annonçait par avance de possibles irrégularités lors du scrutin, alors que rien ne se passait »François-Xavier Ceccoli a annoncé qu’il ferait connaître sa décision d’un recours ou non devant le tribunal administratif. En attendant, le député réélu regagne le Palais Bourbon.