Il avoue avoir hésité un instant avant de nous confier ce témoignage. Par peur, peut-être, de révéler qu’il a été le pénitent. Par pudeur, aussi, de partager le souvenir intime de cette expérience mystique réservée à quelques rares élus. Mais il a finalement choisi de raconter. De revivre ce qu’il appelle sa « deuxième naissance ». Une parole précieuse qui nous permet de lever un coin du voile sur cette procession poignante et mystérieuse, lors de laquelle un pénitent cagoulé et tout de rouge vêtu défile dans les rues de Sartène, le soir du Vendredi Saint. Un rite immuable depuis le XIIIème siècle, pour lequel cet homme anonyme, pieds nus, lesté de 17 kg de chaines à la cheville et transportant sur son dos une lourde croix de bois, revit le calvaire du Christ afin de rechercher la paix, de demander une grâce ou d’expier ses fautes.
Sartenais pure souche, notre interlocuteur n’a jamais raté un Catenacciu d’aussi loin qu’il s’en souvienne. Pourtant, il dit n’avoir jamais imaginé un instant qu’il pourrait être à son tour ce pénitent rouge, symbole de foi et de douleur, qu’il a tant de fois accompagné du regard dans son chemin de croix. Mais les méandres de la vie l’ont conduit à entamer la démarche. « Pour faire le Catenacciu, il faut d’abord être très motivé. Puis, il faut écrire au curé de Sartène », pose-t-il. Le prêtre seul désigne en effet celui sera le porte-croix et garde son identité secrète. « Il faut que la lettre le touche. Car des lettres de demandes, le curé de Sartène en reçoit plus d’une vingtaine chaque année », abonde le pénitent. La liste d’attente de ceux qui ont exprimé leur souhait de faire pénitence est d’ailleurs très longue, certaines demandes datant d’il y a plusieurs décennies.
« Pour moi, le Catenacciu était la seule chose qui pouvait sauver mon âme »
Le Sartenais n’a pas eu à attendre si longtemps. « J’ai fait ma demande dans l’année qui a précédé mon Catenacciu en me disant que c’était un coup dans l’eau, que je ne serai jamais retenu », raconte-t-il en confiant : « Dans mon courrier, j’expliquais avant tout au curé que j’ai participé à la vie de l’Église depuis mon plus jeune âge et que je me suis toujours dit que je n’aurais aucune raison faire le Catenacciu. Mais il y a quelques années, j’ai eu des moments très très bas et j’ai péché. Je n’arrivais pas à trouver un moyen de confesser et d'effacer ces péchés. Mais quand on est vient de Sartène, la première idée qui vient à l’esprit c’est de faire le pénitent. Pour moi c’était la seule chose qui pouvait sauver mon âme et me permettre d’avoir une nouvelle vie », révèle-t-il.
À l’époque où il écrit cette lettre, l’homme est dans un état psychologique et physique très dégradé. Il se souvient que le simple fait de coucher cette demande sur papier l’encourage déjà à avancer vers sa reconstruction. Mais le salut arrive véritablement 4 mois avant le Vendredi Saint, quand il reçoit un appel du curé de Sartène. « À cette période, et ce jour-là en particulier j’étais au plus bas. Je n’étais pas loin d’une hospitalisation en urgence. J’ai pris ce coup de téléphone comme un acte divin, comme une délivrance. Cela a renforcé ma foi et m’a permis de commencer à me relever », assure-t-il.
Convoqué par le curé, il est bientôt reçu au presbytère en toute discrétion. « Nous avons alors eu un échange verbal qui a duré presque 3 heures. Le début du protocole commence réellement ici pour le pénitent. À partir de là, il y a un cheminement mystique qui se fait, en accord avec le curé, un peu comme quand on prépare un baptême adulte. On ne fait pas le Catenacciu sans faire une analyse de soi, ni sans connaitre certaines choses. Il va y avoir un travail pendant 4 mois avec le curé, à l’occasion de rendez-vous toujours très discrets », indique-t-il.
Sartenais pure souche, notre interlocuteur n’a jamais raté un Catenacciu d’aussi loin qu’il s’en souvienne. Pourtant, il dit n’avoir jamais imaginé un instant qu’il pourrait être à son tour ce pénitent rouge, symbole de foi et de douleur, qu’il a tant de fois accompagné du regard dans son chemin de croix. Mais les méandres de la vie l’ont conduit à entamer la démarche. « Pour faire le Catenacciu, il faut d’abord être très motivé. Puis, il faut écrire au curé de Sartène », pose-t-il. Le prêtre seul désigne en effet celui sera le porte-croix et garde son identité secrète. « Il faut que la lettre le touche. Car des lettres de demandes, le curé de Sartène en reçoit plus d’une vingtaine chaque année », abonde le pénitent. La liste d’attente de ceux qui ont exprimé leur souhait de faire pénitence est d’ailleurs très longue, certaines demandes datant d’il y a plusieurs décennies.
« Pour moi, le Catenacciu était la seule chose qui pouvait sauver mon âme »
Le Sartenais n’a pas eu à attendre si longtemps. « J’ai fait ma demande dans l’année qui a précédé mon Catenacciu en me disant que c’était un coup dans l’eau, que je ne serai jamais retenu », raconte-t-il en confiant : « Dans mon courrier, j’expliquais avant tout au curé que j’ai participé à la vie de l’Église depuis mon plus jeune âge et que je me suis toujours dit que je n’aurais aucune raison faire le Catenacciu. Mais il y a quelques années, j’ai eu des moments très très bas et j’ai péché. Je n’arrivais pas à trouver un moyen de confesser et d'effacer ces péchés. Mais quand on est vient de Sartène, la première idée qui vient à l’esprit c’est de faire le pénitent. Pour moi c’était la seule chose qui pouvait sauver mon âme et me permettre d’avoir une nouvelle vie », révèle-t-il.
À l’époque où il écrit cette lettre, l’homme est dans un état psychologique et physique très dégradé. Il se souvient que le simple fait de coucher cette demande sur papier l’encourage déjà à avancer vers sa reconstruction. Mais le salut arrive véritablement 4 mois avant le Vendredi Saint, quand il reçoit un appel du curé de Sartène. « À cette période, et ce jour-là en particulier j’étais au plus bas. Je n’étais pas loin d’une hospitalisation en urgence. J’ai pris ce coup de téléphone comme un acte divin, comme une délivrance. Cela a renforcé ma foi et m’a permis de commencer à me relever », assure-t-il.
Convoqué par le curé, il est bientôt reçu au presbytère en toute discrétion. « Nous avons alors eu un échange verbal qui a duré presque 3 heures. Le début du protocole commence réellement ici pour le pénitent. À partir de là, il y a un cheminement mystique qui se fait, en accord avec le curé, un peu comme quand on prépare un baptême adulte. On ne fait pas le Catenacciu sans faire une analyse de soi, ni sans connaitre certaines choses. Il va y avoir un travail pendant 4 mois avec le curé, à l’occasion de rendez-vous toujours très discrets », indique-t-il.
« J’ai eu l’impression de renaître une deuxième fois »
Puis, comme le veut la tradition, le mardi de la Semaine Sainte, l'homme entre au couvent Saint-Damien de Sartène, pour une retraite de quatre jours. « C’est ce que j’ai trouvé le plus important dans toute la démarche », affirme-t-il. Placé à l’isolement dans une cellule, il ne rencontre personne durant cette période dédiée à l’introspection. « Je suis reclu avec de quoi lire. Ma cellule est située dans un étage fermé dont je ne peux pas sortir. La seule chose que j’ai le droit de faire c’est d’ouvrir ma porte pour faire ma toilette dans une salle de bains attenante. Pour me déplacer j’ai une clochette qui me permet de signaler ma présence pour que les sœurs s’effacent si elles se trouvent à proximité. Sinon, j’ai uniquement le droit d’ouvrir ma porte après que l’une des sœurs soit venue me déposer le repas du soir et se soit éloignée », se remémore-t-il, « On pourrait imaginer que cette retraite est une période longue, mais pas du tout, cela passe très vite. Cela permet vraiment de se remettre en question, de faire le vide, de réfléchir à son parcours en reprenant sa vie du début. Quand on est tout seul, on arrive à remonter à des faits qui passeraient inaperçus ».
Après avoir effectué ce travail de réflexion, le vendredi dans l’après-midi il s’attend à recevoir la visite du curé de Sartène pour la confession. Mais il apprend quelques heures avant que c’est en réalité un curé belge qui s’acquittera de cette mission. « Même si j’avais une confiance totale en le curé de Sartène, quelque part cela me gênait de lui confesser tous mes péchés. Cela m’a rassuré que ce soit quelqu’un que je ne reverrai plus qui recueille ma confession. Nous avons longuement discuté et il m’a absous de mes péchés. C’est déjà une grosse partie du processus de pénitence qui est faite à ce moment-là. Je me sens immédiatement libéré d’un poids, je me sens vidé., et j'ai l’impression de renaître une deuxième fois. Je sens que je vais pouvoir commencer une nouvelle vie, que je ne vais plus m’incriminer et me culpabiliser vis-à-vis des raisons pour lesquelles j’ai demandé à faire pénitence », s’émeut-il.
La prière comme force
À la fin de la confession du pénitent, il est 18 heurs. L’heure de la procession approche. Le curé de Sartène vient alors lui déposer une valise dans laquelle l’homme trouve la tunique rouge, la cagoule et le cordon. « On l’appelle l’habit de lumière », explique-t-il, « C’est une tenue qui se passe de pénitent en pénitent. Et l’enfiler a une symbolique encore plus forte pour moi, car mon arrière-grand-père avait lui aussi été un pénitent ». Une heure plus tard, on vient le chercher pour le conduire à l’église Sainte-Marie. « Je commence à avoir une énorme pression car on traverse la ville et je vois il y a énormément de monde partout », livre-t-il. Mais plus que cette foule massée autour de la place Porta dans l’unique objectif d’assister à la procession dont il sera l’élément central, l’homme commence également à paniquer car respirer dans cette cagoule seulement percée d’étroites fentes à la place des yeux s’avère très compliqué.
Quand il arrive dans la nef de l’église, il voit cette croix qu’il connait bien déjà placée sur l’autel. Il est alors agenouillé à ses côtés et à l'aune du stress qui continue de monter, il sent déjà que les prochaines heures ne seront pas faciles. « La position dans laquelle je suis est très inconfortable et je sais qu’il va falloir que je reste sans bouger jusqu’au départ de la procession prévue 2h30 plus tard. De plus, je suis en surpoids, j’ai déjà mal au dos et aux jambes et je commence à me demander comment je vais pouvoir ensuite faire la procession. À partir de ce moment-là je rentre en prière pour me donner la force de faire pénitence. Cela m’aide énormément. Je récite chapelet sur chapelet dans ma tête et j’arrive à tenir grâce à cela », se rappelle-t-il.« Jusqu’au moment où j’entends le bruit des chaines que l’on décroche au fond de l’église ». Ce bruit qu’il a invariablement entendu chaque Vendredi Saint dans les ruelles de Sartène lui donne des frissons. « On m’attache ces chaines vers 21h. Une demi-heure plus tard, c’est le départ de la procession. On me relève, on me fait avancer au milieu de la nef, et on me pose la croix sur le dos ». Aujourd’hui encore il revit cette scène avec précision. Ressent à nouveau dans sa chair les quelques 33 kg de cette croix, beaucoup plus lourds à porter qu’il ne pensait. « Elle me cisaille l’épaule. J’essaye de trouver la meilleure position possible. On m’aide à la changer d’épaule pour la mettre sur ma droite. Et comme je ne suis pas très grand, je m’aperçois que lorsque je la soulève elle continue à toucher par terre. Je me dis que cela va être d’autant plus difficile », souffle-t-il.
Puis vint le premier pas. Et ces chaines attachées à sa cheville pèsent aussi bien plus lourds qu’il ne l’imaginait. « Je suis déséquilibré à la première marche et je me rends compte que j’ai déjà des difficultés à traverser l’église avec la croix et les chaines. Mais je vis cela comme un rêve, je me demande si je suis réellement là, si je ne suis pas dans un coma quelque part en train de tout imaginer. J’ai du mal à faire la part des choses sur la véracité de ce que je suis en train de vivre ». Une sensation troublante qui lui permet malgré tout d’avancer et d’arriver aux portes de l’église qui s’ouvrent devant lui. « C’est le moment le plus intense. Sur la place, les chants commencent. J’entends monter le Perdono mio Dio que je connais par cœur. C'est très émouvant. Mais je suis dans un autre monde, dans une espèce de bulle. Je ne vois rien, j’entends juste les chants et je me laisse guider ».
Puis, comme le veut la tradition, le mardi de la Semaine Sainte, l'homme entre au couvent Saint-Damien de Sartène, pour une retraite de quatre jours. « C’est ce que j’ai trouvé le plus important dans toute la démarche », affirme-t-il. Placé à l’isolement dans une cellule, il ne rencontre personne durant cette période dédiée à l’introspection. « Je suis reclu avec de quoi lire. Ma cellule est située dans un étage fermé dont je ne peux pas sortir. La seule chose que j’ai le droit de faire c’est d’ouvrir ma porte pour faire ma toilette dans une salle de bains attenante. Pour me déplacer j’ai une clochette qui me permet de signaler ma présence pour que les sœurs s’effacent si elles se trouvent à proximité. Sinon, j’ai uniquement le droit d’ouvrir ma porte après que l’une des sœurs soit venue me déposer le repas du soir et se soit éloignée », se remémore-t-il, « On pourrait imaginer que cette retraite est une période longue, mais pas du tout, cela passe très vite. Cela permet vraiment de se remettre en question, de faire le vide, de réfléchir à son parcours en reprenant sa vie du début. Quand on est tout seul, on arrive à remonter à des faits qui passeraient inaperçus ».
Après avoir effectué ce travail de réflexion, le vendredi dans l’après-midi il s’attend à recevoir la visite du curé de Sartène pour la confession. Mais il apprend quelques heures avant que c’est en réalité un curé belge qui s’acquittera de cette mission. « Même si j’avais une confiance totale en le curé de Sartène, quelque part cela me gênait de lui confesser tous mes péchés. Cela m’a rassuré que ce soit quelqu’un que je ne reverrai plus qui recueille ma confession. Nous avons longuement discuté et il m’a absous de mes péchés. C’est déjà une grosse partie du processus de pénitence qui est faite à ce moment-là. Je me sens immédiatement libéré d’un poids, je me sens vidé., et j'ai l’impression de renaître une deuxième fois. Je sens que je vais pouvoir commencer une nouvelle vie, que je ne vais plus m’incriminer et me culpabiliser vis-à-vis des raisons pour lesquelles j’ai demandé à faire pénitence », s’émeut-il.
La prière comme force
À la fin de la confession du pénitent, il est 18 heurs. L’heure de la procession approche. Le curé de Sartène vient alors lui déposer une valise dans laquelle l’homme trouve la tunique rouge, la cagoule et le cordon. « On l’appelle l’habit de lumière », explique-t-il, « C’est une tenue qui se passe de pénitent en pénitent. Et l’enfiler a une symbolique encore plus forte pour moi, car mon arrière-grand-père avait lui aussi été un pénitent ». Une heure plus tard, on vient le chercher pour le conduire à l’église Sainte-Marie. « Je commence à avoir une énorme pression car on traverse la ville et je vois il y a énormément de monde partout », livre-t-il. Mais plus que cette foule massée autour de la place Porta dans l’unique objectif d’assister à la procession dont il sera l’élément central, l’homme commence également à paniquer car respirer dans cette cagoule seulement percée d’étroites fentes à la place des yeux s’avère très compliqué.
Quand il arrive dans la nef de l’église, il voit cette croix qu’il connait bien déjà placée sur l’autel. Il est alors agenouillé à ses côtés et à l'aune du stress qui continue de monter, il sent déjà que les prochaines heures ne seront pas faciles. « La position dans laquelle je suis est très inconfortable et je sais qu’il va falloir que je reste sans bouger jusqu’au départ de la procession prévue 2h30 plus tard. De plus, je suis en surpoids, j’ai déjà mal au dos et aux jambes et je commence à me demander comment je vais pouvoir ensuite faire la procession. À partir de ce moment-là je rentre en prière pour me donner la force de faire pénitence. Cela m’aide énormément. Je récite chapelet sur chapelet dans ma tête et j’arrive à tenir grâce à cela », se rappelle-t-il.« Jusqu’au moment où j’entends le bruit des chaines que l’on décroche au fond de l’église ». Ce bruit qu’il a invariablement entendu chaque Vendredi Saint dans les ruelles de Sartène lui donne des frissons. « On m’attache ces chaines vers 21h. Une demi-heure plus tard, c’est le départ de la procession. On me relève, on me fait avancer au milieu de la nef, et on me pose la croix sur le dos ». Aujourd’hui encore il revit cette scène avec précision. Ressent à nouveau dans sa chair les quelques 33 kg de cette croix, beaucoup plus lourds à porter qu’il ne pensait. « Elle me cisaille l’épaule. J’essaye de trouver la meilleure position possible. On m’aide à la changer d’épaule pour la mettre sur ma droite. Et comme je ne suis pas très grand, je m’aperçois que lorsque je la soulève elle continue à toucher par terre. Je me dis que cela va être d’autant plus difficile », souffle-t-il.
Puis vint le premier pas. Et ces chaines attachées à sa cheville pèsent aussi bien plus lourds qu’il ne l’imaginait. « Je suis déséquilibré à la première marche et je me rends compte que j’ai déjà des difficultés à traverser l’église avec la croix et les chaines. Mais je vis cela comme un rêve, je me demande si je suis réellement là, si je ne suis pas dans un coma quelque part en train de tout imaginer. J’ai du mal à faire la part des choses sur la véracité de ce que je suis en train de vivre ». Une sensation troublante qui lui permet malgré tout d’avancer et d’arriver aux portes de l’église qui s’ouvrent devant lui. « C’est le moment le plus intense. Sur la place, les chants commencent. J’entends monter le Perdono mio Dio que je connais par cœur. C'est très émouvant. Mais je suis dans un autre monde, dans une espèce de bulle. Je ne vois rien, j’entends juste les chants et je me laisse guider ».
« Je suis tombé quand je n’en pouvais plus »
Au bout de 50 mètres, l’homme qui n’est pas vraiment en forme physiquement est cependant gagné par le doute et se demande s’il parviendra à terminer la procession sans s’effondrer avant. Et les passages très difficiles dans les ruelles escarpées du village n’arrangent pas les choses. « Je commence à être très essoufflé, la cagoule se colle à ma bouche. Mais je continue de prier. Je pense aux gens que j’aime, qui me donnent la force d’avancer. Je pense à tous les gens que j’ai aimé et qui ne sont plus sur cette terre. Je pense aux péchés que j’ai commis, au fait que j’ai été absous et que s’ouvre pour moi un renouveau. Tout cela m’aide à avancer péniblement ».
S’il connait le parcours du Catenacciu par cœur, y compris les endroits exacts où doivent se faire les trois chutes programmées pour revivre celles expérimentées par le Christ lors de sa montée vers le Golgotha, il est rattrapé par ses propres faiblesses. « Je suis tombé quand je n’en pouvais plus, quand le poids de la croix me pesait trop. Personne ne s’attendait à me voir tomber à cet endroit, quelques dizaines de mètres avant là où j’aurais dû le faire. Mais le Christ n’a pas choisi où il est tombé ». La chute est violente. Mais l’homélie du curé qui l’accompagne lorsqu’il est à terre est salvatrice. « On reste allongé quelques minutes et cela fait du bien. Cela permet réellement de se reposer et de pouvoir repartir ».
Le répit est toutefois de courte durée. La vieille ville de Sartène et ses nombreux escaliers pentus mettant en effet l’endurance du porte-croix à rude épreuve. « Je n’avais plus de souffle. Le pénitent blanc qui représente Simon de Cyrène m’aide alors le mieux qu’il le peut et j’arrive jusqu’au centre de la place Porta pour la deuxième chute. C’est très émouvant car cette chute a lieu devant l’église Sainte-Marie qui m’a vu naitre et qui me verra partir de ce monde. À ce moment, je fais un retour sur toute ma vie, sur tout ce que j’ai fait de bien ou de mal. Cela me permet de reprendre des forces. Quelques secondes avant, je pensais que je n’allais pas parvenir à terminer la procession, que j’allais faire un malaise et que le pénitent blanc devrait finir à ma place. Mais quand je me relève, je sais que je vais terminer la procession », se souvient-il avec beaucoup d’émotion. « Le moment le plus difficile de la procession a cependant eu lieu dans la chapelle Saint-Sébastien qui était bondée et où il faisait très chaud car énormément de bougies étaient allumées. J’ai commencé à m’étouffer dans la cagoule. Je n’arrivais plus à reprendre ma respiration. Un confrère a vu ma détresse, compris ce qui était en train de se passer, décollé la cagoule de ma bouche et l’a humidifié. Cela m'a permis de respirer à nouveau ».
Au bout de 50 mètres, l’homme qui n’est pas vraiment en forme physiquement est cependant gagné par le doute et se demande s’il parviendra à terminer la procession sans s’effondrer avant. Et les passages très difficiles dans les ruelles escarpées du village n’arrangent pas les choses. « Je commence à être très essoufflé, la cagoule se colle à ma bouche. Mais je continue de prier. Je pense aux gens que j’aime, qui me donnent la force d’avancer. Je pense à tous les gens que j’ai aimé et qui ne sont plus sur cette terre. Je pense aux péchés que j’ai commis, au fait que j’ai été absous et que s’ouvre pour moi un renouveau. Tout cela m’aide à avancer péniblement ».
S’il connait le parcours du Catenacciu par cœur, y compris les endroits exacts où doivent se faire les trois chutes programmées pour revivre celles expérimentées par le Christ lors de sa montée vers le Golgotha, il est rattrapé par ses propres faiblesses. « Je suis tombé quand je n’en pouvais plus, quand le poids de la croix me pesait trop. Personne ne s’attendait à me voir tomber à cet endroit, quelques dizaines de mètres avant là où j’aurais dû le faire. Mais le Christ n’a pas choisi où il est tombé ». La chute est violente. Mais l’homélie du curé qui l’accompagne lorsqu’il est à terre est salvatrice. « On reste allongé quelques minutes et cela fait du bien. Cela permet réellement de se reposer et de pouvoir repartir ».
Le répit est toutefois de courte durée. La vieille ville de Sartène et ses nombreux escaliers pentus mettant en effet l’endurance du porte-croix à rude épreuve. « Je n’avais plus de souffle. Le pénitent blanc qui représente Simon de Cyrène m’aide alors le mieux qu’il le peut et j’arrive jusqu’au centre de la place Porta pour la deuxième chute. C’est très émouvant car cette chute a lieu devant l’église Sainte-Marie qui m’a vu naitre et qui me verra partir de ce monde. À ce moment, je fais un retour sur toute ma vie, sur tout ce que j’ai fait de bien ou de mal. Cela me permet de reprendre des forces. Quelques secondes avant, je pensais que je n’allais pas parvenir à terminer la procession, que j’allais faire un malaise et que le pénitent blanc devrait finir à ma place. Mais quand je me relève, je sais que je vais terminer la procession », se souvient-il avec beaucoup d’émotion. « Le moment le plus difficile de la procession a cependant eu lieu dans la chapelle Saint-Sébastien qui était bondée et où il faisait très chaud car énormément de bougies étaient allumées. J’ai commencé à m’étouffer dans la cagoule. Je n’arrivais plus à reprendre ma respiration. Un confrère a vu ma détresse, compris ce qui était en train de se passer, décollé la cagoule de ma bouche et l’a humidifié. Cela m'a permis de respirer à nouveau ».
« Quoi que j’ai fait, j’ai été absous »
Le moment le plus émouvant pour le pénitent, lui, aura lieu à la fin de la procession, lorsqu’il sera agenouillé sur le parvis de l’église. « Physiquement, je commence alors à ne plus sentir mes jambes ni mes pieds, à ne plus pouvoir tourner la tête tellement tout mon corps est douloureux. Mais cette position me permet d’écouter l’homélie, de voir la place en totalité. C’est très émouvant et cela me fait pleurer. Face à moi je vois toute la foule, je vois des gens que j’affectionne, je vois ma famille, ma mère. Cela me fait chaud au cœur, même s’ils ne savent pas que je suis face à eux. Ma femme est là aussi. Je la vois pleurer. Elle était la seule personne au courant que c’était moi sous la cagoule », avoue-t-il. Mais avant de pouvoir enfin la retrouver, il doit encore retourner au sein de l’église Sainte-Marie et s’agenouiller sur l’autel pendant à nouveau près de 2 heures. « Le temps que les personnes venues voir la procession passent mettre la main sur la croix. Certains sur mon épaule. Là aussi, je continue de prier et d’avoir une réflexion sur ma vie ». Vers 1h du matin, enfin les portes de l’église se ferment. « Le curé revient me chercher, me relève. Je ne sens plus mes jambes. Dans le presbytère, les confrères font une haie d’honneur jusqu’à la voiture qui va me ramener au couvent où j’attends que ma femme vienne me chercher vers 2h ». Les retrouvailles seront très émouvantes. « C’est la personne que j’aime le plus au monde. Elle a partagé mes peines et mes joies. J’ai aussi fait pénitence pour elle », sourit-il.
Heureux d’avoir pu accomplir sa pénitence comme il le souhaitait, l’homme est persuadé que c’est une « force divine » qui lui a permis de finir la procession. « Depuis mon enfance, je n’ai jamais raté un Catenacciu. J’ai vu des pénitents très en forme qui mettaient 1h30 pour faire la procession. Moi j’ai fait partie des pénitents qui ont fait ça en plus de deux heures. Mais je trouve justement qu’il vaut mieux souffrir de la situation que faire cela comme un défi sportif », estime-t-il en insistant sur la satisfaction permanente qui continue de l’habiter depuis son Catenacciu. « Toute ma vie cela me suivra. C'est quelque chose d’extraordinaire, j’en arrive même certaines fois à ne pas y croire, à me dire que cela ne s’est pas passé. Cette expérience m’accompagne au quotidien. Il n’y a pas une journée sans que je pense à la pénitence que j’ai faite. Au fait que j’ai été le Catenacciu », avoue-t-il en assurant : « Je m’en souviendrai jusqu’à mon dernier souffle ».
Très peu de personnes savent aujourd’hui que c’était lui cette année-là sous la cagoule du Catenacciu. Seuls certains membres de sa famille ont fini par entrer dans la confidence, des mois après la procession. « Ma mère a énormément pleuré quand je lui ai confié avoir été le pénitent. Elle m’a demandé : mais pourquoi tu l’as fait ? Je lui ai dit que mes péchés ne regardent que moi. Elle s’est un peu inquiétée, mais elle n’a pas insisté et ne m’a plus jamais posé la question. Après tout, quoi que j’aie fait, j’ai été absous », glisse le pénitent.
Le moment le plus émouvant pour le pénitent, lui, aura lieu à la fin de la procession, lorsqu’il sera agenouillé sur le parvis de l’église. « Physiquement, je commence alors à ne plus sentir mes jambes ni mes pieds, à ne plus pouvoir tourner la tête tellement tout mon corps est douloureux. Mais cette position me permet d’écouter l’homélie, de voir la place en totalité. C’est très émouvant et cela me fait pleurer. Face à moi je vois toute la foule, je vois des gens que j’affectionne, je vois ma famille, ma mère. Cela me fait chaud au cœur, même s’ils ne savent pas que je suis face à eux. Ma femme est là aussi. Je la vois pleurer. Elle était la seule personne au courant que c’était moi sous la cagoule », avoue-t-il. Mais avant de pouvoir enfin la retrouver, il doit encore retourner au sein de l’église Sainte-Marie et s’agenouiller sur l’autel pendant à nouveau près de 2 heures. « Le temps que les personnes venues voir la procession passent mettre la main sur la croix. Certains sur mon épaule. Là aussi, je continue de prier et d’avoir une réflexion sur ma vie ». Vers 1h du matin, enfin les portes de l’église se ferment. « Le curé revient me chercher, me relève. Je ne sens plus mes jambes. Dans le presbytère, les confrères font une haie d’honneur jusqu’à la voiture qui va me ramener au couvent où j’attends que ma femme vienne me chercher vers 2h ». Les retrouvailles seront très émouvantes. « C’est la personne que j’aime le plus au monde. Elle a partagé mes peines et mes joies. J’ai aussi fait pénitence pour elle », sourit-il.
Heureux d’avoir pu accomplir sa pénitence comme il le souhaitait, l’homme est persuadé que c’est une « force divine » qui lui a permis de finir la procession. « Depuis mon enfance, je n’ai jamais raté un Catenacciu. J’ai vu des pénitents très en forme qui mettaient 1h30 pour faire la procession. Moi j’ai fait partie des pénitents qui ont fait ça en plus de deux heures. Mais je trouve justement qu’il vaut mieux souffrir de la situation que faire cela comme un défi sportif », estime-t-il en insistant sur la satisfaction permanente qui continue de l’habiter depuis son Catenacciu. « Toute ma vie cela me suivra. C'est quelque chose d’extraordinaire, j’en arrive même certaines fois à ne pas y croire, à me dire que cela ne s’est pas passé. Cette expérience m’accompagne au quotidien. Il n’y a pas une journée sans que je pense à la pénitence que j’ai faite. Au fait que j’ai été le Catenacciu », avoue-t-il en assurant : « Je m’en souviendrai jusqu’à mon dernier souffle ».
Très peu de personnes savent aujourd’hui que c’était lui cette année-là sous la cagoule du Catenacciu. Seuls certains membres de sa famille ont fini par entrer dans la confidence, des mois après la procession. « Ma mère a énormément pleuré quand je lui ai confié avoir été le pénitent. Elle m’a demandé : mais pourquoi tu l’as fait ? Je lui ai dit que mes péchés ne regardent que moi. Elle s’est un peu inquiétée, mais elle n’a pas insisté et ne m’a plus jamais posé la question. Après tout, quoi que j’aie fait, j’ai été absous », glisse le pénitent.