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Lancement d’A Strada Paolina : Un itinéraire culturel et historique sur les traces de Pasquale Paoli


Nicole Mari le Mercredi 31 Mai 2023 à 23:05

A Strada Paolina, l’itinéraire culturel, historique, pédagogique et touristique sur les traces de Pasquale Paoli, a été lancé mercredi 31 mai, au Couvent d’Orezza, par le président de l’Exécutif en présence des élus de la Castagniccia et du Centre Corse. Ce projet de développement de l’intérieur et de valorisation patrimoniale, déployé par la Collectivité de Corse, entend mettre en valeur les lieux de mémoire des révolutions corses du 18ème siècle. Un premier parcours reliant 13 lieux sera opérationnel fin juillet entre la Castagniccia, l’Alisgiani et le Rustinu. Le parcours finalisé intègrera le Boziu, le Cortenais, la Caccia et le Niolu en 2025, date du tricentenaire de la naissance d’u Babbu di a Patria.



Le couvent d'Orezza, haut lieu d'A Strada Paolina. Photo CNI.
Le couvent d'Orezza, haut lieu d'A Strada Paolina. Photo CNI.
C’est sous une pluie battante devant le Couvent d’Orezza à Piedicroce, où une cunsulta proclama, le 30 janvier 1735, l'indépendance de la Corse, que le Président du Conseil exécutif, Gilles Simeoni, a symboliquement, mercredi matin, porté sur les fonds baptismaux A Strada Paolina, l’itinéraire culturel, historique, pédagogique et touristique déployé par la Collectivité de Corse sur les traces d’u Babbu di a Patria, Pasquale Paoli. Un projet emblématique à plus d’un titre pour l’Exécutif nationaliste et si attendu par les territoires de l’intérieur que pas même le violent orage, qui a obligé l’assistance à se replier dans la salle du Sivom à Piedicroce, n’a pu entamer la satisfaction générale. « C’est un moment important. Je suis fier et heureux d’être là avec vous. Ce projet fédérateur, dont la première pierre se concrétise aujourd’hui et qui a vocation à s’amplifier, concentre l’essentiel de ce que nous voulons faire pour la Corse d’aujourd’hui et de demain », se réjouit Gilles Simeoni. Autour de lui et de son Conseil exécutif, la présidente de l’Assemblée de Corse, Nanette Maupertuis, le député et président du Comité de massif, Jean-Félix Acquaviva, des élus territoriaux, le président de l’université et le maire de Corti, les maires de Castagniccia et les élus des trois communautés de communes concernées partagent le même espoir. Basé sur la valorisation culturelle et patrimoniale de l’histoire de la Corse du XVIIIème siècle, ce projet, conçu et muri depuis 2016, est au cœur de la stratégie de lutte contre la désertification de l’intérieur et de la montagne. Il obéit à un triple enjeu : mémoriel, politique et économique.  

Les élus territoriaux et locaux. Photo CNI.
Les élus territoriaux et locaux. Photo CNI.
Un enjeu de mémoire
Le premier enjeu est donc mémoriel. « A Strada Paolina est une route qui traverse les siècles. Elle décline plusieurs dimensions mémorielles, culturelles et patrimoniales », commente le président de l’Exécutif. « Il s’agit de se réapproprier des pans entiers de notre histoire collective avec la figure tutélaire de Pasquale Paoli, figure d’une modernité extraordinaire et d’une universalité incontestable. Il n’est pas seulement u babbu di a Patria, mais aussi un visionnaire. Tout ce qu’il a pensé et fait continue d’éclairer, y compris les débats les plus brûlants d’aujourd’hui en termes de démocratie et de séparation des pouvoirs, de liberté religieuse, de constitution écrite, d’égalité entre les femmes et les hommes. Cet héritage parle à la société corse d’aujourd’hui ». Et ce n’est pas sans arrière-pensée politique bien actuelle que Gilles Simeoni évoque la symbolique du couvent d’Orezza : « Dans ses murs, les pères fondateurs de la nation Corse avant Pasquale Paoli se sont réunis pour théoriser la légitimité de la révolte des Corses contre Gènes. C’était une façon déjà extraordinairement moderne de problématiser les enjeux de la démocratie contre l’absolutisme, d’opposer la légitimité du peuple à celle d’un État oppresseur. Donc imaginer que dans ces murs-là, bientôt réhabilités, il y aura des rires d’enfants, des collégiens, des étudiants, une jeunesse qui va se réapproprier cette histoire-là, c’est déjà extraordinaire ! ». Un enjeu éducatif à l’intention des jeunes générations dont se fait l’écho la présidente de l’Assemblée de Corse : « A Strada Paolina porte, à la fois, une visée patrimoniale avec une volonté de réappropriation de notre passé et une visée historique importante parce qu’aujourd’hui, l’héritage historique de la Corse tend parfois à s’effacer, compte tenu des évolutions sociétales. Il s’agit non seulement de commémorer, mais aussi de célébrer l’œuvre de Pasquale Paoli dans différents hauts lieux interreliés par ce parcours. Ensuite, il y a une visée symbolique puisque cette période des révolutions de Corse met en lumière tout l’apport de Pasquale Paoli d’un point de vue universel ».
 
Un enjeu politique
L’enjeu n’est pas seulement mémoriel et éducatif, il est aussi culturel, politique, civique et global pour Antonia Luciani, la conseillère exécutive en charge de la culture et du patrimoine, de l’éducation et de la formation. « Cette Strada Paolina est le premier pas de la commémoration du tricentenaire de la naissance de Pasquale Paoli, le 6 avril 2025, et constituera un évènement d’envergure. Cette Strada, qui se développera dans les prochains mois, et la stratégie autour de « Pasquale Paoli 2025 » sont à l’image de l’orientation politique patrimoniale et culturelle que nous prônons à la Collectivité de Corse et au Musée de Merusaglia, c’est-à-dire la redynamisation des lieux et des territoires comme celui de la Castagniccia et bientôt du Boziu, du Niolu, du Cortenais. Cet itinéraire patrimonial, historique et culturel autour des lieux de mémoires permettra une connaissance accrue du territoire. L’objectif étant une réappropriation globale du territoire par ses habitants ainsi que la sensibilisation des scolaires à leur histoire, leur culture, leur langue et leur patrimoine ». Cette politique de valorisation culturelle et patrimoniale a pour ambition d’actionner des leviers économiques afin, indique la conseillère exécutive, « de favoriser une économie identitaire, un développement maîtrisé du territoire et un tourisme patrimonial sur le modèle du tourisme durable et responsable. Cet itinéraire pédagogique et touristique permet la mise en valeur d’édifices remarquables avec le triple objectif d’une valorisation touristique, d’une lecture historique et patrimoniale, et d’une dynamisation de l’économie en mettant l’accent sur l’artisanat et les producteurs locaux ».

Panneaux avec QR code.
Panneaux avec QR code.
Un enjeu touristique
L’enjeu est, donc, bien aussi touristique et économique pour des territoires qui participent à cette histoire. « Ces territoires, qui connaissent des difficultés aujourd’hui par rapport à des phénomènes de dévitalisation de l’intérieur, vont pouvoir, à travers cet itinéraire, construire une logique touristique avec un tourisme de qualité, culturel, patrimonial, toute l’année. Et au-delà de l’aspect touristique, une offre économique avec le travail des agriculteurs, des artisans, des menuisiers qui continuent de faire vivre ces régions », explique le président Simeoni. L’attente est immense, reconnaît-il, autour d’un projet co-construit avec les communes et les associations et qui mobilise, à la fois, la Direction du patrimoine de la CdC, la Direction de l’aménagement du territoire et le Comité de massif pour un investissement de plusieurs dizaines de millions d’euros. La Strada Paolina permet d’engager la réhabilitation d’un certain nombre de couvents – Merusaglia, Caccia, Alisgianu et Alandu -, d’églises et de chapelles. « C’est un projet lourd, y compris d’un point de vue budgétaire, mais ça vaut le coup, parce que c’est un projet stratégique qui s’intègre dans notre vision globale de l’aménagement du territoire, dans notre politique volontariste de reconquête de l’Intérieur et de la montagne. A côté d’A Strada Paolina, il y a aussi le soutien à l’accession au logement, aux agriculteurs, au maintien des écoles, à la rénovation des routes, pour faire en sorte que cette Corse de l’intérieur puisse véritablement se projeter avec sérénité dans le 21e siècle », précise Gilles Simeoni.
 
Des fonds européens
A Strada Paolina, comme plusieurs routes et parcours patrimoniaux, bénéficie de fonds européens. « Nous avons beaucoup travaillé à l’époque avec l’ATC et la Direction de la culture pour l’inscrire dans le programme INTERREG », rappelle Nanette Maupertuis. « Aujourd’hui, les fonds européens en matière de tourisme durable et patrimonial sont là pour mettre en valeur des lieux historiques du territoire qui sont encore inexplorés ou inexploités. Ces parcours patrimoniaux constituent une nouvelle offre touristique particulièrement intéressante parce qu’elle dépasse la stricte saison. Il est important que l’Europe s’engage sur ce terrain-là. Nous sommes également engagés dans le nouveau pacte rural européen, puisque les collectivités locales d’Europe se sont mobilisées pour ce nouveau dispositif ». La présidente de l’Assemblée, qui est aussi élue au Comité européen des régions, sera membre de ce dispositif. « Ce pacte rural européen ne traite pas uniquement d’agriculture, mais aussi de développement local rural et de tourisme rural éco-responsable. Très prochainement, une réunion se tiendra sur le sujet. Nous en informerons les acteurs locaux qui souhaitent s’engager dans ce domaine-là ».

Pierre-Jean Campocasso et le logo d’A Strada Paolina. Photo CNI.
Pierre-Jean Campocasso et le logo d’A Strada Paolina. Photo CNI.
Un premier parcours
A Strada Paolina va se dérouler progressivement sur les territoires de Castagniccia, d’Alisgiani et du Rustinu et se finaliser en 2025 sur le Boziu, le Cortenais, la Caccia et le Niolu. Le premier parcours s’ouvrira d’ici à la fin juillet avec 13 étapes balisées à l’aide d’outils modernes en réalité augmentée, notamment une application qui donnera la description des bâtiments et des événements qui s’y sont déroulés, des QR code sur les panneaux signalétiques routiers, un logo formé d’une empreinte et des bornes. Le premier tronçon démarre assez logiquement du pont de Ponte Novu ou de Ponte Leccia, rejoint, dans la Pieve di Rustinu, l’église Santa Maria di Riscamone et la Chapelle à fresques de San Tumasgiu d’époque médiévale, dont la restauration a été achevée en juin 2022, puis l’église paroissiale baroque Saint-Paul et Saint-Pierre de Campile. De là, A Strada continue vers l’église San Ghjuvan Battista de La Porta qui date du XVIIIe siècle. Puis elle se dirige vers Piedicroce et le couvent San Francescu d’Orezza, l’église paroissiale et la Chapelle de confrérie. Elle repart vers le col de Prato et Stoppia Nova, un édifice remarquable qui a été restauré, pour redescendre sur le musée de Merusaglia, puis le couvent dont la restauration va débuter dans les prochaines semaines. « Le projet en partenariat avec la commune est d’en faire un centre immersif du patrimoine pour recevoir les scolaires et le grand public et donner des éléments culturels sur ce territoire », comme l’explique, à CNI, Pierre-Jean Campocasso, directeur du Patrimoine de la Collectivité de Corse :

Pierre-Jean Campocasso : « Le premiers parcours sera mis en place entre mi et fin juillet »

L’objectif est d’ici à 2025 et le tricentenaire de la naissance de Pasquale Paoli d’ouvrir A Strada à d’autres lieux historiques emblématiques, notamment les couvent de Caccia, le couvent d’Alesani en cours de restauration, évidement la ville de Corti avec plusieurs points de grand intérêt, dont u Palazziu nazuinale. « L’idée est aussi, au-delà de nos musées et de nos sites archéologiques, de développer d’autres parcours avec l’ambition d’offrir l’accès au patrimoine au plus grand nombre. Dans les prochaines semaines, nous publierons un guide patrimonial ferroviaire qui permettra, tout le long de la voie ferrée de Corse, sur le tronçon Bastia-Ajaccio et, à partir de Ponte Leccia, sur le tronçon de Balagne, de décrire les principaux monuments que l’on rencontre. Toutes ces descriptions seront précédées d’un historique du chemin de fer et de la grande aventure qu’a représenté la construction du train », annonce Pierre-Jean Campocasso.
 
L’espoir des maires
Des projets que les maires présents saluent avec espoir, enthousiasme et soulagement. « Un projet pour nos villages qui se meurent, c’est quelque chose de bien ! », lance l’un d’eux. « On est sur la bonne voie », approuve le maire de Piedicroce, Pierre-Ange Sency. « Du point de vue de la microrégion, ce projet est doublement intéressant. D’abord, il offre l’opportunité de sauver le couvent. Nous sommes tous attachés au couvent d’Orezza, de par le côté historique et patrimonial, mais aussi sentimental. C’est une bâtisse qui nous a vu grandir. On se pose des questions sur la pérennité du clocher, et je me dis : est-ce que mes enfants verront le clocher ? ». Des travaux assez conséquents sont prévus sur le site qui est, de plus, miné. « Il y a des dépôts de munitions sur site ou aux alentours. Chaque année on fait appel au démineur. On a trouvé des mortiers cette année, des grenades, l'an dernier ». L’idée n’est pas de reconstruire le couvent, mais de le stabiliser et de le consolider : « Cela va déjà nous permettre de sauver la bâtisse et de faire connaître son histoire, ce qu’elle représente au niveau corse, et au-delà, au niveau européen, voire mondial. On va préserver des bas-reliefs, peut-être faire une mise en lumière et réfléchir à comment l’utiliser d’un point de vue touristique ». L’élu reconnaît que développer le tourisme est un enjeu vital. « Piedicroce est le chef-lieu du canton. Nous avons une église baroque extrêmement réputée et le plus vieil orgue de Corse. Ce projet permettra de mettre la commune en valeur, d’attirer les touristes, que ce soit des gens du continent ou des gens d'ici. On ne peut que se féliciter de la perspective d’avoir davantage de passage sur la Pieve ». Il reste cependant prudent : « On va voir comment ça se passe sur les prochaines années. Quand on aura un retour d’expérience suffisant et des chiffres, on pourra modifier certaines choses et avancer ».
 
N.M.
 

Le Conseil exécutif de Corse, les élus territoriaux et locaux. Photo CNI.
Le Conseil exécutif de Corse, les élus territoriaux et locaux. Photo CNI.