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La loi Molac sur les langues régionales censurée : l'ONU demande des explications à la France


C.-V. M le Mardi 5 Juillet 2022 à 09:54

Le Conseil des droits de l'homme de l'ONU, basé à Genève, a sévèrement critiqué la décision du Conseil constitutionnel du 21 mai 2021 préconisant la révision de certaines dispositions de la loi Molac sur les langues régionales. "Nous craignons que l'adoption et l'application de cette décision puissent entraîner des atteintes importantes aux droits humains des minorités linguistiques en France", a-t-il écrit dans une lettre adressée le 31 mai 2022 au gouvernement français.



Archives CNI
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La lettre est signée par Fernand de Varennes, rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités, Alexandra Xanthaki rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels et Koumbou Boly Barry. rapporteuse spécial sur le droit à l'éducation
Ce conseil s'est récemment penché sur les décisions du Conseil constitutionnel qui a censuré deux articles essentiels de cette loi, un article  autorisant l’enseignement dit « immersif » en langue régionale et un second  autorisant l’usage des signes diacritiques des langues régionales dans les actes d’état civil pour permettre la prononciation correcte des noms et prénoms dans ces langues. "Cette décision peut porter atteinte à la dignité, à la liberté, à l’égalité et à la non-discrimination ainsi qu’à l’identité des personnes de langues et de cultures historiques minoritaires de France. Ces langues, recensées au nombre de 75 selon le rapport officiel Cerquiglini en 1999, sont pour la plupart classées par l’UNESCO en danger de disparition "estime le rapporteur du Conseil des droits de l'homme.
 
Le Conseil de l'ONU rappelle que cette décision "concerne non seulement les établissements publics qui dépendent directement de l’État, mais aussi tous les établissements associés à l’État c’est à dire les établissements du réseau Eskolim, Seaska, Bressola, Diwan, Calandreta, ABCM, Scola Corsa, dont le principe même est l’enseignement immersif. Cette décision conduit donc non seulement à interdire l’enseignement en immersion dans les établissements publics de l’État, mais aussi à annuler à terme les contrats d’association avec l’État qui finance les postes d’enseignants et assure l’aide des collectivités locales pour leur fonctionnement."
Le Conseil des droits de l'homme note encore qu'iI y "aurait de plus un traitement différentiel entre l’enseignement dans les langues minoritaires de France (breton, basque, corse, occitan, etc.) et la langue anglaise. Cette dernière serait souvent utilisée comme unique langue d’enseignement ou en format bilingue dans des établissements qui assurent le service public de l'enseignement ou sont associés à celui-ci. Alors que l’enseignement immersif en langues minoritaires de France est interdit, l’enseignement en anglais sous toutes ses formes serait toléré sans difficulté."

Selon ses membres, son application pourrait mettre la France en violation avec ses engagements avec le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention internationale sur les droits de l’enfant, et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Le rapporteur du Conseil des droits de l'homme de l'ONU a donc demandé au gouvernement français de lui fournir des informations sur les mesures à prendre pour garantir l'accès à l'enseignement public dans les langues minoritaires et leur utilisation dans la vie publique et privée.

Rappelons que c'est à la suite de la décision du Conseil constitutionnel, que le Réseau européen pour l'égalité linguistique ELEN avait saisi l'ONU en juillet 2021.
Désormais on connait le point de vue de l'ONU

Gilles Simeoni : la France en retard sur les droits linguistiques

Le président de l’Exécutif corse, Gilles Simeoni, réagit en rappelant que : « La France est très en retard sur les standards européens et internationaux  en matière de respect des droits linguistiques ». Et rappelle que, dans le cadre de Régions de France : « Nous avons travaillé sur l'immersion linguistique publique et associative en concertation avec les régions et territoires concernés et les acteurs de la langue, notamment le Pays Basque, la Bretagne, l’Alsace, le pays catalan. Nous avons également mené une action auprès de l'ARF qui a validé dans son livre blanc le projet de modification de l'article de la Constitution »

Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques

Que dit l’article 4.3 de cette déclaration ?
Le Conseil ne manque pas de me rappeler
"Les États devraient prendre des mesures appropriées pour que, dans la mesure du possible, les personnes appartenant à des minorités aient la possibilité d'apprendre leur langue maternelle ou de recevoir une instruction dans leur langue maternelle. »

Enfin, le Guide du Rapporteur spécial des Nations Unies sur les questions relatives aux minorités intitulé « Droits linguistiques des minorités linguistiques » précise "que la mise en œuvre de ces droits humains fait en sorte que lorsque « la demande est suffisamment élevée au plan numérique, les services de l’enseignement public doivent être dispensés dans une langue minoritaire dans la mesure appropriée, suivant de manière globale une approche proportionnelle. Cette mesure concerne tous les niveaux de l’enseignement public, de la maternelle à l’université. Si la demande, la concentration de locuteurs ou d’autres facteurs en empêchent la faisabilité, les autorités gouvernementales devront dans la mesure du possible s’assurer que l’enseignement d’une langue minoritaire soit disponible. De plus, tous les enfants doivent avoir une opportunité d’apprendre la/les langue(s) officielle(s) ».

Pour le PNC " l’Etat n’a toujours pas répondu à la demande d’évolution statutaire de la langue corse"

U Partitu di a Nazione Corsa salue la mise au point de l’ONU à l’endroit de la France sur la question des langues minoritaires. Si le statut particulier de l’île, de par son article 7, a permis le développement de son enseignement depuis plus de 40 ans, force est de constater le refus systématique d’aller plus loin. 

Pour l’heure, l’Etat n’a toujours pas répondu à la demande d’évolution statutaire, indispensable à la pérennisation de l’usage de la langue corse sur sa terre. 

Pour notre Parti, ce point de blocage constitue pourtant l’une des revendications fondamentales de la discussion qui va s’engager dans les prochains jours avec le gouvernement.

Aujourd’hui, nous notons avec satisfaction que le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies (ONU) s’inquiète pour les droits des minorités linguistiques en France. Cela fait suite à la décision incompréhensible du Conseil constitutionnel du 21 mai 202, de censurer plusieurs dispositions de la loi Molac sur l’enseignement immersif. 

Sans avoir à souligner l’importance de l’enseignement immersif dans notre combat de Riacquistu, comment ne pas consacrer la communication de l’ONU, qui signifie à la France que cette décision du CC «peut porter atteinte à la dignité, à la liberté, à l’égalité et à la non-discrimination ainsi qu’à l’identité des personnes de langues et de cultures historiques minoritaires»? 

Pour l’ONU l’Etat, qui est «en contradiction avec ses engagements au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques» doit «mettre en place des mesures adéquates pour garantir l’accès à l’enseignement public dans les langues minoritaires ainsi que leur usage dans la vie publique et privée».
Pour le PNC, cette intervention de l’ONU conforte la démocratie linguistique face au monolinguisme d’Etat. Désormais, c’est un pas vers la reconnaissance qui doit poser le rôle et le statut des langues minoritaires dans le contexte international.

Notre combat pour l’obtention d’un statut d’officialité pour la langue corse est clairement indissociable d’une solution politique globale. 

U Corsu, a lingua di tutti, una lingua per tutti!"