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La Corse en tête du classement français et européen pour la qualité de ses cours d’eau


Nicole Mari le Lundi 15 Septembre 2014 à 22:40

L’agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse a rendu public, lundi, son rapport « Etat des eaux 2014 » qui place la Corse en pôle position française et européenne pour la qualité de ses rivières, de son eau de mer et de ses eaux souterraines. Dans la foulée, le comité de bassin de Corse, présidé par Paul Giacobbi, a adopté le projet de Schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) 2016-2021 qui vise à améliorer et pérenniser le bon état actuel. Un label « Rivière en bon état » sera décerné en 2015. Explications de Martin Guespereau, directeur de l’agence de l’eau, suivies de celles de Paul Giacobbi, président de l’Exécutif territorial, qui dénonce la manœuvre de l’Etat pour s’emparer du budget des agences de l’eau.



Martin Guespereau, directeur de l’agence de l’eau, et Paul Giacobbi, député, président de l’Exécutif territorial et président du comité de bassin de Corse.
Martin Guespereau, directeur de l’agence de l’eau, et Paul Giacobbi, député, président de l’Exécutif territorial et président du comité de bassin de Corse.
- Quel est l’état des eaux corses ?
- Le rapport « Etat des eaux 2014 » donne la qualité des rivières et les compare. La Corse est au sommet des régions de France. Elle a le meilleur état des eaux, même à l’échelle européenne. C’est remarquable ! Elle affiche 82 % de bon état de ses cours d’eau et 100 % de bon état pour les eaux souterraines. Ce taux est de 90 % en mer. Ce très beau tableau cache, évidemment, quelques réalités localement plus difficiles, notamment les lagunes, qui sont une signature très importante de notre territoire et dont l’état oscille de moyen à médiocre.
 
- Pourquoi ?
- Une lagune est fragile et peu profonde. Comme ses eaux sont peu renouvelées, elle chauffe et peut croupir. La problématique est liée à la pression urbaine, aux stations d’épuration qui ne sont pas, encore toutes, en parfait état de fonctionnement, aux pesticides en plaine qui peuvent s'amasser dans la lagune… L’étang de Biguglia, qui cumule tout, est celui qui, aujourd’hui, pose le plus de problèmes. Il a autour de lui une population assez importante, une activité industrielle et artisanale tout aussi importante et une pression de pesticides qui arrivent, soit par les canaux et le cours d’eau, soit directement des petits amonts disposés là.
 
- Quel est le problème au niveau des rivières ?
- Tous les bas cours des cours d’eau principaux, comme le Golo ou la Gravona, ont été déformés. Transformés en une sorte de boite entre leur digue et des seuils, ce ne sont plus de vraies rivières. Les poissons, notamment l’anguille ou la truite macrostigma spécifique à la Corse, ne passent plus. Egalement, les cailloux et le sable qui descendent vers la mer pour engraisser les plages. S’ils sont bloqués, alors, il y a un problème. Aujourd’hui, nous avons identifié, en Corse, 30 seuils à problèmes qui méritent d’être améliorés pour recréer cette continuité, cette circulation.
 
- 18% des rivières en mauvais état, c’est 18% de trop ! Qu’allez-vous mettre en œuvre pour diminuer ce taux ?
- Nous ne voulons pas que ce taux de 18 % augmente ! Il s’agit, donc, de reconquérir ces rivières. L’idée est de trouver des solutions sans gêner l’activité humaine. C’est important ! Sur les bas cours, les lits des rivières ont été trop aménagés. Il s’agit de les renaturer en partie, c’est-à-dire de reconnecter le lit avec sa nappe. Pour cela, il faut casser certains passages, faire des ouvertures dans des digues qui ont été construites trop droites ou trop étroites. Il est, écologiquement, essentiel qu’une rivière ait des crues, qu’elle puisse respirer, nourrir sa nappe phréatique et, avec ses alluvions, le territoire autour, et qu’elle puisse recevoir de l’eau fraîche de cette nappe, l’été, lorsque le cours est au plus bas.
 
- Ce problème n’est-il pas aussi responsable de l’érosion du littoral corse qui devient très inquiétante ?
- Il est vrai que l’érosion du littoral non rocheux préoccupe de plus en plus. En réalité, on a joué avec le feu en faisant, sans en avoir conscience, des aménagements inconséquents ! Des aménagements portuaires avec des quais et des digues qui rompent les courants naturels de la mer et peuvent provoquer des contre-courants qui viennent grignoter les plages, surtout les jours de tempête, et emporter le sable dans les profondeurs de la mer. Egalement, trop de seuils bloquent la descente des cailloux et du sable dans les cours, donc bloquent ce que la nature avait fait pour nourrir ces plages et les ré-engraisser à mesure que les tempêtes les grignotaient.
 
- Que faire pour stopper ce grignotage ?
- Il est possible, aujourd’hui, de ré-ouvrir le passage à ce caillou et à ce sable en supprimant certains seuils qui ne servent à rien, en en aménageant d’autres pour laisser des passes à poissons ou à graviers, tout en gardant la réserve en eau utilisée pour l’eau potable ou pour un barrage hydroélectrique. C’est difficile à faire parce que le problème est un peu général en Méditerranée. Sur la côte continentale, c’est en Langedoc-Roussillon que le phénomène est le plus fort, les solutions n’ont pas, encore, été trouvées.
 
- Quelle est la situation en mer ?
- Il y a quelques endroits où le béton a détruit les petits fonds côtiers qui abritent l’herbier de Posidonie. Toutes ces formations écologiques exceptionnelles de Corse font l’épuration et l’oxygène des eaux, les refuges des poissons… et sont absolument vitales. Des secteurs, comme Canari, Saint-Florent, Santa Manza, la baie d’Ajaccio, le goulet de Bonifacio, sont très dégradés. Les zones les plus dégradées correspondent à des aménagements et à une urbanisation trop forte et à des rejets qui ne sont pas très bien contrôlés. Il s’agit, aujourd’hui, de les protéger et de les restaurer. Le premier effort, clairement à notre portée, est l’assainissement des eaux usées urbaines et industrielles.
 
- Qu’en est-il du contentieux avec l’Europe en la matière ?
- La Commission européenne avait condamné la France qui n’avait pas respecté une directive de 1991 et le délai de mise en conformité des stations d’épuration, notamment en Corse, à Ajaccio et Bastia, mais aussi dans des communes plus petites. Le plus grand contentieux sur les stations d’épuration est classé depuis ce début d’année. Les derniers travaux sont en train de s’effectuer. Sur les stations de taille moindre, allant de 2000 à 15000 habitants, la dernière à être réalisée sera Cervione en 2014-2015. Elle bouclera le contentieux européen pour la France entière !
 
- L’augmentation du tourisme et de la plaisance génère, aussi, des dégradations de plus en plus importantes en mer. Comment les prévenir ?
- Notre effort consiste à travailler sur les usages en mer. Il ne faut pas oublier que lorsqu’un bateau jette son ancre et la remonte en accrochant de l’herbe, cette herbe ne pousse que d’1 cm par an. Les dégâts, occasionnés par les griffures des ancres qui peuvent chasser la nuit ou les jours de tempête, se voient comme des stries au milieu de l’herbier. Il est temps de stopper ce phénomène. Nous proposons des solutions déjà mises en œuvre par les communes et les ports. Il s’agit de remplacer les mouillages forains par des mouillages avec des coffres et des bouées pour que les bateaux ne jettent plus l’ancre dans la mer, mais l’accrochent à ces bouées. C’est la seule façon de sauver l’herbier qui est en profondeur.
 
- Ces actions sont-elles une priorité ?
- Oui ! Nous venons d’adopter le SDAGE qui va tracer, pour les six années à-venir, ces priorités qu’il a listées. De plus, cette année, une nouvelle loi donne la responsabilité des cours d’eau aux intercommunalités. On le sait peu, mais jusqu’ici le propriétaire riverain était responsable du cours d’eau. D’où les manques ! Les communes avaient, déjà, d’elles-mêmes commencé à se substituer aux propriétaires en faisant de l’entretien et quelques aménagements. Dorénavant, il y aura, toujours, un responsable ! C’est un progrès très important dont on récoltera les fruits dans les années qui viennent. 
 
- Vous lancez, également, un nouveau label « Rivière en bon état ». De quoi s’agit-il exactement ?
- Souvent, qui que l’on soit, promeneur, pêcheur, kayakiste, touriste, riverain ou élu, on se demande : dans quel état est ma rivière ? On ne sait pas la replacer par rapport aux autres. L’agence de l’eau, dont la mission est d’évaluer l’état des rivières, collecte, chaque année, dans le Sud-Est de la France, 3 millions de données individuelles. Ce qui fait de l’eau, le milieu le plus surveillé ! On classe tous les cours d’eau en leur donnant une note de très bon état à mauvais état sur cinq couleurs, à l’instar de l’étiquette Energie. Ce résultat est publié sur une Appli Smartphone « Qualité rivière » et une autre Appli « Qualité Méditerranée » qui permettent à chacun d’en prendre connaissance. De très nombreux utilisateurs les ont chargées !
 
- Ce label est-il une nouvelle étape ?
- Oui ! Nous franchissons, aujourd’hui, une nouvelle étape. Avec la CTC (Collectivité territoriale de Corse) et les Conseils généraux, nous proposons aux collectivités gestionnaires des cours d’eau de classer leur cours d’eau en bon état, s’ils le sont effectivement, et de le faire reconnaître à travers un panneau « Rivière en bon état », figurée par trois petits poissons bleus. Ce panneau sera apposé au-dessous du nom du cours d’eau pour que l’on puisse le reconnaître au premier coup d’œil. Quand on va se baigner, on a plus envie d’aller dans une rivière en bon état, où les poissons vivent bien, où la microfaune et la microflore épurent bien les eaux, où celles-ci sont fraiches, transparentes et sans nitrates, que dans le cas contraire !
 
Propos recueillis par Nicole MARI

La Corse en tête du classement français et européen pour la qualité de ses cours d’eau
Paul Giacobbi : « L’Etat voudrait s’emparer de la totalité du budget des agences de l’eau »
 
- Quel est ce projet que vous avez adopté ?
- Nous avons adopté le projet de SDAGE (Schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) qui est notre programme d’action 2016-2021 pour améliorer les eaux. C’est un SDAGE ambitieux et important. Même si nous faisons le constat que nous sommes dans un bon état écologique, nous avons encore beaucoup de choses à faire dans le milieu marin. De ce point de vue-là, ce nouveau SDAGE est un ensemble cohérent de mesures, de dispositions, d’investissements et de travaux pour faire en sorte que les choses aillent, effectivement, mieux.
 
- Etes-vous satisfait de l’état des eaux insulaires ?
- Oui ! Nous avons de la chance en Corse. Nous n’avons pratiquement pas de nappe phréatique atteinte alors qu’ailleurs 50 % des nappes sont dégradées. Nous vivons dans un monde différent. Néanmoins, la qualité écologique compte, pour nous, beaucoup.
 
- Un autre projet a été adopté, celui de la gestion des risques d’inondation. De quoi s’agit-il ?
- C’est un programme général. Nous faisons le point sur tous les risques. L’originalité est que l’on arrive, aujourd’hui, à mieux gérer. On s’éloigne même de la crue centennale pour regarder plus loin. En Corse, le risque est, à la fois, très faible et important avec le régime méditerranéen de crue et quelques zones côtières pouvant présenter un risque de submersion marine. Cela étant, nous ne sommes pas les Pays-Bas et ne sommes pas menacés à tous moments par l’inondation.
 
- Pourquoi avez-vous voté une motion sur la fiscalité ?
- Nous avons voté une motion de protestation contre le fait que le budget de l’Etat voudrait s’emparer progressivement de la totalité du budget des agences de l’eau. Ce budget repose sur le financement de la redevance de l’eau : on fait payer ceux qui polluent et ceux qui consomment de l’eau. Cela alimente un fonds géré par les agences de l’eau ou par les collectivités territoriales qui, de ce fait, vont travailler et investir pour limiter la pollution et améliorer l’état écologique des eaux. Si l’Etat s’empare de ce fonds, les agences de l’eau ne serviront plus à gérer une fiscalité écologique pour l’utiliser dans le sens de l’écologie de l’eau, mais devront se contenter de répartir les quelques crédits que leur laissera l’Etat.
 
- N’auront-elles plus les moyens d’agir ?
- L’Etat va prélever 175 millions € par an et reversera ce qu’il veut bien. Les agences auront des moyens d’agir bien plus réduits et, surtout, une autonomie d’action très faible. Cette motion, qui a été adoptée par le Comité de bassin de Corse, le sera par d’autres comités de bassin sur le continent.
 
Propos recueillis par Nicole MARI