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La Chambre Régionale des Comptes épingle la gestion de la ville de Calvi


La rédaction le Mercredi 1 Juillet 2020 à 14:50

La commune de Calvi serait en quasi-faillite. C'est ce que révèle le rapport avec ses observations définitives pour les exercices 2010 et suivants, rendu public par la Chambre Régionale des comptes de Corse, et qui sera, conformément à la procédure, examiné et débattu lors de la prochaine séance du Conseil municipal, programmée dans la deuxième quinzaine du mois de juillet.




Depuis la fin du mois d'octobre dernier, la Ville de Calvi est en possession du rapport de la Chambre Régionale des Comptes concernant la situation financière de la commune sur les exercices 2010 et suivants. Un rapport détaillé dans lequel il est fait état d'une situation financière difficile et d'un certain nombre d'observations pour y remédier. Ce rapport détaillé est consultable sur Internet.

 

De son côté, la Chambre Régionale des Comptes de Corse publie un communiqué de synthèse


" Avec une population de 5 900 habitants, surclassée en catégorie des villes de 20 000 à 50 000 habitants, et un budget annuel consolidé1 de plus de 9,6 millions d’euros (M€) fin 2018, Calvi connaît une situation financière 2012-2015 qualifiée de quasi-faillite avec une légère amélioration en 2018.
En effet, malgré la progression soutenue des recettes de gestion tirées par les ressources fiscales et les produits d’exploitation, l’augmentation plus rapide des charges de gestion (frais de personnel, achats de marchandises, prestations de services…) entre 2010 et 2014 s’est traduite par un inévitable tarissement des capacités d’épargne de la ville. Calvi a connu quatre années particulièrement tendues entre 2012 et 2015 avec un résultat de clôture et une épargne nette négatifs ou quasi-nuls en 2013 et 2014, période durant laquelle la ville a été incapable d’autofinancer la totalité de ses annuités d’emprunt.

Considérant ces fragilités qui l’ont fortement limitée pour financer ses investissements ainsi que son faible taux de subventionnement, elle n’a eu d’autres choix que d’en réduire la volumétrie à un niveau insuffisant au regard des besoins notamment en matière de voirie, d’éclairage public, d’adduction d’eau potable ou d’assainissement.

Pour pallier ces difficultés récurrentes de trésorerie, ce sont donc les cessions pour 3,09 M€ et le prélèvement sur le fonds de roulement pour 1,2 M€ redevenu négatif en 2018, qui ont permis de boucler leur financement ainsi que le retard de paiement de certains fournisseurs (81 jours en moyenne au lieu des 30 jours imposés par la loi) et des libérations de retenues de garanties à leur
encontre. De plus, les pratiques comptables et budgétaires de la commune donnent une image non fidèle du patrimoine de la collectivité et conduisent à présenter un résultat insincère. Parmi celles-ci, peuvent être cités le financement des budgets eau et assainissement au profit du budget principal mais aussi la défaillance de la comptabilité d’engagement, le non rattachement des charges et des produits, l’absence de provisions pour risques et charges, la mauvaise comptabilisation des amortissements, la minoration des restes à réaliser conduisant la chambre à ajuster le résultat comptable consolidé de clôture de 2018 (1,2 M€) à la baisse (-1,1 M€) pour le stabiliser à 0,1 M€.
Conséquemment, le fonds de roulement (à savoir les réserves) et la situation de trésorerie en seraient également affectés, cette dernière devenant déficitaire à hauteur de -1,23 M€.

La chambre a travaillé, en collaboration avec les services communaux, sur des scénarios prospectifs d’analyse financière. Ces travaux, qui ont été réalisés avant l’urgence sanitaire, n’ont pas pris en compte les conséquences budgétaires et financières de cette crise qui pourraient affecter de manière importante une évolution déjà défavorable. Sans réduction des charges de personnel qui ont vu les emplois budgétaires bondir de plus de 30 % depuis 2011 et des subventions à certains organismes privés plutôt prospères, sans révision de sa politique fiscale plutôt avantageuse en matière d’abattement, sans amélioration de ses ressources d’exploitation, notamment concernant les redevances d’occupation du domaine public fixées a minima, du taux de subventionnement de ses investissements souligné comme faible (26 %) et du financement des équipements publics par divers aménageurs et pétitionnaires, Calvi restera dans
l’incapacité de mener à bien son futur programme d’investisements.

Outre son budget principal, la ville dispose de six budgets annexes (port de commerce, de plaisance, parking municipal, plage, eau et assainissement)
Cette situation est obérée par une gestion défaillante des budgets annexes et des contrats de concession peu favorables à la ville.

- Les budgets annexes relatifs aux parcs de stationnements et du port de plaisance
Pour les régies dédiées aux parcs de stationnement et du port de plaisance, la chambre y relève le non respect des règles budgétaires et comptables applicables en la matière (comme la porosité de la trésorerie avec le budget principal) ainsi que le manque de maîtrise des dépenses liées au personnel
(attribution d’indemnités, doublement des heures supplémentaires entre 2015 et 2017 pour les parkings, astreinte en période hivernale malgré leur fermeture), et la faiblesse des recettes générant des résultats financiers peu favorables malgré le recours à des artifices comptables comme l’absence de refacturation entre les budgets annexes et le budget principal.
La Chambre a relevé des situations de rente pour deux sociétés attributaires des délégations de service public relatives à l’avitaillement et au carénage qui, outre qu’elles sont juridiquement irrégulières, offrent des marges plus que substantielles (entre 16 % et 28 % pour la première et 13 % pour la seconde) qui pèsent à ce jour sur les usagers du port.

- Les budgets annexes relatifs à l’eau et à l’assainissement
Le rapport relève que le prix de l’eau et de l’assainissement est de 60 % supérieur à la moyenne nationale (soit un surcoût annuel de 293 € TTC pour une famille), sans que les conditions d’exploitation et le niveau du service ne le justifient, résultant principalement de la surémunération des contrats de délégation de service public et d’achat d’eau au prix fort auprès de l’OEHC, sans
que le niveau du service rendu ne corresponde au coût tarifé et que le renouvellement futur des ouvrages n’en soit assuré.
La Chambre a appelé l’attention de la ville sur le droit d’exclusivité détenu par le délégataire sur ses branchements et travaux, les prix réduits dont bénéficient les habitants de Lumio et Calenzana sur leur facture d’eau et leurs non-participations au traitement des boues de la station d’épuration de
Calvi allégeant ainsi leur facture d’assainissement.

- Les contrats de concessions d’aménagement
Enfin, la Chambre a étudié les résultats obtenus par les sociétés missionnées par la ville en 2006 et 2012 pour aménager divers terrains communaux afin d’y construire des logements à prix maîtrisés à destination des Calvais.
Après analyse des montages juridiques successifs organisés entre les deux opérateurs (Semexval et SPLM) et des comptes rendus financiers, la chambre relève que ces opérations opaques rendent difficile la connaissance des marges réelles des sociétés, la ville étant peu ou pas représentée (voire absente) dans les organes de décisions.
Conséquence de ces dispositifs, la Chambre prévoit un dérapage du solde de clôture des deux concessions, qui passe d’un excédent prévisionnel de 1,9 M€ à un déficit de 4 M€ selon les chiffres communiqués fin 2018, lequel pourrait être amené à s’accroître à raison du retard de réalisation des autres opérations d’aménagement. Ainsi afin d’équilibrer les comptes, la commune n’aurait d’autre choix que de céder gratuitement 2,8 hectares de terrains et d’accepter la prorogation de la concession ".


Ange Santini annonce que le Conseil Municipal examinera ce rapport lors de sa prochaine session

Interrogé ce jour par téléphone sur la publication de ce rapport, Ange Santini a répondu:

"Nous sommes effectivement en possession de ce rapport mais pour toutes les raisons que vous savez celui-ci n'a pu être présenté et débattu.
Le 25 juin dernier, lors de la première séance du nouveau conseil  municipal renouvelé aux deux tiers, un certain nombre de commissions ont été mises en place. Parmi elles, celle des finances à qui il appartient d'examiner ce rapport avant qu'il soit présenté et débattu en séance du conseil municipal programmée au tout début de la deuxième quinzaine du mois de juillet.
Il ne m'appartient donc pas pour l'heure de commenter ce document mais naturellement s'il y avait nécessité  à m'exprimer sur le fond, je le ferai".