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L'hommage d'un rescapé de la tragédie des Cascitoni


Jean-Paul-Lottier le Jeudi 16 Juin 2016 à 17:24

Ainsi que nous l'avons relaté, le 10 juin dernier à Manso, un poignant hommage a été rendu aux sept victimes emportées par une coulée de boue sur le GR20, dans le cirque de la solitude. au cours de cette cérémonie, une des personnes rescapées, Léopold Vanbellingen a rendu hommage aux victimes mais aussi aux sauveteurs pour leur dévouement et leur courage. Nous avons choisi aujourd'hui de vous livrer le texte de ce témoignage.



Photos François Daumont
Photos François Daumont

"Aujourd’hui, je saisis la chance qui m’a été donnée de pouvoir me tenir ici, de retour en Corse, une année après l’accident sur le GR20, pour adresser quelques mots à cette occasion. Ces quelques mots n’ont bien sûr pas la prétention de représenter l’ensemble des victimes et de leurs proches touchés par cet accident. Pour chacun des destins marqués par la tragédie du Cirque de la Solitude, on compte autant de chemins de vie si différents et singuliers. Français, Belges, jeune retraité, étudiant confirmé, kiné, père, grand-père, fils, petit-fils, compagnon, sœur, …


Ces destins singuliers, les voilà malgré tout réunis, le temps de quelques jours en ce début juin 2015, au fil des sentiers, étapes et refuges de cet extraordinaire GR20. Réunis par le même amour de la nature et de la montagne. Cette montagne, à la fois si majestueuse ici en Corse, entre ciel et mer, et en même temps si forte et imposante, qu’elle en a décidé de ramener à elle la vie de sept de ses passionnés, Maxime, Arthur, Céline, Didier, Jean, Bernard, Thibaut. 
Le hasard qui a fait croiser leurs chemins de vie pour quelques instants le long de ce GR a finalement scellé ceux-ci à jamais.


Compagnons d’un jour ou de toujours, la mémoire de chacun d’eux reste bien vivace en moi, depuis un an déjà. Si j’ai souhaité prendre la parole en ce jour anniversaire, c’est aussi pour saisir l’opportunité qui m’est donnée de remercier du fond du cœur tous ceux et celles qui ici en Corse, m’ont permis, ainsi qu’à Pascal et Benoît, de ressortir finalement indemnes de ce drame, et qui ont œuvré à ce que la détresse de chacun, victime ou proche, puisse être apaisée autant que possible. Le peloton du PGHM, le personnel soignant du Centre hospitalier de Bastia, les autorités de l’île, et tous les autres, croisés avant et après l’accident. J’aimerais conclure avec un court texte de mon ami poète Pierre Warrant, dont les mots sur la montagne et les destins qu’elle façonne résonnent toujours avec justesse, en particulier ici et en ce jour.


Cho La – 5365 m

Quand le souffle était fort

et que nous marchions

près du ciel sans changer

ni l’allure ni la voix

quand les yeux comme des torches

endossaient la lumière

polissant nos rayures

en appui sur l’amour

quand les cœurs se cognaient

aux rires et aux pleurs

restés dans la vallée

de ce qu’on ne pouvait dire

aurions-nous choisi d’être ici

pour prononcer ces mots de peu

qui nous lavaient nous élevaient

surpris que nous étions de n’avoir su

plus tôt ?"