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L'édito de Jacques Renucci : Terrorisme à la carte


Jacques RENUCCI le Mercredi 27 Septembre 2017 à 21:20

Le projet de loi renforçant la sécurité intérieure traite du terrorisme en vrac, sans se soucier des situations ou des causes. Résultat : malgré le plaidoyer des élus insulaires, Corses et islamistes dans le même panier !



L'édito de Jacques Renucci : Terrorisme à la carte
Alors que l’Assemblée nationale examine cette semaine le projet de loi « renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme », qui vise à inscrire dans le droit commun certaines dispositions de l’état d’urgence (législation d’exception créée en 1955, au début de la guerre d’Algérie), les députés nationalistes élus de l'île se sont indignés que l'on ne fasse pas de distinction entre les terroristes islamistes et les activistes politiques corses.
   

Même si leur propos relève du bon sens, ils ont été écoutés comme d'habitude, autant dire pas du tout. Bien sûr, la justice idéale n'existe pas ; elle est un instrument de pouvoir parmi d'autres, surtout lorsqu'elle délègue une partie de ses prérogatives à la police... Pour juger l'île, on s'appuie sur des événements, sur un passé inscrit par ses acteurs dans l'ordre de la nécessité historique. Ce passé, pour avoir été dramatique, est sans commune mesure avec la guerre religieuse déclarée à l'Occident et qui embrase la planète.
   

Quelle que soit la tendance politique au pouvoir à Paris, il semble que rien ne change dès lors qu'il s'agit de la Corse. L'observateur a parfois l'impression d'une incompréhension sans nuance, et voulue comme telle. L'île ne sera jamais dans la norme du traitement égalitaire, malgré ses efforts de rapprochement, disons même de mise en conformité.
 

On a eu beau remplacer la notion de colonisation de peuplement par celle de communauté de destin, mettre les armes et le plastic à la cave, supprimer les sigles LLN ou IFF des murs, faire de l'appellation « Gaulois » presque un compliment, rien n'y a fait : l'insulaire reste sulfureux, avec ce tenace chromosome de la violence qu'un ministre de Giscard d'Estaing avait décelé il y a plus d'un demi-siècle...


Le mot « terrorisme » n'a pas de définition internationale commune. Chaque pays le voit selon ses propres problèmes et ses soucis du moment. Pourtant, il est devenu la clef de voûte d'une nouvelle doctrine juridique mondiale à tendance nettement liberticide. Le paradoxe est qu'il s'agit de protéger les valeurs démocratiques (la liberté d'aller et de venir en premier lieu) en les restreignant, dans une stratégie faussement provisoire mais que l'on pressent de long terme, puisqu'il est acquis que les actes terroristes ne cesseront pas.
   
Le pouvoir nous explique que les gens « normaux » n'ont pas à souffrir de cette restriction des libertés. Ils devraient même s'en réjouir au nom de leur sécurité. Seuls seraient gênés ceux qui prennent place dans le statut de « pré-terroristes », de terroristes potentiels. Pour eux, et en principe pour eux seuls, le fichier S, les assignations à résidence et les perquisitions inopinées...
   

Afin de ne pas susciter la colère des faux gentils de l'Islam, on situe les Corses - et les autres peuples sans État à tendances revendicatives - dans la catégorie des vrais méchants et dans le soupçon commun, plus exactement dans la catégorie de ceux qui sont punis selon les actes commis par d'autres. En ce qui concerne les supposés suspects de déviance éventuelle, l'ordre républicain ne veut voir qu'une tête. C'est plus commode à défaut d'être plus efficace.
Ainsi va la vie, ainsi va la justice.