Jean-Luc Luciani est le chef d’orchestre de cette manifestation : « L’an passé, avec Stefanu Cesari, nous nous étions partagé le travail. Le thème retenu en 2021 était le rapport entre poésie traditionnelle et poésie “littéraire” ; entre poésie orale, improvisée, plus vivante, et poésie écrite. Mais cette année, Stefanu n’était pas disponible », explique-t-il.
Agrégé de philosophie, ce Bastiais d’origine est allé se former sur le continent, avant de revenir enseigner sur son île, en khâgne, au lycée Giocante de Casabianca. Passionné de poésie et de langue corse, écrivain lui-même, il a publié en 2019 un livre sur les poètes populaires de son village maternel, Corscia, dans le Niolu : Musa chì parte da Corscia. Sept ans de recherche, contre vents et marées – « tu ne trouveras rien, on a déjà tout dit ! » – qui ont débouché sur un monument de près de 600 pages ! Des gens simples, des bergers-poètes… « Antoine Franzini, auteur d’un livre sur L’Accademia dei Vagabondi, cette société littéraire du temps de Paoli, affirme que la poésie, c’est l’ADN culturel des Corses. De fait, depuis la publication de mon livre, beaucoup de gens me contactent pour me dire : “moi aussi je fais de la poésie !” Nous avons une culture de la poésie vivante ! ». Ce seul fait suffirait à justifier qu’une journée tous les ans lui soit consacrée.
Liberté d’esprit et inventivité
Cette année, le thème retenu est : Les gestes de l’Art. « J’ai proposé à Fanfan Griffi, [Ndlr : président d’Orma Creazione], de prolonger les réflexions de l’an passé : je m’intéresse au geste, au-delà de l’oral. Quelque chose de plus incarné. Il faut prendre conscience de l’importance du geste qui prolonge la parole. Souvent, on se contente de regarder les visages. Et puis il y a le geste d’écrire, aussi… », explique Jean-Luc Luciani. C’est ici que la philosophie rencontre la poésie : « Au début, je ne voyais pas trop de lien entre mes deux activités. Mais, de plus en plus, je vois une relation : peut-être la liberté d’esprit, l’inventivité, analyse-t-il. En poésie comme en philosophie, on peut avoir tendance à figer les raisonnements, à dire toujours la même chose. C’est le danger. Mais quand ça fonctionne bien, au contraire, c’est très souple : on sort du discours dominant, de la mécanique du discours tout fait. On peut dire autrement, et dire de plusieurs façons…».
C’est ce que Jean-Luc Luciani a découvert chez les poètes-bergers de son village : « Ils n’évoquent pas les grands thèmes. Ils parlent tout simplement de leur vie. C’est quelque chose que j’ai retrouvé aussi chez des poètes contemporains comme Yehuda Amichaï, Christian Bobin,… et Maram al-Masri ».
L’éloge de la simplicité
Ce n’est donc pas un hasard si Maram al-Masri est l’invitée d’honneur de cette journée de la poésie : « Son éditeur dit qu’on se demande parfois d’où vient la magie de ses mots. Car sa poésie est très simple. Cela rejoint un chapitre de mon livre que j’avais intitulé Esthétique de la simplicité ! » Syrienne en exil en France depuis 1982, cette poétesse qui écrit en vers libres, n’est pas une inconnue en Corse : elle y a des amis poètes, elle y a séjourné. « Sur ses posts Facebook, elle n’oublie jamais le tag puesia, en corse. Elle donne une place intéressante à notre langue. Elle connaît un peu notre culture. Et sa poésie rejoint beaucoup celle, traditionnelle, qu’on connaît en Corse et que l’on pratique encore beaucoup, y compris chez les jeunes ! » Si l’un de ses recueils, Cerise rouge sur carrelage blanc, a été traduit en français par François-Michel Durazzo puis en corse par Ghjacumu Thiers, ce n’est donc sans doute pas un hasard. « Que notre île accueille des personnalités comme elle, ça nous élève tous, quelque part ! », s’émerveille Fanfan Griffi.
Relier tous les arts…
En ce qui concerne la seconde invitée de cette journée, « tout est parti d’un évènement organisé par Christophe di Caro et la librairie Alma, autour de l’écriture de nouvelles à partir desquelles des professeurs du conservatoire de Bastia ont improvisé. Et notamment l’école de danse, avec la classe de danse contemporaine de Saveria Tomasi…».
C’est donc tout naturellement que Jean-Luc Luciani a proposé à Saveria Tomasi de danser sur des poèmes de Maram al-Masri : une façon de concrétiser les échanges qui auront lieu, lors d’une table ronde, sur le thème des gestes de l’art. Et un clin d’œil à Wagner qui cherchait à créer une œuvre d’art totale, susceptible de relier tous les arts : « Maram al-Masri parle de danse dans beaucoup de ses textes. Quant à Saveria Tomasi, non seulement elle a une activité théâtrale, mais elle cherche aussi à prolonger la danse à travers la peinture. Danser et peindre à la fois, c’est une idée qui lui est venue en voyant un film sur Pollock, qui dansait devant sa toile. De quoi générer une réflexion sur les liens entre les arts ».
Une œuvre très diverse
Neuf poésies – en référence aux neuf Muses ? – ont donc été sélectionnées pour cette représentation inédite. Si Maram al-Masri a beaucoup écrit de textes intimistes et amoureux, son œuvre est en réalité très diverse, s’appuyant sur le dur vécu de l’écrivain : de l’enlèvement de son fils de trois ans par son père – un fils qu’elle ne reverra pas avant l’âge adulte – à la difficulté de la condition féminine, en passant par la guerre, la tristesse et la mort. Y figurent des poèmes très durs, comme dans son livre Le rapt, ou dans Elle va nue la liberté – où il est question « des hommes qui font danser les caisses de bois », les cercueils… « Cela conduit à s’interroger : Écrire, est-ce agir sur le monde ? La poésie peut-elle quelque chose à tout cela ? » Mais il est aussi question de recherche d’humanité dans les gestes du quotidien – comme dans Métropoèmes, où chaque texte porte le nom d’une station de métro… Les poésies seront lues tantôt avant la danse – accompagnée au violon et à la guitare – , tantôt après, voire simultanément : « Saveria Tomasi a imaginé un rythme pour tout cela… ».
La journée se terminera par des Chjam’è Rispondi, improvisés à l’usu corsu.
Agrégé de philosophie, ce Bastiais d’origine est allé se former sur le continent, avant de revenir enseigner sur son île, en khâgne, au lycée Giocante de Casabianca. Passionné de poésie et de langue corse, écrivain lui-même, il a publié en 2019 un livre sur les poètes populaires de son village maternel, Corscia, dans le Niolu : Musa chì parte da Corscia. Sept ans de recherche, contre vents et marées – « tu ne trouveras rien, on a déjà tout dit ! » – qui ont débouché sur un monument de près de 600 pages ! Des gens simples, des bergers-poètes… « Antoine Franzini, auteur d’un livre sur L’Accademia dei Vagabondi, cette société littéraire du temps de Paoli, affirme que la poésie, c’est l’ADN culturel des Corses. De fait, depuis la publication de mon livre, beaucoup de gens me contactent pour me dire : “moi aussi je fais de la poésie !” Nous avons une culture de la poésie vivante ! ». Ce seul fait suffirait à justifier qu’une journée tous les ans lui soit consacrée.
Liberté d’esprit et inventivité
Cette année, le thème retenu est : Les gestes de l’Art. « J’ai proposé à Fanfan Griffi, [Ndlr : président d’Orma Creazione], de prolonger les réflexions de l’an passé : je m’intéresse au geste, au-delà de l’oral. Quelque chose de plus incarné. Il faut prendre conscience de l’importance du geste qui prolonge la parole. Souvent, on se contente de regarder les visages. Et puis il y a le geste d’écrire, aussi… », explique Jean-Luc Luciani. C’est ici que la philosophie rencontre la poésie : « Au début, je ne voyais pas trop de lien entre mes deux activités. Mais, de plus en plus, je vois une relation : peut-être la liberté d’esprit, l’inventivité, analyse-t-il. En poésie comme en philosophie, on peut avoir tendance à figer les raisonnements, à dire toujours la même chose. C’est le danger. Mais quand ça fonctionne bien, au contraire, c’est très souple : on sort du discours dominant, de la mécanique du discours tout fait. On peut dire autrement, et dire de plusieurs façons…».
C’est ce que Jean-Luc Luciani a découvert chez les poètes-bergers de son village : « Ils n’évoquent pas les grands thèmes. Ils parlent tout simplement de leur vie. C’est quelque chose que j’ai retrouvé aussi chez des poètes contemporains comme Yehuda Amichaï, Christian Bobin,… et Maram al-Masri ».
L’éloge de la simplicité
Ce n’est donc pas un hasard si Maram al-Masri est l’invitée d’honneur de cette journée de la poésie : « Son éditeur dit qu’on se demande parfois d’où vient la magie de ses mots. Car sa poésie est très simple. Cela rejoint un chapitre de mon livre que j’avais intitulé Esthétique de la simplicité ! » Syrienne en exil en France depuis 1982, cette poétesse qui écrit en vers libres, n’est pas une inconnue en Corse : elle y a des amis poètes, elle y a séjourné. « Sur ses posts Facebook, elle n’oublie jamais le tag puesia, en corse. Elle donne une place intéressante à notre langue. Elle connaît un peu notre culture. Et sa poésie rejoint beaucoup celle, traditionnelle, qu’on connaît en Corse et que l’on pratique encore beaucoup, y compris chez les jeunes ! » Si l’un de ses recueils, Cerise rouge sur carrelage blanc, a été traduit en français par François-Michel Durazzo puis en corse par Ghjacumu Thiers, ce n’est donc sans doute pas un hasard. « Que notre île accueille des personnalités comme elle, ça nous élève tous, quelque part ! », s’émerveille Fanfan Griffi.
Relier tous les arts…
En ce qui concerne la seconde invitée de cette journée, « tout est parti d’un évènement organisé par Christophe di Caro et la librairie Alma, autour de l’écriture de nouvelles à partir desquelles des professeurs du conservatoire de Bastia ont improvisé. Et notamment l’école de danse, avec la classe de danse contemporaine de Saveria Tomasi…».
C’est donc tout naturellement que Jean-Luc Luciani a proposé à Saveria Tomasi de danser sur des poèmes de Maram al-Masri : une façon de concrétiser les échanges qui auront lieu, lors d’une table ronde, sur le thème des gestes de l’art. Et un clin d’œil à Wagner qui cherchait à créer une œuvre d’art totale, susceptible de relier tous les arts : « Maram al-Masri parle de danse dans beaucoup de ses textes. Quant à Saveria Tomasi, non seulement elle a une activité théâtrale, mais elle cherche aussi à prolonger la danse à travers la peinture. Danser et peindre à la fois, c’est une idée qui lui est venue en voyant un film sur Pollock, qui dansait devant sa toile. De quoi générer une réflexion sur les liens entre les arts ».
Une œuvre très diverse
Neuf poésies – en référence aux neuf Muses ? – ont donc été sélectionnées pour cette représentation inédite. Si Maram al-Masri a beaucoup écrit de textes intimistes et amoureux, son œuvre est en réalité très diverse, s’appuyant sur le dur vécu de l’écrivain : de l’enlèvement de son fils de trois ans par son père – un fils qu’elle ne reverra pas avant l’âge adulte – à la difficulté de la condition féminine, en passant par la guerre, la tristesse et la mort. Y figurent des poèmes très durs, comme dans son livre Le rapt, ou dans Elle va nue la liberté – où il est question « des hommes qui font danser les caisses de bois », les cercueils… « Cela conduit à s’interroger : Écrire, est-ce agir sur le monde ? La poésie peut-elle quelque chose à tout cela ? » Mais il est aussi question de recherche d’humanité dans les gestes du quotidien – comme dans Métropoèmes, où chaque texte porte le nom d’une station de métro… Les poésies seront lues tantôt avant la danse – accompagnée au violon et à la guitare – , tantôt après, voire simultanément : « Saveria Tomasi a imaginé un rythme pour tout cela… ».
La journée se terminera par des Chjam’è Rispondi, improvisés à l’usu corsu.
La Journée de la poésie en pratique
Où : place de l’église à Campile
Quand : Dimanche 25 septembre de 10 heures à 19 heures
Programme complet
10h30 à 11h15 : Introduction par le philosophe Jean-Luc Luciani : quel lien entre les arts ?
11h15 à 12h15 : Les gestes de l’Art : entretien avec la poétesse Maram al-Masri et la danseuse Saveria Tomasi
14h30 : Lectures de textes de Maram al-Masri et chorégraphie de Saveria Tomasi
16h30 : Pause et dédicaces en partenariat avec la librairie Alma de Bastia
16h45 : Séance de l’atelier d’écriture A Scrivania du laboratoire culturel animée par Mme Dominique Gaudin (sur inscription, places limitées)
17h30 Chjam’è Rispondi (improvisations en langue corse)
L’entrée est gratuite ainsi que le parking.
Buvette et points de restauration à disposition.
Où : place de l’église à Campile
Quand : Dimanche 25 septembre de 10 heures à 19 heures
Programme complet
10h30 à 11h15 : Introduction par le philosophe Jean-Luc Luciani : quel lien entre les arts ?
11h15 à 12h15 : Les gestes de l’Art : entretien avec la poétesse Maram al-Masri et la danseuse Saveria Tomasi
14h30 : Lectures de textes de Maram al-Masri et chorégraphie de Saveria Tomasi
16h30 : Pause et dédicaces en partenariat avec la librairie Alma de Bastia
16h45 : Séance de l’atelier d’écriture A Scrivania du laboratoire culturel animée par Mme Dominique Gaudin (sur inscription, places limitées)
17h30 Chjam’è Rispondi (improvisations en langue corse)
L’entrée est gratuite ainsi que le parking.
Buvette et points de restauration à disposition.