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Joseph Pucci : « La population de Viggianellu se sent trahie, elle est très en colère »


Nicole Mari le Mardi 26 Novembre 2019 à 22:15

A Viggianellu, c’est le ras le bol ! Non seulement la préfète de Corse, en violation de l’engagement écrit de ses prédécesseurs, a autorisé l’ouverture de Viggianellu 2, mais le SYVADEC a interdit à la commune d’utiliser le centre d’enfouissement et les installations qui sont sur son territoire pour traiter ses déchets. Résultat : les habitants bloquent le centre, et la ComCom envisage de réquisitionner le site. Le maire de Viggianellu, Joseph Pucci, explique, à Corse Net Infos, que la population se sent trahie de voir qu’aucune autre solution n’émerge et qu’elle refuse désormais de récupérer toutes les poubelles de la Corse.



Joseph Pucci, maire de Viggianellu, conseiller territorial PNC et président du Syndicat d’Energie de la Corse-du-Sud. Photo Michel Luccioni.
Joseph Pucci, maire de Viggianellu, conseiller territorial PNC et président du Syndicat d’Energie de la Corse-du-Sud. Photo Michel Luccioni.
- Pourquoi cette colère ?
- Ce qui est insupportable pour la population et le collectif, c’est que nous n’ayons pas accès à notre propre centre d’enfouissement parce que le SYVADEC a décidé de nous fermer les portes dès qu’ont commencé les opérations de blocage du Collectif Valincu Lindu. Nous avons ressenti cela comme une agression. Depuis trois ans, nous avons fait preuve de solidarité envers toute la Corse. En signe de remerciement, à la dernière réunion du bureau du SYVADEC auquel mon adjoint en charge de la question des déchets, Jean Pereney, a assisté, les représentants des autres intercos ont approuvé la décision du président Tatti. Cela nous pénalise d’autant plus que nous n’avons pas de quai de transfert puisque nous avons un exutoire. Nous sommes, donc, les plus maltraités de l’île puisque nous ne trouvions pas à stocker nos déchets, ni à les mettre en balles. C’était une situation insupportable et injuste !
 
- La situation a-t-elle changé ?
- Vendredi soir, la ComCom a tenu un bureau exceptionnel sur la crise des déchets pour voir quelles dispositions nous pouvions prendre pour accéder à notre site, je dis « notre » parce qu’il se trouve sur notre foncier. Juste avant la réunion, le bureau du SYVADEC, qui s’était, lui aussi, réuni en bureau exceptionnel, nous a informé que, finalement, il nous donnait accès à notre recyclerie de Teparella et à notre plateforme de compostage, mais pas à notre centre d’enfouissement. Nous nous retrouvons dans l’impossibilité de jeter nos ordures ménagères.
 
- Le SYVADEC vous a-t-il proposé une solution ?
- Il nous donne comme solution d’utiliser le quai de transfert de Moca-Croce. Seulement, ce quai représente un volume insuffisant pour le stockage de nos déchets, il ne permet de traiter que 5 tonnes par jour alors que nous en produisons 15. Tout en sachant que depuis le début de la crise, nous avons entassé près de 700 tonnes de déchets. Donc, cette solution, bien qu’elle nous ouvre les portes de la recyclerie, ne nous permet pas d’évacuer facilement les déchets qui se sont accumulés sur notre ComCom. Samedi, les camions de collecte ont commencé à se diriger vers Moca-Croce, il faudra une dizaine de jours pour arriver à une situation un peu plus stable. La chose la plus invraisemblable est que nos déchets vont aller à Moca-Croce. Là, ils seront acheminés sur Teghime et reviendront en balles à Moca-Croce.
 
- C’est absurde !
- Totalement ! C’est même inqualifiable ! Je me demande comment on peut raisonner comme ça ! Le SYVADEC nous dit qu’il renverra les balles à Moca-Croce ou sur un terrain approprié, mais un terrain approprié, pour nous, c’est notre centre ! Il nous demande de déposer nos déchets bien emballés à côté de notre centre, c’est inconcevable ! Ces déchets, non seulement auront fait le tour de Corse pour revenir chez nous, mais, en plus, seront emballés dans du plastic pour être enfouis. C’est encore pire d’un point de vue écologique ! Quand on pense au bilan carbone et à la pollution des plastiques, cette proposition du SYVADEC est tout bonnement incroyable !
 
- Quelle raison donne le SYVADEC pour justifier cette proposition ?
- Nous ne comprenons pas ! La première raison, qui a été donnée de nous fermer le site, était la sécurité. On nous a dit que les chauffeurs des camions, que nous avions bloqués, avaient été pris à partie. Ce qui n’a jamais été le cas ! Si on nous ouvre la recyclerie, où est le problème de sécurité ? A chaque fois, ce sont des raisons de sécurité qui sont avancées, mais, en réalité, cela ne tient pas debout !

Le blocage du site par le Collectif Valincu Vivu.
Le blocage du site par le Collectif Valincu Vivu.
- Que comptez-vous faire ?
- Cette situation ne nous satisfait pas. Nous ne nous en contenterons pas. Nous avons envisagé, lors du bureau, des démarches en contentieux contre le SYVADEC pour ouvrir définitivement notre site et y jeter nos ordures. Nous avons aussi émis d’autres possibilités, peut-être même la réquisition de notre site pour accéder à notre centre d’enfouissement.

- Est-ce pour cette raison que vous avez décidé de poursuivre le blocage ?
- Non ! Cela n’a rien à voir. Les habitants de la ComCom ont bloqué l’accès au centre d’enfouissement, suite à la décision de la préfète d’accorder l’ouverture de Viggianellu 2. Ils se sont rendus compte qu’une ligne de l’arrêté d’attribution disait qu’en cas de nécessité, ce site pourrait accueillir l’ensemble des déchets de la Corse. Ils ont revu le film qui s’est passé ces trois dernières années et ont compris que nous étions condamnés, pour une dizaine d’années encore, à être le seul exutoire des déchets de la Corse, avec le centre de Prunelli qui, lui, accueille des quantités moindres. C’est contre cela qu’ils ont engagé ce mouvement.
 
- Y-a-t-il des négociations en cours ?
- Aucune ! Ce blocage est parti pour durer. Même si le Collectif n’avait pas bloqué, la capacité administrative de Viggianellu était, cette année, de 110 000 tonnes, et le centre, qui a atteint cette capacité, est fermé jusqu’à la fin de l’année. Il est prévu, en attendant, de mettre en balles les déchets dans les intercos. Ce que craint la population de la ComCom et ce qui nous attend, c’est qu’à partir du 2 janvier, toutes les balles stockées reviennent à Viggianellu. Cela représente 15 000 tonnes. La population ne veut plus de ça ! Cela fait 3 ans que ça dure ! L’année dernière, nous avons récupéré 126 000 tonnes. Aujourd’hui s’ajoute la pollution plastique des déchets stockés en balles. Tous les déchets de la Corse viennent chez nous sans que personne d’autre ne cherche de solution.
 
- Est-ce ce qui vous inquiète le plus ?
- Oui ! Aucune solution n’apparaît ailleurs. Il n’y a pas de perspective d’amélioration de notre situation. La Préfète, la Collectivité de Corse et le SYVADEC ont organisé des réunions pour demander aux autres territoires de chercher des exutoires. Le but était de répartir la charge avec un idéal de cinq exutoires – un pour trois intercos -, ce qui aurait eu pour effet de limiter, voire de supprimer, ce va-et-vient de semi-remorques sur toute la Corse, et notamment chez nous. Ce qui était acceptable par tout le monde et aurait eu moins d’effets négatifs au niveau de la pollution. L’ADEME nous avait fourni une carte avec des territoires qui ne présentent aucun risque majeur écologique. Après 5 réunions, aucun territoire n’est arrivé avec une proposition, même pas pour une plateforme de compostage. Quand on sait que la première plateforme de compostage corse a été créée à Viggianellu avec l’accord des EPCI. La seconde a été celle de Corte. Cela démontre bien que personne ne veut des déchets des autres, mais cette solution partait du principe que chacun gardait au moins ses déchets. Les autres territoires ne font aucun effort en termes de traitement de leurs déchets.
 
- C’est inacceptable pour la population !
- Oui ! C’est insupportable ! On nous avait dit « Faites des efforts, après on trouvera d’autres exutoires ». La sentence, qui est tombée de la part de la préfète, est qu’en l’absence d’autres exutoires, nécessité fait loi. Elle a accordé Viggianellu 2, le projet Lanfranchi dont on nous disait, depuis trois ans, qu’il ne se créerait pas. Les préfets précédents nous avaient promis dans un protocole signé qu’il n’aurait pas lieu. La population se sent trahie, elle est très en colère.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.