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"J'ai été agressé sexuellement par mon supérieur" : témoignage d'une victime


Maria-Serena Volpei-Aliotti le Dimanche 10 Novembre 2019 à 17:14

Victime de harcèlement sexuel sur son lieu de travail, un homme dans un témoignage anonyme a souhaité prendre la parole dans les colonnes de Corse Net Infos pour raconter son histoire. Un récit glaçant qu'il souhaite partager afin d'encourager et d'aider celles et ceux qui seraient dans la même situation. Parler, dénoncer pour se libérer et réapprendre à vivre.



Depuis plusieurs années, le harcèlement sexuel subi sur le lieu de travail est au coeur de l'attention médiatique. L'affaire Weinstein avait servi d'élément déclencheur pour libérer la parole des victimes que grâce au mouvement  #MeToo ont eu les courage d’accuser. Si des nombreux titres ont recueilli la parole de femmes harcelées sexuellement sur leur lieu de travail, moins souvent on a entendu parler des hommes qui subissent le même sort.`
En Corse un homme, dont l'identité restera secrète, nous a confié son histoire.  

Son témoignage 
"J'ai été agressé sexuellement par mon supérieur hiérarchique.
Je suis un homme, et lui aussi. Un Jour dans le cadre du travail, nous nous sommes retrouvés dans son bureau. 
Des faits qui remontent à plusieurs mois.
Au bout d’un moment, il a commencé à se confier sur sa vie privée. Moi je ne le connaissais pas vraiment. Il m'a dit : "J’ai des pulsions, je suis attiré par les hommes. J’essaie d’avancer mais c’est dur car j’aime ma femme et mes enfants. Mais j’ai des pulsions. J’ai confiance en toi, je voulais te le dire" et a ajouté " n’en parle à personne ".
Je ne sais pas s'il en avait parlé à quelqu’un d’autre.
Après cet épisode, j'ai fait en sorte de ne plus le croiser, durant un certain temps. 
Jusqu'au jour où j'ai eu un rendez-vous et c'est lui qui m'a reçu. 
Je me suis retrouvé seul dans son bureau. Mal à l'aise, je suis rapidement parti pour aller aux toilettes. J'ai alors ressenti un frisson dans le dos. Vous savez cette fameuse réaction épidermique qui annonce quelque chose.
Je suis rentré dans la pièce et j'y suis resté un moment car je l'imaginais la tête contre la porte à m'attendre. Je me suis raisonné en me disant que ce ne pouvait pas arriver et suis sorti. Après avoir fait quelques pas dans le couloir, il a surgi et m'a bloqué ! "

Les minutes les plus longues de ma vie.

"Même si ça n'a pas duré, je pense, plus de deux minutes, pour moi c'était une éternité.
Il me disait : " Allez calme toi !" Et il a commencé à m'embrasser et me caresser, à l'entrejambe. Il a violé mon intimité ! On était toujours dans le couloir.
​Il me répétait  "calme toi ! "Je sens ton cœur battre très fort. Tu as franchi le cap. On s'est embrassé mais ça ne doit pas se savoir. La prochaine fois ce sera mieux. Calme toi ! "
 
De mon côté, je me suis retrouvé spectateur de mon agression. Mon cerveau s'est mis en alerte, en veille. Malgré ma carrure, malgré que je sois un homme, il m'a été impossible d'avoir la moindre réaction. J'étais tétanisé. Et, croyez-moi, je m'en suis voulu de ne pas avoir pu réagir. 
En rentrant chez moi, je suis directement aller me laver. Je me sentais sali. Sur mon portable, lui m'appelait et je ne répondais pas. J'étais livide, éteint. Ma femme a trouvé mon attitude étrange. 
Elle m'a rejoint dans la salle de bain. Et m'a demandé de lui expliquer ce qui m'était arrivé. Sans se douter un seul instant de la situation. J'ai vidé mon sac. Elle était choquée. Elle m'a conseillé d'en parler. Je suis allé au commissariat pour déposer plainte. 
 
Et c est ce que je conseille de faire à toutes les personnes qui ont déjà vécu une histoire comme celle là. 
Il faut se dire : " je connais la vérité, c'est moi la victime !" Il ne faut pas avoir peur de perdre des amis ou du regard des autres.

Ma vie a été bouleversée, il m'a volé ce que j'étais, il m'a volé ma vie.

Malheureusement, ce sont souvent les victimes que l'on rend fautives. " Elles l'ont cherché, provoqué!" Par des vêtements, un attitude, un geste ou quelque chose qui laisse finalement penser que c'est l'agresseur la victime.
Les agresseurs eux ne reconnaîtrons jamais les faits. Contrairement aux victimes qui osent parler.
 
 
Aujourd’hui, je suis atteint psychologiquement. Je suis marqué comme au fer rouge. Je refuse le contact, même anodin, amical. Je n'aime plus qu'on me touche et je ne peux plus toucher quelqu'un non plus. J'ai l'impression de faire subir ce qu'il m'a fait. Si l'on me touche, j'ai son image qui me revient immédiatement. Comme si on appuyait sur replay. J'ai jusqu'à son odeur, ses gestes, sa bouche.
Ça m'a réellement traumatisé, à vie. Je ne suis plus le même désormais.
J'ai confiance en la justice. Les victimes doivent être accompagnées par leurs proches mais également psychologiquement.  
C'est une aide indispensable pour essayer d'aller mieux". 
 
 
 
Car après ce genre d'agression, il est possible d'avoir des idées noires de vengeance ou tomber dans des dépendances pour contrer le mal qui nous ronge. La dégringolade est rapide si on n'a pas de soutien. Car on n'a plus confiance en l'humain. Pour ma part je ne ressens plus rien. Comme si je n'avais plus de cœur. C'est comme un cancer qui vous ronge. C'est pour ça, il faut parler. Ne pas garder ça pour soi. 
C'est quelques chose de difficile à faire oui c'est vrai. Et en tant qu’homme, agressé par un homme c'est très particulier. Surtout dans une société comme la notre. 
Peu importe le regard des autres, les victimes ne doivent penser qu'à elles. Parlez ! Dénoncez ! Hommes ou femmes.
Ça arrive chez nous aussi ! On est pas mieux que les autres. 
En tant qu'homme ce n'est pas évident d'en parler. Je me mets aussi à la place des femmes. 
Moi j'ai eu honte."
Mais il faut dépasser ça. Il ne faut pas avoir peur.