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Foncier agricole : La SAFER devient propriétaire du domaine de Casabianca


Nicole Mari le Lundi 19 Décembre 2022 à 20:10

Après quatre ans et demi de procédures judiciaires, la SAFER a officiellement acquis le domaine de Casabianca pour un montant de 1,630 million d’euros grâce au portage du Fonds foncier agricole mis en place par la Collectivité de Corse. L’annonce a été faite, lundi matin, lors du Conseil d'Administration à l’issue duquel l’acte d’achat a été signé. Une Commission conjointe avec l’ODARC travaillera à l’élaboration d’une stratégie de mise en valeur du domaine.



Le domaine de Casabianca, d'une superficie de 469 hectares, situé en Plaine Orientale, entre le phare d’Alistro et l’étang de Diana, en bordure de la Route territoriale 10. Photo CNI.
Le domaine de Casabianca, d'une superficie de 469 hectares, situé en Plaine Orientale, entre le phare d’Alistro et l’étang de Diana, en bordure de la Route territoriale 10. Photo CNI.
C’est une signature fort attendue qui a clôturé, lundi en fin de matinée, le Conseil d’administration de la SAFER (Société d'aménagement foncier et d'établissement rural) de la Corse, celle de l’acte d’attribution qui la rend officiellement propriétaire du domaine de Casabianca. Il aura fallu près de quatre ans et demi de procédures judiciaires pour que l’opération menée conjointement par la SAFER, la Collectivité de Corse (CdC) et l’ODARC (Office de développement agricole et rural de la Corse) sur le plus grand domaine agricole de l’île, trouve un aboutissement. Plus connu sous le nom de Domaine Casanis, ce domaine viticole, situé en Plaine Orientale, entre le phare d’Alistro et l’étang de Diana, en bordure de la Route territoriale 10, était quasiment à l’abandon et en liquidation judiciaire depuis septembre 2017. Sa mise aux enchères avait, à l'époque, déclenché un tollé général et embrasé le monde politique et agricole. Sa superficie de 469 hectares, d’un seul tenant, dont 30 hectares en bord de mer, abritant également des bâtiments agricoles et à usage d’habitation, suscitait des convoitises et des suspicions de spéculation foncière et immobilière. C’est finalement grâce à la création par la CdC d’un « Fonds foncier agricole à l’installation et l’amélioration des terres » doté de 2,4 millions € que la SAFER a pu répondre à un appel d’offres du Tribunal de grande instance pour la mise en vente du domaine. Mais, au moment de procéder à son rachat pour la somme de 1,630 million €, la vente a été suspendue, faute d’avoir purgé le droit des fermiers qui étaient déjà en place et disposaient de baux à ferme accordés par l’ancien propriétaire, Mme Casabianca. Les fermiers ont défendu leurs droits contre le mandataire, qui souhaitait résilier les baux à travers la procédure de liquidation, et ont fini par obtenir gain de cause. Mais les démêlés avec le mandataire judiciaire ont accumulé les retards. C’est, donc, avec un soulagement certain que le monde agricole a salué cette avancée positive.
 
Une date historique
« C’est une date historique parce que c’est la première opération d’envergure du fonds foncier de l’île que la profession réclame depuis 20 ans. L’objectif aujourd’hui, c’est vraiment de pouvoir faire l’acquisition de foncier et le redistribuer à des jeunes agriculteurs. Cette opération aurait pu être exemplaire si elle avait pu se faire dans les temps, malheureusement, on doit le dire, on a eu affaire à un mandataire qui n’a pas géré les choses comme il devait le faire. Le fait de n’avoir pas purger le droit des fermiers était une erreur et nous a fait perdre quatre ans et demi. Avec l’ensemble des professionnels, nous avons réussi à faire en sorte que le Préfet se mêle de cette opération. Nous sommes rentrés en contact avec le mandataire et nous avons réussi à convaincre tout le monde qu’il était temps d’agir et surtout urgent de le faire parce que le domaine était complètement délaissé et à l’abandon. C’est bien dommage pour la profession d’avoir eu à attendre tout ce temps », estime le président de la SAFER, Christian Orsucci. S’il souligne « la ténacité de la SAFER sur ce projet-là », le président de l’ODARC, Dominique Livrelli tient à rappeler que rien n’aurait pu se faire sans « l’investissement de la Collectivité territoriale de Corse au travers du Fonds foncier qui a déjà, depuis sa création, engagé plus de 4 millions d’euros pour le rachat de terres agricoles. Ces terres sont redistribuées au profit d’agriculteurs, en priorité des jeunes agriculteurs, mais, avec la dernière modification du Fonds foncier, d’autres agriculteurs pourront en profiter de ces terrains-là ». Le Fonds foncier dispose, aujourd’hui, de 4,4 millions d’euros, prêts à être engagés pour faire l’acquisition de domaines agricoles.
 
Une stratégie d’aménagement
En 2021, la SAFER avait loti près de 260 hectares et attribué les lots à 21 jeunes agriculteurs. Il restait 70 hectares vacants dont 20 ha de vignes qu’il faut réattribuer. Ce qui pourrait être fait d’ici au printemps. « Les jeunes n’ont pas pu prendre possession des terres dès lors que nous n’étions pas, nous-mêmes, propriétaire. Nous allons pouvoir mettre les terres en location pour une durée d’un an, renouvelable cinq ans. Au bout de cinq ans, les jeunes agriculteurs pourront racheter leur lot », précise Antoine Vallecalle, directeur de la SAFER. Mais le travail est loin d’être fini. Le problème dorénavant est l’état d’abandon du domaine qui, faute d’être exploité, s’est considérablement détérioré au fil des années, la plupart des lots ont été dégradés ou abandonnés. « Des chênes ont poussé au sein même du vignoble. Entre le retrait des fils de fer et des piquets, le dessouchage des vignes et une partie de la vigne touchée par la flavescence dorée qui est une bactérie mortelle qu’il faut traiter, il y a toute une démarche à faire et surtout un plan de remise en valeur du domaine. Il faut tout nettoyer. Avec l’ODARC, nous allons définir quelle stratégie mettre en œuvre pour la reconquête physique du domaine de Casabianca », ajoute-t-il. « On ne peut pas laisser les jeunes mettre en valeur tous seuls leur bien. Je pense que, dans les mois à venir, on trouvera la bonne stratégie avec l’ODARC pour qu’il remette en valeur la totalité du domaine, et qu’ensuite les lots soient distribués en terre nue pour que les jeunes, qui s’installent, n’aient plus qu’à travailler », renchérit Christian Orsucci. L’ODARC s’est effectivement engagé à prendre en charge tout ou partie de ce financement. « Nous avons acté le principe de la création d’une Commission pour travailler sur l’ensemble de ces lots, voir comment les réaménager. Ce serait une première, depuis la création de la SOMIVAC, si l’ODARC portait le projet de réaménagement du domaine. Entre la SAFER, les jeunes agriculteurs attributaires et l’ODARC, nous sommes en capacité de rendre à ces lots leur vocation première : la production », confirme Dominique Livrelli. « La Commission se mettra en place d’ici à deux mois, je pense que nous serons opérationnels courant octobre ».   
 
Des squatteurs à expulser
Dernière péripétie judiciaire en vue : les bâtiments agricoles et d’habitation sont squattés par quelques 150 personnes, principalement des ouvriers agricoles et des saisonniers. « La nature a horreur du vide. À partir du moment où des bâtiments sont laissés à l’abandon pendant quatre ans et demi, des squatters se sont installés à l’intérieur, mais comme nous n'étions pas propriétaires du bien, nous ne pouvions pas intervenir. Nous avons déjà déposé une main courante à la gendarmerie. Désormais, en tant que propriétaire, nous engagerons les poursuites nécessaires pour que les locaux, qui devraient revenir à l’ODARC, soient libérés de toute occupation », commente Christian Orsucci. Une enquête est même en cours pour « éclairer la gestion du bien depuis la prise de possession du mandataire ». Mais l’heure est, pour l’instant, à la satisfaction d’un moment trop attendu. « Il faut se concentrer sur cet élément positif », déclare Antoine Vallecalle. Et de conclure : « Quand une politique publique s’engage à mettre en place une stratégie de développement et que ça marche - mise à part le domaine de Casabianca où y avait un couac à la fois juridique et relationnel avec le liquidateur - c’est quand même près de 500 hectares qui ont été acquis sur trois ans avec le Fonds foncier pour 34 attributaires SAFER, ce n’est pas négligeable ».  
 
N.M.

La signature de l'acte d'acquisition du domaine de Casabianca.
La signature de l'acte d'acquisition du domaine de Casabianca.