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Enseignants de langue et culture corses : « nous allons nous battre per noi è per a nostra lingua »


Laurent Hérin le Jeudi 24 Septembre 2020 à 10:26

A l’appel d’un collectif rassemblant plusieurs associations (STC, APC, AILCC, SNALC et Parlemu Corsu), des enseignants ont décidé de se battre pour ne pas que meure l’enseignement de la langue corse, en danger à la suite de la réforme “Blanquer”. Ils étaient rassemblés ce mercredi à Bastia pour expliquer leur action.



Le collectif s'est rassemblé au Café des Palmiers pour rencontrer les média
Le collectif s'est rassemblé au Café des Palmiers pour rencontrer les média
La réforme
La réforme du baccalauréat général et technologique et du lycée est proposée par l'actuel ministre de l'Éducation nationale français Jean-Michel Blanquer, sous le gouvernement Jean Castex et sous la présidence d'Emmanuel Macron. Elle a pour ambition, entre autre, de supprimer les trois filières du baccalauréat général (ES, L, S) afin de favoriser un système de spécialités. En y regardant de plus près, un collectif qui rassemble plusieurs associations et des professeurs de corse, inquiets, pointent du doigt les effets régressifs de cette réforme et son impact direct sur l’enseignement des langues régionales.
 
Coefficient en baisse
Ghjiseppu Turchini, prufessore di corsu, explique : « C’est une dynamique dont on se serait bien passé de mettre en branle. Mais cette nouvelle réforme du secondaire se fait au détriment de toutes les langues régionales. Nous sommes en danger, nous enseignants et surtout notre langue. Nous l’avions annoncé, c’était programmé, déjà depuis la réforme des collèges il y a six ans. Nous constatons un véritable effritement. Dans les collèges, il y a une nette diminution des effectifs dès la 5e avec des répercussions sur tout le cycle du fait de l’introduction de la langue vivante 2. Au lycée, cette diminution se confirme à cause de la chute du coefficient. Aujourd’hui, une langue régionale compte pour 0,3 % de la note du Bac ! Les élèves qui choisissent le Corse en LVC [langue vivante optionnelle, NDLR] ne le pratique que 3 heures par semaine. Souvent considéré comme une surcharge dans des emplois du temps bien fournis, ils ont tendance à abandonner… » Il poursuit : « On voudrait détruire les langues régionales qu’on ne s’y prendrait pas autrement. C’est le cas ici mais également en Bretagne, en Occitanie ou au Pays Basque. Il s’est même créé un collectif “Pour que vivent nos langues” qui appelle à la mobilisation générale et à une journée d’action le 10 octobre prochain. Nous serons devant le rectorat d’Ajaccio pour nous faire entendre. »
 
Démantèlement
Le collectif souhaite tirer la sonnette d’alarme : « Il est hors de question de demeurer passifs face à ce que nous considérons être le début d’un véritable démantèlement de l’enseignement LCC, général ou bilingue, surtout à un moment où des résultats prometteurs commençaient à être enregistrés avant la réforme. La volonté délibérément linguicide du gouvernement doit rencontrer la plus ferme opposition de tous. » Il est une fois de plus reproché l’attitude jacobine du gouvernement et cette façon de légiférer loin des régions sans prendre en compte les spécificités de chacune. Mais en local ? « Nous avons l’appui de certains élus, à l’image de Lisandru De Zerbi, adjoint  du maire de Bastia, chargé de la langue et culture corse et de la jeunesse, qui est avec nous aujourd’hui. Mais ça ne suffit pas. Nous allons continuer à mobiliser comme nous le faisons depuis plusieurs mois. Et à demander à être reçus pour expliquer notre démarche, comme aujourd'hui.  »

Prise de position
A ses côtés, plusieurs membres du collectif acquiescent, la mine grave. L’un d’eux, Jean-Pierre insiste et tape du poing sur la table : « La voie à prendre est celle de l’éducation bilingue ! Cet enseignement atteint 40% en primaire, c’est une réussite. Avec cette réforme, nous voyons tout cet investissement s’écrouler dans le secondaire. Il faut un grand plan de formation en langue corse afin de remonter les effectifs. »
Marianne, professeur de langue corse est là pour témoigner : « Professeur de Corse au lycée Giocante de Casabianca, je suis passéede 30 à 6 élèves ! Six heures de LCC ont été supprimées soit pratiquement la moitié de mon poste. Je dois aller faire le complément à Jean-Nicoli. Mais plus que le résultat, c’est la méthode qui fait mal. J’attendais d’être reçu, d’avoir un échange. Je n’ai pas été écouté. On m’a donné ce complément à Jean-Nicoli sans me consulter… »

Lutte
Ghjiseppu Turchini rebondit et conclut cette rencontre : « Et c’est la même chose dans le privé ! Il faut revoir la copie. Nous ne sommes pas des pions mais des hommes et des femmes engagés dans leur métier. Vous savez, on est professeur de Corse par militantisme et par passion. Il va y avoir de plus en plus de suppression d’heures et donc de postes. Nous sommes en danger. Alors, nous allons nous battre ! Per noi è per a nostra lingua ! »