« La Corse en alerte maximale ! ». Anticor, l’association créée en 2002 pour lutter contre la corruption et rétablir l’éthique en politique, relaye un inquiétant constat livré par l’Agence française anti-corruption (AFA) dans son dernier rapport publié en avril dernier : « Les toutes dernières données du Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) confirment une réalité depuis longtemps dénoncée : la Corse est l’un des territoires les plus durement touchés par les atteintes à la probité, avec plus de 6,3 infractions pour 100 000 habitants chaque année entre 2016 et 2024, soit près de six fois la moyenne nationale ». En 2024, 934 atteintes à la probité, essentiellement des délits, ont été enregistrées en France, des atteintes en hausse de 8,2 % pour la deuxième année consécutive. Cette progression concerne presque toutes les infractions : corruption, concussion, favoritisme, prises illégales d’intérêts. Près de la moitié des cas sont liés à des actes de fraude ou de tromperie et 6 % à des trafics de stupéfiants, soulignant les connexions entre criminalité organisée et dévoiement de l’action publique. « Les infractions d’atteinte à la probité rapportées à la population se concentrent plus particulièrement dans les départements et régions d’Outre-mer et en Corse », indique l’AFA.
La politique de l’autruche
Rien de bien surprenant, pour l’association Anticor qui explique, dans un communiqué, que ces dérives en Corse ne datent pas d’hier. « Depuis des décennies, elles s’installent, s’enracinent, prospèrent — dans l’indifférence, parfois même avec la complicité passive des pouvoirs publics. La politique de l’autruche a longtemps prévalu. On a voulu « gérer » plutôt que prévenir, taire plutôt que nommer. Résultat : ce que nous dénoncions déjà en Corse s’étend désormais à une large partie de l’Hexagone ». Ces dérives, loin de s’affaiblir, ne font qu’empirer, précise David Brugioni, référent d’Anticor Corse : « Le rapport de l’agence anticorruption le dit avec des chiffres à l’appui, il y a des procédures en cours, des condamnations en première instance, confirmées en appel… On voit tous les jours en Corse des atteintes à la probité. Heureusement, ce n’est pas la majorité des élus, mais il ne se passe pas une semaine où on ne parle pas d’un problème sur une commune, de pratiques qui ne sont pas bonnes. Le dernier exemple probant est la condamnation d’une élue dans le Sud. Dans les mairies, au sein des conseils municipaux, il y a beaucoup de chefs d’entreprise qui se passent les marchés publics, surtout dans le BTP. Le « ci arrangemu », les faux en écriture publique, sont devenus monnaie courante. Quand ça concerne des prises illégales d’intérêt, des atteintes à la probité, on est dans un autre registre ».
Des contrôles inexistants
Comment expliquer un tel niveau de pratiques délictueuses alors qu’il y a de plus en plus de contrôle de légalité ? « En réalité il n’y a pas de contrôle ou très peu. Le vide créé par le manque de moyens et le manque de contrôle, certains élus s’y engouffrent. C’est pour ça que la Corse est en haut du tableau. On va demander au préfet d’expliquer les dysfonctionnements qu’il y a dans certains services parce qu’il y a des dysfonctionnements. L’ancien préfet de Corse Armaury de Saint-Quentin l’a dit. Les citoyens savent ». Une rencontre est prévue à ce sujet avec le Préfet actuel. « Nous allons essayer de comprendre comment se fait le contrôle de légalité ? Quels sont les critères ? Qui lance l’alerte ? Aujourd’hui, on se trouve désemparés. En tant qu’Anticor, nous avons des alertes, pas mal de dossiers en cours, des signalements un peu partout. Beaucoup de citoyens nous font remonter des choses qui se passent dans les municipalités. Nous leur disons d’alerter la Préfecture qui doit faire un contrôle de légalité sur les délibérations, on a deux mois pour les retoquer ». Ces voies de recours sont, dans la pratique, peu utilisées ou peu efficaces. Dans ce système de corruption, Anticor pointe non seulement la complicité de l’Etat, mais aussi une certaine passivité des Corses : « Cette passivité est due à la violence, au manque de courage, à un manque d’écoute ».
Un système gangréné
Comment faire pour remédier à ces dérives ? « Il y a un énorme travail à faire sur le terrain, un travail de fond pour expliquer les bonnes pratiques, essayer de conscientiser les élus. Est-ce qu’on arrivera à les conscientiser ? Les élus, qui font les bonnes pratiques, sont malheureusement un peu trop silencieux face aux dérives. Il faut arrêter de se voiler la face, il faut se poser les bonnes questions. Il faut que la Corse sorte de ce système gangréné. Il faut sortir du silence dans un esprit démocratique, dans le respect des règles, l’écoute avec les représentants de l’État ». Les municipales de 2026 arrivant à grands pas, Anticor a décidé de faire des propositions pour éviter ces dérives. L’association va envoyer une charte de bonne pratique à toutes les municipalités et demander aux élus de la signer. « Certains élus ont déjà de bonnes pratiques, ils n’ont pas besoin de signer de charte », tempère David Brugioni. Le 27 février dernier, à l’Assemblée de Corse, le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, avait dressé un tableau sombre des dérives mafieuses et annoncé un arsenal de mesures censé répondre à la situation. Pour Anticor, « ces annonces nécessaires n’ont de sens que si l’on admet enfin que le problème est systémique, ancien, et désormais national ». Et de conclure : « Il est urgent de retrouver le sens civique. Les pratiques de clientélisme, de favoritisme, de détournement et d’opacité doivent cesser. Il est temps que la justice ait les moyens de son indépendance, que les institutions jouent pleinement leur rôle de garde-fou et que la société civile soit pleinement reconnue dans son action vigilante et désintéressée. Notre avenir démocratique en dépend ».
N.M.
La politique de l’autruche
Rien de bien surprenant, pour l’association Anticor qui explique, dans un communiqué, que ces dérives en Corse ne datent pas d’hier. « Depuis des décennies, elles s’installent, s’enracinent, prospèrent — dans l’indifférence, parfois même avec la complicité passive des pouvoirs publics. La politique de l’autruche a longtemps prévalu. On a voulu « gérer » plutôt que prévenir, taire plutôt que nommer. Résultat : ce que nous dénoncions déjà en Corse s’étend désormais à une large partie de l’Hexagone ». Ces dérives, loin de s’affaiblir, ne font qu’empirer, précise David Brugioni, référent d’Anticor Corse : « Le rapport de l’agence anticorruption le dit avec des chiffres à l’appui, il y a des procédures en cours, des condamnations en première instance, confirmées en appel… On voit tous les jours en Corse des atteintes à la probité. Heureusement, ce n’est pas la majorité des élus, mais il ne se passe pas une semaine où on ne parle pas d’un problème sur une commune, de pratiques qui ne sont pas bonnes. Le dernier exemple probant est la condamnation d’une élue dans le Sud. Dans les mairies, au sein des conseils municipaux, il y a beaucoup de chefs d’entreprise qui se passent les marchés publics, surtout dans le BTP. Le « ci arrangemu », les faux en écriture publique, sont devenus monnaie courante. Quand ça concerne des prises illégales d’intérêt, des atteintes à la probité, on est dans un autre registre ».
Des contrôles inexistants
Comment expliquer un tel niveau de pratiques délictueuses alors qu’il y a de plus en plus de contrôle de légalité ? « En réalité il n’y a pas de contrôle ou très peu. Le vide créé par le manque de moyens et le manque de contrôle, certains élus s’y engouffrent. C’est pour ça que la Corse est en haut du tableau. On va demander au préfet d’expliquer les dysfonctionnements qu’il y a dans certains services parce qu’il y a des dysfonctionnements. L’ancien préfet de Corse Armaury de Saint-Quentin l’a dit. Les citoyens savent ». Une rencontre est prévue à ce sujet avec le Préfet actuel. « Nous allons essayer de comprendre comment se fait le contrôle de légalité ? Quels sont les critères ? Qui lance l’alerte ? Aujourd’hui, on se trouve désemparés. En tant qu’Anticor, nous avons des alertes, pas mal de dossiers en cours, des signalements un peu partout. Beaucoup de citoyens nous font remonter des choses qui se passent dans les municipalités. Nous leur disons d’alerter la Préfecture qui doit faire un contrôle de légalité sur les délibérations, on a deux mois pour les retoquer ». Ces voies de recours sont, dans la pratique, peu utilisées ou peu efficaces. Dans ce système de corruption, Anticor pointe non seulement la complicité de l’Etat, mais aussi une certaine passivité des Corses : « Cette passivité est due à la violence, au manque de courage, à un manque d’écoute ».
Un système gangréné
Comment faire pour remédier à ces dérives ? « Il y a un énorme travail à faire sur le terrain, un travail de fond pour expliquer les bonnes pratiques, essayer de conscientiser les élus. Est-ce qu’on arrivera à les conscientiser ? Les élus, qui font les bonnes pratiques, sont malheureusement un peu trop silencieux face aux dérives. Il faut arrêter de se voiler la face, il faut se poser les bonnes questions. Il faut que la Corse sorte de ce système gangréné. Il faut sortir du silence dans un esprit démocratique, dans le respect des règles, l’écoute avec les représentants de l’État ». Les municipales de 2026 arrivant à grands pas, Anticor a décidé de faire des propositions pour éviter ces dérives. L’association va envoyer une charte de bonne pratique à toutes les municipalités et demander aux élus de la signer. « Certains élus ont déjà de bonnes pratiques, ils n’ont pas besoin de signer de charte », tempère David Brugioni. Le 27 février dernier, à l’Assemblée de Corse, le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, avait dressé un tableau sombre des dérives mafieuses et annoncé un arsenal de mesures censé répondre à la situation. Pour Anticor, « ces annonces nécessaires n’ont de sens que si l’on admet enfin que le problème est systémique, ancien, et désormais national ». Et de conclure : « Il est urgent de retrouver le sens civique. Les pratiques de clientélisme, de favoritisme, de détournement et d’opacité doivent cesser. Il est temps que la justice ait les moyens de son indépendance, que les institutions jouent pleinement leur rôle de garde-fou et que la société civile soit pleinement reconnue dans son action vigilante et désintéressée. Notre avenir démocratique en dépend ».
N.M.