Corse Net Infos - Pure player corse

Covid et crise économique : une activité "anormalement calme" dans les tribunaux de commerce insulaires


Julia Sereni le Jeudi 19 Novembre 2020 à 22:02

Avec ce deuxième confinement, de nombreuses entreprises font état de leurs difficultés. Un constat qui ne se vérifie pour le moment pas dans les tribunaux de commerces insulaires, qui enregistrent une sérieuse baisse de leurs activités.
Pour leurs présidents Frédéric Benetti et Gilles Filippi, cette situation ne serait que de courte durée et le contrecoup de la crise devrait se faire ressentir dès février ou mars 2021, une fois que la « bulle financière » créée par les aides gouvernementales aura éclaté.



Images Michel Luccioni
Images Michel Luccioni
« Aujourd’hui, c’est anormalement calme » confie Gilles Filippi, président du tribunal de commerce de Bastia. Sur l’année, il constate une diminution de l’ordre de 60 à 70% des procédures collectives, qu’il s’agisse de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires. Ainsi, très peu de nouveaux dossiers arrivent au tribunal, qui traite surtout en ce moment des affaires antérieures au premier confinement. Même constat à Ajaccio pour son homologue Frédéric Benetti, qui ne constate pas non plus de recrudescence des dossiers. Une tendance qui se vérifie également au niveau des tribunaux de commerce de la région Provence Alpes Côte d’Azur, avec lesquels les présidents insulaires ont des contacts réguliers.
 

Une économie sous bulle
Comment expliquer ce décalage entre réalité judiciaire et ressenti des entreprises, éprouvées par deux confinements ? Si 2020 peut ressembler à une « bonne année », ce n’est qu’une impression en trompe l’oeil pour les deux présidents. « Aujourd’hui, les mesures d’accompagnement mises en place par l’État, la Collectivité de Corse ou la Chambre de commerce permettent aux entreprises de fonctionner malgré l’absence de chiffre d’affaire » explique Gilles Filippi. Report des charges, prêts garantis par l’État (PGE), fonds de solidarité, « nous avons une économie mise sous bulle » analyse Frédéric Benetti.
 
Et ce qui les inquiète, c’est le moment où la bulle va éclater. D’ici février, mars, estiment-ils : « Les PGE vont commercer à être déclenchés à cette période, tous les reports de charges seront d’actualité, les crédits qui ont été stoppés vont devoir reprendre » égrène le président du tribunal de commerce de Corse-du-Sud. Le bol d’air donné aux entreprises pourrait alors se transformer rapidement en asphyxie. « Si le couperet tombe de but en blanc, personne ne s’en sortira. Pas mal d’entreprises déposeront le bilan, sachant qu’avant le COVID certaines étaient déjà bancales » s’alarme Frédéric Benetti. Si les deux présidents ne présagent pas de l’avenir, ils l’envisagent d’ores-et-déjà bien sombre, si des mesures gouvernementales ne sont pas au rendez-vous rapidement. Et pour Gilles Filippi, c’est par l’investissement que les entreprises pourront sortir de la crise économique : « Il faudra leur donner les moyens d’investir. Le crédit d’impôt corse a fonctionné, peut-être faut il l’élargir ou augmenter son taux ? » propose t-il.
Unanimement, ils demandent en tout cas à ce que le retour à la « vie normale » soit envisagé dès à présent.
 

Un appel aux entreprises
 Et cela passe notamment par un appel qu’ils lancent aux entreprises. « Nous militons pour que les entrepreneurs n’attendent pas le dernier moment et anticipent des difficultés futures » explique le président du tribunal de commerce de Bastia. Car les deux présidents le constatent au quotidien, il n’est pas toujours aisé pour un entrepreneur de passer le pas de porte d’un tribunal de commerce. « Il y a une difficulté psychologique, le tribunal a une image de sanction » confie Frédéric Benetti. Image à laquelle s’ajoute sur l’île « un effet de proximité exacerbée », qui pousse souvent les chefs d’entreprises à taire leurs difficultés. Et pourtant les deux présidents sont eux aussi des commerçants, qui exercent leurs fonctions à titre bénévole « pour dire aux entreprises qu’il y a d’autres solutions que la déconfiture, si nous prenons les affaires en amont ». En effet, un certain nombre de procédures existent afin d’aider les entreprises en difficulté à se relever, encore faut-il qu’elles osent passer le cap au bon moment. « La solution c’est que les entrepreneurs se rapprochent de nous au plus vite » conclut Gilles Filippi.