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Commission Violence : Un appel à un indispensable sursaut citoyen


Nicole Mari le Vendredi 30 Octobre 2015 à 13:19

Le second rapport d’étape de la Commission Violence a été adopté à l’unanimité, vendredi matin, lors de la session de l’Assemblée de Corse, la dernière de la mandature. Ce rapport douloureusement d’actualité, qui intervient le lendemain de la tentative d’assassinat sur Me Jean-Michel Mariaggi, demande l’élaboration d’une stratégie globale, visant à renforcer notamment la protection de la jeunesse et des acteurs économiques, jugés les plus vulnérables. Il préconise, notamment, d’élargir les problématiques et d’œuvrer pour une mobilisation citoyenne durable. Dominique Bucchini, président et fondateur de la Commission Violence, dresse, en vidéo, pour Corse Net Infos, un bilan de ces quatre années de fonctionnement.



Commission Violence : Un appel à un indispensable sursaut citoyen
Comme le premier rapport d’étape, adopté le 23 mars 2012, ce second rapport de la Commission Violences a été adopté à l'unanimité, à la grande satisfaction de Dominique Bucchini, son président, qui estime, indispensable, un consensus pour crédibiliser le travail effectué depuis quatre ans et provoquer un vrai sursaut citoyen. Autant le premier consensus s’était réalisé à minimà, autant le deuxième n’a pas fait de vagues. Ce rapport rappelle, dans un premier temps, que, lors de son installation, le 19 janvier 2011, la Commission s’est donnée pour mission d'identifier et de hiérarchiser le phénomène complexe et multiforme de la violence. Et de préconiser les premières mesures concrètes à mettre en œuvre.
 
Une réalité criminelle
Le premier rapport validait l’élaboration d’une stratégie globale visant, à la fois, à améliorer la connaissance et la compréhension des mécanismes générateurs de la violence et à traiter, en priorité, quatre domaines sensibles : la spéculation immobilière, la pénétration de l’économie par la criminalité organisée, la précarité et la jeunesse, via l’échec scolaire. En juillet 2014, la présentation d’une étude relative aux violences ordinaires en Corse proposait de poursuivre les auditions et le dialogue initié au sein des établissements scolaires, d’approfondir le travail d’analyse concernant les homicides et de diligenter une enquête sur la population. Cette étude entérinait, notamment, la réalité de la criminalisation économique et l’isolement dans lequel se retrouvent ses victimes.
 
Susciter l’élan citoyen
Ce deuxième rapport d’étape effectue une synthèse des actions engagées, « notamment la création d’outils de régulation du foncier et d’une charte contre la précarité », tout en se félicitant de « la baisse des homicides et tentatives sur les trois dernières années dans l’île ». Il estime « prioritaire » de poursuivre l’étude des divers phénomènes de violences en Corse, « de définir un nouveau calendrier d’auditions axé sur l’élargissement des problématiques en prenant en compte leur dimension européenne, de poursuivre les échanges avec les régions voisines, de prolonger les actions en direction de la jeunesse en renforçant les partenariats initiés avec l’Education Nationale, d’étudier les pistes d’actions pour lutter contre la criminalisation économique, d’encourager les initiatives au sein de la société corse afin que le sursaut amorcé se poursuivre dans une mobilisation citoyenne durable ».
 
Transparence et fonds publics
Tous les groupes politiques ont, uniment, salué le travail de la Commission.
« Un travail inachevé », explique Gilles Simeoni. Le leader de Femu a Corsica demande « qu’une réflexion de fond soit menée et des mécanismes institutionnels mis en place concernant la gestion et la transparence de l’utilisation des fonds publics. Nous savons bien qu’en matière de marchés publics, il y a des chantiers qui nous concernent au premier chef et qui relèvent du bon fonctionnement de la démocratie. Nous avons, en tant qu’élus, une responsabilité, nous devons intervenir et pas attendre l’intervention des magistrats du pôle économique et financier ».
Un souci partagé par Jean-Guy Talamoni, président du groupe Corsica Libera : « Le contrôle des fonds publics et l’évaluation des politiques publiques relèvent de notre compétence. Nous continuons à demander qu’un organe de la CTC, indépendant de l’Exécutif, soit créé pour opérer ce travail de contrôle ». Il demande le transfert à la CTC de certaines compétences régaliennes de l’Etat, comme c’est le cas dans d’autres régions européennes. « Il nous sera difficile de faire pire que ce que l’Etat français fait depuis trois siècles en Corse ! ».
 
Des Paceri et de l’éducation
La démocratie, c’est aussi « le problème » pour le groupe Rassembler pour la Corse. Mais, l’élu libéral, Antoine Giorgi, juge que la CTC ne doit pas outrepasser son rôle : « Il est important de se mobiliser pour le bien de la société corse et de la démocratie. Mais attention, nous ne devons pas nous considérer comme des censeurs ou des juges. Ce n’est pas le rôle des élus que nous sommes. Nous devons être à l’écoute et rester vigilants, mais, en aucun cas, nous ne pourrons apporter de solutions importantes à ce problème ».
Ce n’est pas l’avis du leader d’U Rinnovu, Paul-Félix Benedetti, proche de Me Mariaggi, qui dit, d’abord, son émotion devant le guet-apens tendu, la veille, à son ami. Il fustige « la violence endémique qui touche la Corse depuis longtemps. On ne peut plus accepter qu’on banalise ces actes et qu’on donne un droit de mort ». Il appelle à la désignation de « paceri », des faiseurs de paix, et à la promotion de l’éducation pour « prendre le pas sur les violences ancestrales ».
 
Précarité et banalisation
Pour Antoine Orsini, président du groupe Corse Social Démocrate, cette paix « ne peut se construire qu’à travers la mobilisation de chacun. Cette commission a levé un tabou : celui de parler de la violence en Corse. C’était un sujet que les Corses avaient tendance à passer sous silence. Il n’y a rien de plus dangereux que de banaliser ce phénomène. On parle de développement économique, d’épanouissement des individus et d’avancée de la société… mais ils ne peuvent se faire en dehors de la paix à laquelle nous aspirons tous ».
Pour le groupe Front de Gauche, le nœud du problème est la précarité, « terreau favorable à la violence ». Son président, Etienne Bastelica,en fait le constat : « Les évènements d’hier soir ne sont pas là pour nous rassurer. Ce n’est pas demain, ni après-demain que nous règlerons les problèmes. Le niveau d’homicide pour une île de 300 000 habitants, ce n’est pas le niveau du Mexique, mais presque ! Il faut poursuivre le travail. Il n’y a pas de démocratie sans justice ! ».
 
Des images perverses
En l’absence de Paul Giacobbi, c’est le conseiller exécutif Paul-Marie Bartoli, qui appelle à poursuivre les efforts, notamment en direction de la jeunesse : « Il faut combattre l’image perverse de l’argent facile en faisant comprendre à notre jeunesse que l’argent facile, ça n’existe pas, et combattre l’effet pervers du droit coutumier. La violence multiforme, qui gangrène notre société, ne mène à rien et ne résout rien. Tous ensemble, nous devons poursuivre, avec humilité, pour convaincre notre jeunesse qu’elle soit se détourner de cette dérive mortifère ». Dominique Bucchini conclut sur une note d’optimisme : « Je suis content de cette unanimité et que l’ensemble des groupes soit d’accord pour continuer le travail ».
Un travail dont il est fort difficile de mesurer l’impact réel. La Commission Violence est née à un moment où la Corse était secouée par des meurtres à répétition. Le premier rapport d’étape a clôturé une année noire. Cinq ans, après, une tentative d’homicide, perpétrée la veille de la présentation du second rapport, vient rappeler que tout reste à faire.
 
N.M.
 

Dominique Bucchini : « Mon vœu est que la future Assemblée continue le travail car il est nécessaire de creuser le sillon de la démocratie en Corse ».