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Comme à San Gavinu di Fium'Orbu, Sant' Antone di u porcu fêté dans de nombreux villages


J.L le Samedi 15 Janvier 2022 à 12:19

Dans de nombreux villages en Corse, le 17 janvier on honore Saint Antoine Abbé que l'on nomme Sant'Antone di u porcu. Ce saint patron, gardien des bergers et des charcutiers offre une tradition millénaire qui varie selon les différentes localités insulaires. A San Gavinu di Fium'Orbu, U Santu est célébré chaque année le 17 janvier. Charles Bartoli, ancien maire du village nous fait part de cette tradition pastorale.



Archives CNI - Michel Luccioni
Archives CNI - Michel Luccioni
Le culte rendu par les Corses à Sant'Antone di u porcu, qu'il ne faut pas confondre avec Saint Antoine de Padoue, est ancien et encore très vivace. Selon la tradition chrétienne, on apprend que ce saint né en Egypte d'une famille d'agriculteurs, partage tout ses biens et se retire dans le désert, il devient le symbole de l'érémitisme. "En Corse, nous dit Charles Bartoli, les chapelles sont souvent en région montagneuse, on sait que dans certaines vivait un ermite qui accueillait les bergers et les chasseurs auxquels il offrait le gîte et le couvert. A Palneca, la présence d'un ermite dans une chapelle est attestée, on lui donnait une dîme, ce qui lui permettait de vivre et de partager avec ses hôtes."

A San Gavinu di Fium'Orbu, dès 1735 on recense une première chapelle dédiée à Sant'Antone di u porcu, dans ce village ce saint est très important, on lui donne d'autres noms comme Sant'Antone di l'alloghju et pour marquer la grande vénération qu'on lui voue on l'appelle u Santu comme pour montrer qu'il est ici le saint patron.
"A l'origine, il y avait une chapelle et tout près sur un promontoire rocheux, une statue de Sant'Antone en stuc qu'on vénérait, raconte l'ancien maire du village, ensuite, en 1862 la paroisse de San Gavinu a acheté une statue en bois celle qui est toujours dans l'église, et au pied de Sant'Antone on peut voir un cochon".

Dans la région, cette statue a un caractère identitaire marqué, elle est à l' image des villageois comme le confie Charles Bartoli "lorsqu'on observe la statue et particulièrement le cochon à ses pieds, on se rend compte que l'animal a les mêmes caractéristiques que les cochons de chez nous, et comme nombre de personnes ici, u Santu élevait des cochons et protègeait les châtaigniers, c'est une statue identitaire, on se retrouve dans cette statue, Sant'Antone est Corse."
 
Le cochon et le châtaignier sacrés
Selon la légende, Sant'Antone guérissait la maladie donnée par l'ergot de seigle, sa mission est de protéger le foyer, d'éloigner la maladie, d'offrir la protection pour toute l'année. Autrefois, en remerciement d'un vœu exaucé autour d'un événement grave, ou de la réalisation d'un souhait, on offrait un cochon ou un châtaignier au Santu.

"La tradition voulait que les éleveurs porcins offrent des cochons à Sant'Antone, alors on marquait d'une croix le flanc de l'animal dédié au saint. Les gens respectaient ces animaux même s'ils faisaient des dégâts. Quand on abattait les cochons, on donnait la charcuterie ou l'argent qu'on retirait de la vente de celle-ci au prêtre. Ce dernier tenait un registre sur lequel il notait les frais de la paroisse et surtout il soulageait les misères.", explique l'ancien élu. 

C'est bien là, le fondement premier de cette tradition, le partage des biens comme on partage le pain béni de Sant'Antone le 17 janvier, jour de la fête patronale. Le châtaignier est aussi offert au culte de Sant'Antone comme reconnaissance de vœux accordés, ces ex-voto de la nature prennent alors une dimension sacrée et respectée de tous. Charles Bartoli reprend "on marquait d'une croix gravée sur l'écorce des châtaigniers qu'on offrait à u Santu. Ensuite, au moment de la récolte des châtaignes, on faisait un don à l'église. Il existe encore des châtaigniers di u Santu mais la croix s'est effacée, cependant certains anciens du village savent toujours où ils se situent." 

Une tradition qui perdure

Si la tradition de la croix inscrite sur les animaux et les arbres a disparu, celle de l'adoration du Santu perdure, ainsi le 17 janvier comme chaque année, à San Gavinu di Fium'Orbu, on assiste à un office religieux suivi d'une procession qui entonne ce refrain sacré  'Mi prostro supplice di nanzu à tè, O Sant'Antone prega per mè'. Après, vient le temps du partage des petits pains bénis et depuis toujours les villageois se réunissent, alors une centaine de convives partage un repas festif qui clôt cette journée.
Cependant, depuis 2 ans la crise sanitaire est venue perturber la tradition, on ne se rassemble plus autour d'une belle tablée. Peut-être faudrait-il renouer avec l'ancienne tradition du cochon et du châtaignier sacrés et les marquer à nouveau d'une croix pour implorer la fin d'une pandémie qui perdure encore et toujours.