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Collectivité de Corse : Un nouveau contrat avec les territoires pour mieux adapter les aides aux besoins locaux


Nicole Mari le Samedi 4 Juin 2022 à 21:21

Mieux adapter les politiques de la Collectivité de Corse aux besoins des territoires à travers un nouveau contrat gagnant-gagnant avec les communes et les EPCI. C’est la nouvelle stratégie de l’Exécutif de la Collectivité de Corse, adoptée, vendredi, lors de la session de l’Assemblée de Corse. L’idée est de concentrer l’aide publique sur des projets structurants et des objectifs prioritaires. Un changement de modèle salué par tous les groupes avec quelques bémols, l’opposition estimant globalement que la démarche ne va pas assez loin.



Contractualiser avec les territoires sur des projets structurants et des objectifs prioritaires. C’est le nouveau système de gouvernance territorialisée qu’entend mettre en place la Collectivité de Corse (CDC) pour mieux adapter les politiques publiques aux besoins locaux. « C’est une première étape de la territorialisation des politiques publiques de la Collectivité de Corse. Elle pose les jalons d’une relation partenariale nouvelle entre la CDC et les territoires. Elle s’appuie sur un dialogue renforcé entre les acteurs, sur une logique de projets, plus que sur une logique de coup par coup. Il s’agit de proposer un nouveau système, un contrat gagnant-gagnant. Gagnant pour la CDC parce qu’il renforcera la cohérence et la convergence de nos actions en les adaptant mieux aux spécificités des territoires. Gagnant pour les territoires parce qu’il permettra de définir des objectifs prioritaires, des actions structurantes et l’accompagnement spécifique pour les atteindre et les réaliser », explique Julien Paolini, conseiller exécutif et président de l’Agence de l’urbanisme et de l’énergie (AUE). L’idée est de passer un contrat de territoire qui fait converger les priorités de développement des territoires et celles portées par la CdC à travers ses politiques publiques et qui fixe des objectifs d’efficacité, d’équilibre et d’équité. Des objectifs stratégiques établis depuis 2015 par l’Exécutif nationaliste, tels que la langue, la politique énergétique, la lutte contre la spéculation, la culture, le patrimoine, la transition écologique, la précarité… « Ces projets doivent respecter les principes défendus par l’Exécutif : transparence, équité et solidarité ».

Julien Paolini. Photo Michel Luccioni.
Julien Paolini. Photo Michel Luccioni.
Une stratégie partagée
L’Exécutif identifie deux partenaires privilégiés, les communes et les EPCI, avec lesquels il propose une méthode de concertation et de co-construction. « C’est une stratégie partagée dans le strict respect des compétences des deux parties. Cette phase de concertation est essentielle aussi bien pour l’élaboration des futurs contrats que pour leur mise en œuvre opérationnelle ». Deux niveaux de contractualisation sont proposés : « le premier global entre la CDC, un EPCI et ses communes, un niveau intermédiaire entre la CDC et un groupe de communes. On ne s’interdit pas d’autres niveaux de contractualisation : par exemple, supra avec des scots et infra avec des groupes de communes liées par une cohérence géographique, sociale, historique… ». L’un des enjeux est de dépasser les limites administratives de l’intercommunalité pour prendre en compte de nouveaux périmètres et contractualiser, ainsi, à des échelles plus pertinentes, « l’échelle d’une pieve, d’un rughjoni, d’une vallée, d’un ancien canton. Par exemple, avec un groupe de communes qui sont propriétaires d’un même massif forestier, comme Rospa Sorba, de manière à redynamiser la gestion de nos forêts. Autre exemple : l’assainissement sur des bassins versants comme celui du Taravu. Des sujets stratégiques comme l’eau et l’assainissement, l’urbanisme, sont aussi à discuter avec les communes. Il faut aller plus loin : pouvoir financer au cas par cas des moyens d’ingénierie afin d’élaborer les projets et de les mettre en œuvre ». ll ne s’agit pas, pour l’Exécutif, de créer de nouvelles aides, mais de mobiliser et de mutualiser les moyens existants, de redéployer tous les règlements d’aide sectorielle dans un objectif de transversalité et de coordonner les actions avec l’Etat. « Ce sont les enjeux de la discussion sur la contractualisation qui devrait durer six mois ». Julien Paolini annonce qu’il va prendre en compte les recommandations du CESEC dans les cinq amendements présentés.

Le groupe U Soffiu Novu avec Cathy-Cognetti-Turchini. Photo Michel Luccioni.
Le groupe U Soffiu Novu avec Cathy-Cognetti-Turchini. Photo Michel Luccioni.
Changer de modèle
Ce nouveau système reçoit, sur le principe et l’intention, l’approbation de tous les groupes politiques, avec quelques bémols dans ses modalités d’application. « C’est une démarche intéressante pour les territoires, mais qui comprend des contraintes », souligne Cathy-Cognetti-Turchini, élue d’U Soffiu Novu. Elle fait remarquer que « les attentes des territoires peuvent différer de celles de la CDC » et s’inquiète de savoir si « une mise à disposition d'ingénierie pour les projets des territoires et moyens financiers sera proposée seulement si l'EPCI rentre dans le rang ». Idem pour les financements, « la contractualisation proposée par la CDC deviendrait le guichet unique pour accéder aux programmes actuels. Ce n’est pas la bonne stratégie ! ». La vice-présidente de la ComCom du Centre Corse embraye sur son cheval de bataille : la défense du rural. « Nous sommes dans le besoin, et bientôt toutes les autres intercos le seront aussi au vu du problème qu’elles rencontrent sur leur budget déchets… Nous avons essayé de trouver la solution qui soit la plus socialement acceptable pour nos populations déjà fragilisées qui ne sont en rien les comptables de ce déficit. Au-delà de ce rapport, nous pensons qu’un projet de développement doit, d’abord, s’affirmer autour de la solidarité. Notre volonté est de fédérer et de créer du lien social et une ligne de solidarité. La crise sanitaire nous a fait comprendre que la précarité est grandissante dans nos communes et que nous devons œuvrer fortement à travers cette solidarité envers les territoires et les personnes ». Et de marteler : « Nous sommes des élus de petites communes de la montagne et du rural qui cumulent les handicaps et les inégalités dans le domaine économique et social. Ces handicaps ne sont pas gommés par notre ComCom qui a augmenté, ces dernières années, la pression fiscale sur nos administrés sans proposer des services de qualité dans le cadre des compétences qu’elle exerce ». Pour pallier ces difficultés, il est indispensable, ajoute-t-elle, « de changer de modèle, d’organisation en faisant preuve d’une réelle détermination politique. Les territoires de projet doivent être des bassins d’initiatives coordonnées car le territoire de projet doit se réinventer et s’adapter en permanence à un contexte changeant ».

Une approche différenciée
Jean-Christophe Angelini, président d’Avanzemu, salue l’intention posée. « On ne peut pas parler d’aménagement du territoire sans parler de répartition démographique. Quand un territoire comme la Castagniccia qui, au début du 20ème siècle, avait la densité la plus haute d’Europe, est désertifié aujourd’hui, se pose le sujet du vieillissement de la population. Il faut réformer en profondeur et simplifier les outils. Il faut penser la relation aux territoires de manière différenciée ». Seulement, estime-t-il, « la CDC n’a pas été conçue pour territorialiser. Ce sujet doit être mis sur la table avec Paris. Il faut aussi considérer les ressources et le comportement de l’Etat ». Pour le maire de Portivechju, « Il n’y a pas de solution si les territoires ne sont pas eux-mêmes en capacité de contractualiser et de supporter les infrastructures. C’est valable dans le domaine des déchets, de l’énergie, des activités sportives et culturelles… ».

Paul-Félix Benedetti. Photo Michel Luccioni.
Paul-Félix Benedetti. Photo Michel Luccioni.
Une data force
Différencier les politiques en fonction des territoires est le sujet-clé pour Paul-Félix Benedetti, président de Corse in Fronte : « Il faut faire la sélectivité d’un territoire par rapport à un autre. Il faut définir des zones prioritaires et bonifier les moyens sur ces zones. Prioriser, par exemple, les zones de désertification. On parle de politique équitable, mais équitable ne veut pas dire juste ». Il demande « plus de flexibilité dans les financements pour éviter les logiques de revitalisation et créer de la ressource ». Pour lui, la territorialisation passe par la délocalisation des services sur le territoire. « Il faut une data force pour se déployer sur le territoire, mettre sur pied une ingénierie territoriale comme l’a fait la France d’après-guerre, créer des outils et les mettre à la disposition des communes et EPCI ».
 
Une échelle pertinente
A la droite qui affirme que « seuls les découpages administratifs sont pertinents », la présidente de l’Assemblée, Nanette Maupertuis, répond « Il y a souvent des incohérences fondamentales au regard des problématiques posées, on s’en accommode, mais cela ne veut pas dire qu’on ne réfléchit pas à des choses nouvelles à mettre en œuvre. Il est tout à fait normal que nous décidions quelle est l’échelle pertinente du développement territorial. L’Union européenne refait aujourd’hui les zonages transfrontaliers pour être plus efficace. Il faut déterminer, au regard d’une problématique précise, le territoire pertinent à mettre en œuvre. Je ne vois pas pourquoi les modalités de la politique publique ne changerait pas à partir du moment où on a une logique de co-construction ». Un avis partagé par Julien Paolini qui conclut à la nécessité de « refonder notre politique d’aménagement du territoire ». Le rapport a été amendé et adopté à l’unanimité des votants, l’opposition s’étant abstenue ou n’a pas participé au vote. A partir de juillet, débutera une série de six réunions avec les intercommunalités avec des signatures de contrat prévues au premier semestre 2023, d’abord sur une durée de trois ans, puis de six ans.
 
N.M.