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Bastia : vives tensions après le non-renouvellement d’un médecin à l’hôpital


Léana Serve le Jeudi 24 Avril 2025 à 17:10

Le collectif des praticiens hospitaliers de Haute-Corse, créé au début du mois d’avril, dénonce dans un communiqué de presse le non-renouvellement du contrat d’une gynécologue-chirurgienne spécialisée dans le traitement du cancer du sein. Une décision qui pourrait entraîner la fin de cette activité à l’hôpital de Bastia, seul établissement agréé en Haute-Corse pour ce type d’intervention.



Archive CNI
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Le climat se tend entre les praticiens et la direction du centre hospitalier de Bastia. Dans un communiqué de presse diffusé ce mercredi, le collectif des praticiens hospitaliers de Haute-Corse, créé le 9 avril dernier, dénonce une décision administrative jugée “lourde de conséquences” pour l’offre de soins. En ligne de mire : le non-renouvellement du contrat d'une gynécologue-chirurgienne spécialisée en chirurgie mammaire. Selon le collectif, la praticienne devait poursuivre son activité au sein de l’hôpital à hauteur de 40 %, sans assurer de garde, un fonctionnement “validé en interne” pour une durée de six mois. Mais le collectif indique que le 1er avril dernier, le médecin a été informé “de manière unilatérale et sans convocation préalable, du non-renouvellement de son contrat, avec une cessation d'activité annoncée au 30 juin”.

D’après le collectif, “le motif avancé par l'administration reposerait sur une éventuelle prise de contact avec un établissement privé pour une activité bénigne et sur l'absence de garde, pourtant validée et assumée par l'ensemble de l'équipe médicale”. Une justification que rejettent les membres du collectif. “Elle a simplement demandé s’il était envisageable de pratiquer les interventions bénignes, hors cancérologie, dans les cliniques aux alentours, faute de place au sein de l’hôpital”, explique l'une des membres. “Elle s’est simplement renseignée sur la possibilité d’exercer une activité complémentaire, non concurrentielle de celle de l’hôpital.” Selon elle, d’autres médecins de l’hôpital ont pourtant des conventions leur permettant de travailler à temps partiel dans le privé, notamment depuis la crise du Covid.


Une incertitude sur l'avenir de la chirurgie mammaire

Le centre hospitalier de Bastia est le seul en Haute-Corse à disposer d’un agrément pour la chirurgie du cancer du sein, et l’annonce du départ de la praticienne pourrait alors entraîner un effet domino. Les deux autres gynécologues, également contractuels, “ont indiqué qu'ils ne renouvelleraient pas leur engagement” si leur collègue devait partir, ce qui signifierait, de fait, la fin de la chirurgie mammaire dans le département. “Il y a des patientes qui ont déjà des interventions programmées pour cet été”, alertent les membres du collectif. “Les patientes devront aller se faire opérer sur le continent, alors que le cancer du sein est le plus fréquent chez la femme, et que les cas augmentent, notamment chez les jeunes.”

Cette situation survient dans un contexte national de pénurie médicale, où les postes sont difficiles à pourvoir, surtout en milieu insulaire. “On fait des efforts pour former des étudiants en Corse, pour qu’ils restent, mais une fois sur place, au bout de deux ou trois ans, ils repartent, faute de considération. Si on croit qu'on peut se passer de trois chirurgiens qui étaient motivés être à l'hôpital, c'est vraiment qu'on n'est pas dans la réalité.”
Ce mardi, les trois gynécologues en poste à l'hôpital de Bastia ont été reçus par la direction, espérant trouver une solution à cette crise. D’après le collectif, “la direction, au lieu de leur proposer des solutions, leur a simplement renvoyé la responsabilité du problème, en insinuant que c’était de leur faute si la situation ne fonctionnait pas”.


Un appel à une meilleure concertation

Au-delà de cette situation, c’est un fonctionnement plus global que les des praticiens hospitaliers rassemblés, désormais en collectif, dénoncent. Selon eux, la rupture entre la direction et les soignants est désormais profonde. “Il y a une cassure entre les praticiens et la direction. Des décisions sont prises dans notre dos, alors qu’on est les acteurs principaux de l'offre de soins. Comment peut-on arrêter le contrat d’un praticien sans même prévenir toute la communauté médicale ?” Le collectif demande alors à être intégré aux décisions stratégiques, en particulier celles touchant à l’organisation de l’offre de soins. “On ne peut pas continuer à fonctionner comme ça. Je ne vois pas comment ils vont pouvoir proposer une offre de soins sans praticiens.”

Contacté, l’hôpital de Bastia affirme que la direction “a toujours veillé au bon fonctionnement
des instances de l’établissement afin de privilégier le cadre d’un dialogue serein et
constructif, élément indispensable au pilotage d’un établissement de santé
”, mais qu’elle
refuse d’échanger sur une situation individuelle avec pour interlocuteur un ou des
anonymes”.

Dans un communiqué, le centre hospitalier indique : “Il nous paraît également
important de dire que des propositions de poursuites d’exercice ont été faites au médecin
concerné. Nous regrettons profondément le ton alarmiste et les contre-vérités contenues
dans les déclarations du collectif. La direction et les instances du centre hospitalier de Bastia
ont toujours œuvré au renforcement des spécialités médicales sur le territoire dans un
contexte particulièrement contraint par la démographie médicale. Nous avons soutenu et
accompagné le développement de la chirurgie mammaire et plus largement le renforcement
de la filière cancérologique sur le territoire, et nous continuerons à le faire. Nous tenons à
rassurer la population sur la poursuite des prises en charge sur cette spécialité
.”
En conclusion, l’hôpital précise qu’il “souhaite éviter les polémiques stériles pour consacrer
notre temps au renforcement de nos équipes médicales et à nos projets ambitieux
”, et qu’il
continuera de défendre les intérêts et les valeurs du service public hospitalier avec pour
objectif réaffirmé de consolider et de développer notre offre de soins au bénéfice des
patients du territoire
”..

Pour les membres du collectif, cette mobilisation n’est qu’un début. Ils affirment vouloir poursuivre leur action tant qu’aucune solution concrète ne sera apportée pour garantir l’accès aux soins sur le territoire. “On demande à être écoutés, et on veut que la direction comprenne que ce n’est que le début de notre engagement.”