La profession de foi de François-Xavier Luciani réside dans cette citation : "Je ne me vends pas, je me fais payer!" Précisant : "En me faisant payer, j'offre aux femmes la légèreté du moment et l'inconséquence des actes."
François-Xavier Luciani écrit depuis l'adolescence, mais son travail d'écrivain débute véritablement en 1994. "Bastia pour dames" a été rédigé en 1995.
François-Xavier Luciani est également l'auteur de plusieurs autres manuscrits; romans : (Subjonctif, MatHum); essais (Suicide Trash, Trop, Rhetorikland); scénario (Osana); pièce de théâtre (Thalamus & Cortex).
- Vous semblez définir votre livre "Bastia pour dames" comme étant le premier roman érotique corse. Pensez-vous que l'érotisme est absent sur notre île? Le sexe est-il un sujet tabou?
- Je ne définis pas mon texte comme le premier roman érotique corse. C'est mon éditeur qui constate un fait... A ce titre, je m'attendais à un accueil bien plus "moralisateur" de la part des insulaires. Cette attente d'une réaction négative qui n'est pas venue est signifiante de deux choses. Nous (les corses) fonctionnons dans l'autocensure alors que nous sommes ouverts d'esprit. C'est un paradoxe plutôt positif parce qu'il dénote du respect et de l'intelligence. En croyant que s'exprimer sans tabou va offusquer le plus grand nombre, les corses se comportent avec pudeur. Mais lorsque l'un d'entre-nous ose écrire sur le sexe en Corse, dans la mesure où il se montre respectueux de l'anonymat et de la bienséance, son texte est finalement bien reçu car cela casse une image de pudibonderie que nous subissons bien plus que nous la cultivons.
En Corse, le sexe n'est pas tabou, la vulgarité si !
- Avec le titre "Bastia pour dames, confession d'un putain" est-il vraiment nécessaire de préciser que le livre s'adresse à un public averti ?
- L'éditeur (Albiana/Au coin de la rue) l'a jugé utile car le sous-titre est écrit en petits caractères. Et, il faut le dire, Guy Firroloni (fondateur de la maison d'édition) s'est évité ainsi d'inutiles procès.
- Le héros du roman porte votre prénom... Ne vous mettez-vous pas en danger?
- En danger de quoi? L'art de la magagne auquel nous sommes tous rompus en Corse nous prépare plus que dans d'autres cultures à des lectures au deuxième voire au troisième degré.
- Vos lecteurs sont-ils en majorité des hommes ou des femmes?
- D'après ce que je constate, neuf de mes lecteurs sur dix sont des femmes.
- Les lecteurs masculins ne sont-ils pas un peu envieux du succès que le héros a pu avoir auprès de la gent féminine?
- Peut-être, mais sans le dire explicitement. J'ai relativement peu de retour de lecture d'homme sur le site www.bastiapourdames.com . Les femmes s'y expriment volontiers par contre, et toujours de façon pertinente, j'en suis souvent ému. L'une d'entre elles a résumé clairement son sentiment en me disant qu'elle s'était sentie "mise à nue en temps que femme"... Imaginez ma fierté d'écrivain!
- Pourquoi situer l'action du roman à Bastia? C'est une petite ville de province insulaire. N'avez-vous pas trop choqué les "âmes sensibles"?
- Oui "Bastia pour dames sensibles" eut pu en être un titre cohérent. Mais, là encore, les femmes corses en général et les bastiaises en particulier m'ont fait un accueil plutôt complice. J'ai eu des échanges intellectuels très positifs dans les cafés littéraires; sur le site www.musanostra.fr ; à la bibliothèque de Lupino où Annick Donsimoni m'a fait l'honneur de m'inviter; durant mes dédicaces et autres événements littéraires comme l'interview de Philippe Martinetti sur Via Stella. Mon quatrième de couverture parle "des femmes de Bastia que l'on imaginait plus sages" avec juste raison. Jeanne Tomasini, l'écrivain, âgée de 93 ans, a beaucoup apprécié mon texte. Elle s'est révélée plus jeune d'esprit que d'autres femmes dont elle aurait pu facilement être la grand-mère.
- Le livre est-il acheté sans trop de pudibonderie? Avez-vous des échos de la réaction du public insulaire?
- Il n'y a pas de réaction type. Essentiellement partagées entre l'attirance ou la répulsion franches, rares sont les personnes qui restent indifférentes à l'association du titre et du sous-titre. Mais j'ai trop peu de réactions négatives à mon goût. Peut-être que les vrais détracteurs n'osent tout simplement pas se manifester.
- Pour les amoureux de littérature qui ne connaissent pas votre ouvrage pouvez-vous lever un peu le voile? Donner envie de le découvrir?
- Donner envie c'est séduire. Je ne cherche pas à séduire ceux qui veulent uniquement du texte chaud ou qui utilisent mon roman comme un ouvrage à clés pour tenter de mettre un visage sur les héroïnes bastiaises que j'évoque. Les amoureux de la littérature représentent l'essentiel de mes "admirateurs". Ils reconnaissent combien je suis avant tout mû par le plaisir de la langue.
Pour donner envie de découvrir ce texte, je dirais qu'outre la narration des aventures de François-Xavier qui en vient à se faire payer parce que c'est le meilleur moyen pour lui de s'assurer du désir féminin, cette confession explore de nombreuses questions existentielles sur ce lien de rencontre qu'est la sexualité.
- Qu'elle est votre actualité?
- Je viens de terminer un roman "MatHum", thriller d'anticipation. Je réponds à de nombreuses invitations littéraires. Je suis sollicité pour participer à des manifestations sur le continent. Je prépare des conférences.
- Avez-vous des projets en cours?
- J'ai toujours plusieurs textes qui mijotent. Vient le moment où je m'isole pour trois ou quatre mois, pour écrire. Chaque fois que je pose le mot "fin" c'est un mélange entre sentiment d'accomplissement et regret que cela s'arrête.
- Que peut-on vous souhaiter pour 2014?
- De voir publier un ou deux autres livres. Que mes textes rencontrent le monde du cinéma ou du théâtre. Que je sois mis enfin en présence de ce lectorat pour qui j'écris depuis vingt ans.
En conclusion de cet entretien avec Corse Net Infos, François-Xavier Luciani a tenu à s'exprimer sur son art, à savoir l'écriture :
"L'écriture est une pratique qui inscrit le lecteur dans une temporalité : la lecture. Cette lecture est un acte. Ainsi, au sens propre du terme, l'écriture est interactive même si elle ne s'inscrit pas dans l'immédiateté. Elle fait appel à un savoir savant du lecteur : sa connaissance de la langue et du champ culturel qui en est le référentiel; mais elle fait aussi appel à un savoir profane, celui du corps, de la sensibilité, de l'imaginaire. L'imaginaire est collectif, l'auteur ne peut en exiger l'exclusivité. C'est ainsi que l'écriture se comporte comme un médium. Au sens d'outil de communication. Un outil particulier puisqu'il traverse le temps. Les textes d'Aristote ont été écrits il y a vingt trois siècles et ils ne cessent de communiquer une pensée en devenir. C'est là, dans cette intemporalité de la pensée, que se trouve le sel de l'écriture. Même lorsque j'y introduis un peu de soufre !"
Odile AURACARIA