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Ajaccio : un Institut du Sein ouvre à l'hôpital de la Miséricorde pour mieux accompagner les patientes atteintes de cancers


le Samedi 25 Octobre 2025 à 09:17

À partir du 3 novembre, l’Institut du Sein Ajaccien sera opérationnel à l’hôpital de la Miséricorde. Cette nouvelle structure, inaugurée vendredi dernier, doit permettre une meilleure coordination entre les professionnels impliqués dans la prise en charge des cancers du sein et gynécologiques, avec un suivi de proximité assuré tout au long du parcours des patientes



Le Dr Coline Vrécourt (à gauche), chirurgien gynécologue et présidente de l'ISA, et les deux infirmières coordinatrices de parcours, Lisa Pantalacci et Sandra Derudas
Le Dr Coline Vrécourt (à gauche), chirurgien gynécologue et présidente de l'ISA, et les deux infirmières coordinatrices de parcours, Lisa Pantalacci et Sandra Derudas
C’est une petite révolution pour les femmes atteintes d’un cancer du sein ou d’un cancer gynécologique dans la région ajaccienne. À partir du 3 novembre prochain, l’ISA – comprendre l’Institut du Sein Ajaccien – va venir faciliter leur parcours dans le cadre d’une prise en charge « décloisonnée, bienveillante et de proximité ». Cette nouvelle structure installée au sein de l’hôpital de la Miséricorde et inaugurée vendredi dernier en présence de l’ancienne ministre de la Santé, Agnès Buzyn, vise à rassembler un réseau de professionnels de la santé spécialisés dans le cancer du sein et du pelvis afin de favoriser une meilleure coordination entre les différents acteurs. 
 
« Tout est parti de constats, de retours d'expérience de patientes. On a constaté que si des patientes décident toujours de prendre l’avion pour aller faire se soigner sur le continent c’est soit par méfiance de l’hôpital, soit à cause d’un problème de lisibilité, soit par méconnaissance. On a aussi pu observer qu’il existe un sentiment d'abandon après la fin des traitements, ainsi qu’un sentiment de désorganisation et de manque de coordination », explique le Dr Coline Vrécourt, chirurgien gynécologue au Centre Hospitalier d’Ajaccio et présidente de l’ISA, « Beaucoup de patientes nous ont dit qu’il existe beaucoup de choses en Corse, mais que par contre il manque un fil conducteur, un lien. Par ailleurs, elles nous ont aussi dit qu’à la maison, elles manquent de support, elles ne savent pas qui appeler en cas de problème, sur quoi se reposer. Elles nous ont dit qu’elles préfèrent se faire soigner sur le continent par ce que le parcours est plus simple. C’est donc à nous de faire un travail pour qu’il existe un tel parcours ici aussi ».
 
 
Des constats de terrain à la naissance d’un projet
 
Dans le même temps, une idée germe après une rencontre décisive en novembre 2023. Lors d’un congrès de la Société française de sénologie et de pathologie mammaire, le Dr Vrécourt rencontre la Fédération des instituts du sein qui rassemble déjà une vingtaine de structures dans son réseau, dont le Bastia Institut du Sein qui existe depuis une dizaine d’années.  « Ils m’ont expliqué tout leur process, tout leur parcours, comment fonctionne un institut du sein. Quand j’ai ramené ces informations à l’équipe de l’hôpital d’Ajaccio, on s’est dit “go, on le fait aussi”. Nous avons présenté le projet à l’hôpital et à l’ARS qui nous ont soutenus », dévoile-t-elle. 
 
Dès ce moment, les membres fondateurs – à savoir le Dr Vrécourt, mais aussi la cheffe du service de gynécologie, le Dr Émilie Demarquet, le gynécologue-obstétricien Dr Damien Canazzi, les Drs Jean-François Berdah et Nadia Levasseur en oncologie, les Drs Marie-Aimée Acquaviva et Séverine Prapant en radiothérapie, ainsi que les anatomopathologistes Ruth Borges et Mathias Colantonio (du laboratoire Cerbapath), et le médecin nucléaire Dr Samuel Burg - se rassemblent autour du projet, conscients qu’il est indispensable d’enfin créer ce fil conducteur entre les différents acteurs du soin. « Nous nous sommes réunis entre professionnels, acteurs de la prise en charge des cancers du sein et gynécologiques, et nous avons aussi interrogé les médecins de ville, parce que ce sont eux qui sont au plus près des patientes », explique le Dr Vrécourt. « À partir de ces retours, nous avons créé l’Institut du Sein Ajaccien, une association loi 1901 à but non lucratif, afin de construire de vrais parcours de soins ».

L'ISA a été inauguré il y a quelques jours en présence d'Agnès Buzyn, l'ancienne ministre de la Santé
L'ISA a été inauguré il y a quelques jours en présence d'Agnès Buzyn, l'ancienne ministre de la Santé
Commence alors un long travail pour mettre sur pied la structure, établir la partie technique, constituer le bureau et recruter les coordinatrices de parcours, le tout grâce au financement de l’ARS et du centre hospitalier d’Ajaccio, avec le soutien de plusieurs laboratoires.
« Au final, nous avons créé un lieu et un numéro de téléphone uniques, auxquels les patientes pourront se référer tout au long de leurs parcours et après leurs traitements. Les coordonnatrices de parcours seront toujours présentes pour répondre à leurs attentes et les accompagner », précise la présidente de l’ISA. Ces deux infirmières, formées spécifiquement, seront joignables du lundi au vendredi par mail et sur un numéro de téléphone portable. « Nous avons tenu à ce que ce soit un portable, pour pouvoir laisser une messagerie claire sur les horaires, rappeler les patientes et éviter toute rupture », précise le Dr Vrécourt.
 
 
Un accompagnement complet, humain et coordonné
 
Les coordinatrices, Lisa Pantalacci et Sandra Derudas, deviendront le véritable pivot de la prise en charge. « Leur rôle, c’est d’organiser la filière dès la suspicion de cancer. Si une patiente a une mammographie anormale, son médecin ou son gynécologue pourra directement appeler l’Institut. Les coordinatrices déclencheront alors le parcours : mammographie, biopsie, puis rendez-vous avec le chirurgien. Parfois, les patientes auront déjà un diagnostic, et dans ce cas, on s’adaptera à l’étape où elles en sont », détaille le Dr Vrécourt en appuyant par ailleurs sur le fait que l’objectif n’est pas de tout reconstruire, mais d’aider à mieux naviguer dans ce qui existe déjà. « On ne démonte rien. On aide simplement les patientes à organiser leurs rendez-vous, parce qu’après le mot cancer, beaucoup se sentent perdues. Et pourtant, il y a tout un enchaînement de soins, le scanner, l’IRM, la radiothérapie, la chimiothérapie… Le but, c’est de les soutenir à ce moment-là, et d’évaluer à chaque étape leurs besoins de soins de support ».
Cette écoute personnalisée sera d’ailleurs au cœur du dispositif. « Le jour du diagnostic, ce n’est pas le moment de leur parler de sophrologie, d’hypnose ou d’acupuncture. Il faut d’abord les accompagner dans l’urgence du parcours. Puis, petit à petit, évaluer leurs besoins. Cela demande une sensibilité particulière, c’est pour ça que les coordinatrices ont été formées à pouvoir répondre à ces besoins ».
 
Pour pouvoir proposer un accompagnement personnalisé, l’ISA s’appuiera aussi sur un réseau de psychologues, de socio-esthéticiennes ou encore d’associations existantes. « Le but n’est pas de dupliquer ce qui fonctionne déjà. Par exemple, à la Marie-Do, des ateliers de parole sont proposés une à deux fois par mois. À la Ligue contre le cancer, un atelier cuisine sert souvent de moment d’échange. On ne va pas créer un contre-atelier, mais relayer ces initiatives pour que les patientes soient informées et puissent y participer », insiste le Dr Vrécourt.
 
Au-delà de l’accompagnement individuel, l’ISA veut aussi devenir un lieu d’échanges entre soignants. « On va organiser des réunions sur l’organisation des soins et des soirées thématiques avec les médecins et infirmières de ville. Parler, par exemple, des complications post-opératoires ou des avancées en médecine de précision. C’est aussi le rôle d’un institut du sein », note encore la président de l’ISA qui ambitionne également que l’institut puisse permettre de renforcer la prévention et d’encourager le dépistage, le diagnostic précoce restant clef dans le traitement des cancers.
 
« Il existait déjà beaucoup de choses ici, il fallait juste créer le lien. Maintenant, ce lien est là », se réjouit encore le Dr Vrécourt. Et de conclure : « C’est un travail de longue haleine, mais nous y avons tous cru. Aujourd’hui, c’est une fierté de pouvoir dire qu’à Ajaccio, les femmes auront désormais accès à un accompagnement complet, humain et coordonné, sans avoir besoin de quitter l’île ».