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Abus sexuels dans l'Église : à quoi va servir la commission du diocèse de Corse ?


Naël Makhzoum le Mercredi 1 Février 2023 à 20:08

Après les réflexions entamées sur la question des victimes d'abus sexuels au sein de l'Église, une commission spécifique a été mise en place par le diocèse d'Ajaccio. Celle-ci pourra recenser les cas éventuels existant en Corse, accompagner les victimes et les rediriger, si besoin, vers un procureur de la République grâce à la mise en place d'un nouveau protocole.



Plus d'un an après la publication du fameux rapport Sauvé en octobre 2021, estimant à 216 000 le nombre de victimes d'un prêtre ou d'un religieux en France depuis 1950, le diocèse de Corse accentue son travail sur le sujet. Bien que l'adresse mail de signalement des abus sexuels insulaires (chancellerie.signalement@corse.catholique.fr) est en place depuis 2017, celle-ci n'avait recueilli aucun témoignage avant la vague de libération de la parole ayant suivi la publication de ce rapport en 2021.

Une réflexion avait alors été entamée quant à la création d'une commission de protection des mineurs et des personnes vulnérables. Celle-ci voit le jour en ce début d'année 2023. "Chaque diocèse de France a fait ses choix, en Corse, nous avons décidé d'avoir une commission à responsabilités car il nous a semblé important de ne pas constater, mais d'agir et réagir, pose Monseigneur François-Xavier Bustillo, évêque d'Ajaccio pour la Corse à l'origine du projet. Des personnes du diocèse ont accepté cette tâche délicate et importante. Cette commission a la responsabilité de la prévention, la formation et la gestion des cas."


Même si elle regroupe "un cercle beaucoup plus large" de personnes avec des compétences juridiques, médicales, dans la criminalité, etc; celle-ci se compose de 5 membres. Françoise Luciani, magistrat honoraire à la Cour d'appel de Bastia, la préside. Marie-Jeanne Arrighi, magistrat honoraire à la Cour d'appel de Paris, le Père Joseph Fini, prêtre du diocèse travaillant à l'évêché comme chancelier et le Diacre Alain Rousseau complètent le groupe aux côtés de Mgr Bustillo.

Un numéro de téléphone créé cette semaine

Cette nouvelle commission sera chargée de recueillir les éventuels témoignages envoyés à l'adresse mail de signalement, ou expliqués par voie orale à un nouveau numéro de téléphone. Celui-ci sera mis en place à la fin de la semaine et permettra de joindre directement Françoise Luciani. 

"Notre rôle est de la prendre en compte la personne, l'écouter, l'analyser, la diriger, détaille Mgr Bustillo. Quand on écoute les victimes, on ne peut pas rester indifférents. On a vu des personnes touchées dans leur dignité, leur intimité, avec des problèmes de suicide, de dépression, dans la vie affective, relationnelle, sexuelle..."

En Corse, pour la première fois, deux personnes d'une soixantaine d'années se sont manifestées l'an dernier pour dénoncer des actes de pédophilie vécus aux alentours de 10 ans. Sans aller plus loin en raison du décès des religieux concernés, elles ont tenu à faire entendre leur témoignage, pour ne pas dire que la Corse est une exception.

"Notre manière d'agir est aussi de donner à tous nos fidèles une charte de protection des mineurs et des personnes vulnérables, une forme de déontologie interne, dont le but est de donner des indications pratiques, explique Mgr Bustillo. Le dossier n'est pas très compliqué, avec un style télégraphique, simple, direct et efficace. On est pragmatiques, en prêchant la bienveillance. En tant que parent, si j'ai des enfants et que je les confie à l'Église, je veux sentir qu'ils y sont protégés."

"Notre but n'est pas de créer l'illusion"

Ce document d'une quinzaine de pages se compose d'un rappel de la loi française concernant les violences physiques, psychologiques, les abus sexuels, de pouvoir ou spirituels, ou encore la discrimination. Suivent ensuite des notes concernant le signalement d'abus, puis à destination des prêtres, diacres, religieux en mission pastorale, des jeunes et enfants, ainsi que des précisions concernant l'enseignement catholique, la pastorale sociale et de la santé et des personnes handicapées.

L'objectif est clair : ne pas perdre la confiance des fidèles, pour le moment peu altérée en Corse. "Avec tout ce qu'on a entendu sur les dérives de certains prêtres, certains parents pourraient avoir peur, concède Mgr Bustillo. Notre but n'est pas de créer l'illusion ou d'anesthésier les consciences, mais de rassurer les parents sur le fait que les enfants sont en sécurité. "L'Église doit être une maison sûre", insiste souvent le Pape François. Elle a toujours véhiculé des messages de tolérance, de bienveillance, de respect, d'amour, de pardon. C'est notre volonté, notre engagement."

Autre nouveauté grâce à cette commission : la mise en place d'un protocole d'accord - en passe d'être conclu - entre l'évêque et les procureurs de la République d'Aiacciu et Bastia. La commission pourra alors informer l'évêque si un cas est signalé, lequel pourra faire part directement du dossier au procureur.

"L'Église a voulu sauvegarder l'institution dans le passé, nous, on dit notre volonté de ne rien cacher mais de discerner, analyser et dénoncer, affirme Mgr Bustillo. On doit humaniser nos pratiques car les victimes ont été déshumanisées. A nous de réparer les tords."

Le protocole prévoit également une amélioration de la commission tous les ans, suivant les recommandations des personnes qui remonteront des cas.