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27 ans après Tchernobyl, Fabienne Giovannini plaide pour une reconversion énergétique


Nicole Mari le Samedi 27 Avril 2013 à 23:37

Le 26 avril 1986, éclatait, dans la centrale Lénine située en Ukraine, l'accident nucléaire civil, de niveau 7, le plus grave de tous les temps. La catastrophe de Tchernobyl, qui a contaminé l'Ukraine, la Russie, le Bélarus et une bonne partie de l'Europe, aurait fait au moins 100 000 morts. 27 ans après, alors que l’incident de la centrale de Fukushima au Japon a ravivé le débat sur l’avenir du nucléaire, les écologistes montent au créneau. En Corse, Fabienne Giovannini, élue territoriale de Femu a Corsica, membre du PNC allié à Europe Ecologie les Verts, revient, pour Corse Net Infos, sur les conséquences de cette terrible tragédie et plaide pour une sortie du nucléaire.



Fabienne Giovannini, élue territoriale, membre du PNC allié à Europe Ecologie les Verts
Fabienne Giovannini, élue territoriale, membre du PNC allié à Europe Ecologie les Verts
- Pourquoi revenir sur la catastrophe de Tchernobyl ?
- Jusqu’au 10 mars 2011, Tchernobyl était encore sujet à controverse au niveau officiel, notamment français… Après Fukushima, on nous révèle que « ça n’a rien à voir avec Tchernobyl »,  que « Tchernobyl c’était 10 000 et même 15 000 fois supérieur ! »… Officiellement, car au niveau de la société civile nous avons pesé pour que les choses se sachent, Tchernobyl est donc devenu, encore une fois, quelque chose de subitement très grave, comme pour relativiser Fukushima…
 
- Peut-on mesurer les conséquences, 27 ans après ?
- Depuis 27 ans, l’Ukraine et la Biélorussie, les deux pays les plus touchés, supportent les conséquences de cette terrible catastrophe, avec non seulement l’explosion de cancers de toutes sortes, particulièrement chez les enfants, mais aussi des maladies qu’on n’observait pas auparavant, comme la cataracte chez l’enfant, le diabète, les déficiences immunitaires, les malformations congénitales, etc. Le coût humain ne sera probablement jamais totalement connu. Dans l’Europe entière, et pas seulement en Ukraine ou en Biélorussie, les victimes ont été nombreuses. Kofi Annan, secrétaire général des Nations Unis, déclarait en 2005 : « 9 millions d’adultes et plus de 2 millions d’enfants souffrent des conséquences de Tchernobyl… la tragédie ne fait que commencer ». Depuis, la catastrophe de Fukushima est venue alourdir encore le passif du nucléaire.
 
- Est-ce si difficile de chiffrer le nombre de victimes?
- Outre la culture du mensonge ou du secret, il est difficile de déterminer l’effet sur le long terme de l’ingestion de produits contaminés. Certains habitants sont retournés sur place car ils n’avaient nulle part où vivre. La contamination des sols, de la végétation, de l’eau, rivières et nappes phréatiques, dépasse les 30 km de la zone interdite, décrétée autour de la centrale. Le gouvernement a autorisé l’agriculture. La majorité de la population n’a pas eu d’autre solution que de consommer les produits des jardins. La contamination s’est transmise aux générations suivantes. Les enfants de Tchernobyl sont un drame dans le drame, un scandale dans le scandale du nucléaire ! Aujourd’hui encore, des enfants jouent dans des zones contaminées, boivent du lait et mangent des légumes contaminés… sont malades ou seront malades demain… Beaucoup naissent avec des malformations congénitales, chromosomiques, des déficiences immunitaires, des problèmes cardiaques ou psychologiques, un cancer…
 
- Quel est le bilan pour l’environnement ?
- La zone interdite autour de la centrale représente 55 000 km2 pour l’Ukraine, dont 25 000 km2 de forêts, soit 4,8 % du territoire, 12 régions et 2 300 villes et villages où vivaient, avant la catastrophe, quelques 2 millions de personnes. En Russie, 50 000 km2 ont été condamnés et 1,5 million de personnes ont été déplacées. En Biélorussie, 2,1 millions de personnes, soit 20 % de la population dont 700 000 enfants, vivent sur les 18 000 km2 les plus contaminés. 485 villages ont été évacués dont 70 ont été rasés et enfouis sous la terre. On a enterré tout ce qui était le plus contaminé. Au total, plus de 200 000 km2 ont été touchés, sans parler de l’Europe ! 27 ans après, dans les trois pays les plus contaminés, certaines zones demeurent au-dessus de la dose admissible. Et ne parlons pas de la mortalité et des malformations génétiques chez les animaux ! Espèces animales ou végétales ont énormément souffert de la catastrophe. Les eaux des lacs, des rivières et les poissons resteront contaminés pour des siècles.
 
- Le coût financier, aussi, semble infini … ?
- L’Ukraine et la Biélorussie continuent de consacrer, chaque année, depuis 27 ans, une énorme partie de leur budget national au coût sanitaire de Tchernobyl. Au coût considérable sur les hommes, la nature et les animaux, il faut ajouter celui du traitement de la catastrophe. La construction du sarcophage, le démantèlement de la centrale, la construction du prochain sarcophage (1,5 milliard €), la perte économique de l’abandon sur des territoires entiers de toute activité, agricole, forestière et industrielle, le déplacement et le relogement des populations, l’abandon et la reconstruction de villes entières… Le coût n’est plus mesurable ! À cela s’ajoute, le coût exponentiel de l’industrie du nucléaire, mobilisant une énorme part du budget de la recherche en France (entre 80 et 90%) et le casse-tête insurmontable de la gestion des déchets. Comment, dans ces conditions, affirmer que le nucléaire est une énergie bon marché ! Il est grand temps d’en finir avec une technologie qui creuse la tombe de l’humanité.
 
- Pour le lobby pro-nucléaire, l’atome est un élément-clé de la sécurité de l’approvisionnement énergétique en France. Que répondez-vous ?
- Après Fukushima, le Japon a démontré à quel point le discours du "retour à la bougie" est un mensonge de plus du lobby nucléaire. Si la cinquième puissance économique mondiale a pu procéder, pendant plusieurs mois, à l'arrêt de toutes ses centrales nucléaires, il est donc parfaitement possible de vivre sans le nucléaire. Et c'était en situation d'urgence ! C'est dire qu'avec de la volonté politique et une organisation déterminée, on peut procéder à l'arrêt des centrales dans le monde, et en France particulièrement. D’autant que le nucléaire ne répond qu’au seul besoin en électricité.
 
- C’est-à-dire ?
- La part du nucléaire dans le mix énergétique français est dérisoire. Même si l’atome représente 80 % de la production électrique, il ne totalise que 17% de l’énergie finale. Il ne participe qu’à seulement 13,8% de la production mondiale d’électricité. Sa part dans l’énergie finale est encore plus faible en Europe : 5%, ou dans le monde : 2,7%. De nombreux pays européens (L’Autriche, le Danemark, la Grèce, l’Islande, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, la Norvège, le Portugal..) n’ont pas de centrales nucléaires et ne s’éclairent pourtant pas à la bougie ! C’est le cas pour 170 pays sur les 200 que compte la planète. Et ces pays ne font pas nécessairement le choix des énergies fossiles !
 
- Où en sont les travaux de la commission Tchernobyl à laquelle vous participez activement ?
- La Commission a choisi de ne pas communiquer pour le moment, mais les travaux de l’enquête épidémiologique avancent. Ainsi que ceux de la réalisation du registre régional des cancers. Nous ferons un point d’étape devant l’Assemblée de Corse sous peu. On peut vivre sans le nucléaire, on doit tout faire pour en sortir au plus vite et préserver l’Humanité d’une autre catastrophe majeure.

Propos recueillis par Nicole MARI