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1er mai : en Corse, des commerces prêts à ouvrir mais une loi qui bloque encore


Léana Serve le Mercredi 30 Avril 2025 à 21:11

Le 1er mai, seul jour férié obligatoirement chômé et payé pour tous les salariés, reste un casse-tête pour certains commerces de proximité contraints de baisser le rideau. En Corse, des boulangers et fleuristes pointent une réglementation inadaptée aux réalités locales. Une proposition de loi pourrait bientôt ouvrir la voie à des dérogations encadrées.



Photo d'illustration
Photo d'illustration

Chaque année, la même question revient dans les commerces de proximité : est-il possible d’ouvrir le 1er mai ? Selon le Code du travail, la réponse est claire. Contrairement aux autres jours fériés, pour lesquels l’employeur peut demander à ses salariés de travailler sous certaines conditions, le 1er mai est le seul jour férié obligatoirement chômé et payé pour tous les salariés, conformément à l’article L3133-4. Ce statut à part s’explique par sa portée symbolique. Institué comme fête du travail, le 1er mai rend hommage aux luttes ouvrières, notamment la journée de grève du 1er mai 1886 à Chicago, à l’origine des revendications pour la journée de huit heures. En France, il est devenu jour férié et payé en 1947, avec une reconnaissance juridique renforcée depuis 1986.

Aujourd’hui, seuls certains secteurs dits “indispensables” peuvent déroger à cette règle, comme les services hospitaliers ou les transports. D’autres, en revanche, n’ont pas cette possibilité, même lorsqu’il existe une forte demande de la clientèle. C’est le cas notamment des commerces de proximité, comme les boulangers et les fleuristes, qui ne peuvent pas faire appel à leurs salariés ce jour-là. Résultat : chaque année, de nombreux commerçants se retrouvent contraints de fermer leurs portes, alors même que cette journée pourrait représenter un pic d’activité dans leur calendrier.


Un jour férié qui pèse sur les petits commerces

Pour de nombreux commerçants, le 1er mai représente une occasion manquée de générer du chiffre d'affaires, notamment dans des secteurs comme la boulangerie ou la vente de fleurs. Une frustration renforcée par l’impossibilité de faire appel à leurs salariés pour répondre à la demande, bien réelle, ce jour-là. “Si le fleuriste ferme, c’est une perte sèche. On perd un chiffre d’affaires qui est important par rapport à l’ensemble de l’année”, explique Louise Nicolaï, présidente du syndicat des fleuristes de Corse. Selon elle, le 1er mai est une journée cruciale pour les fleuristes, avec la vente du traditionnel muguet. “Tout le monde a le droit de vendre du muguet le 1er mai, comme ça, en l'état, sans emballage, sans table… Pourtant on interdit aux fleuristes qui ont une boutique et des charges à payer d'ouvrir. C’est vrai que c'est assez dur à avaler.”

De l’autre côté, les salariés eux-mêmes sont souvent partagés. Si certains apprécient leur journée de repos, d’autres sont en demande de travailler, notamment pour profiter d’une rémunération supplémentaire. “Je ne suis pas contre le fait de travailler le 1er mai. Pour moi, un jour férié, un jour de semaine ou un jour de week-end, c’est la même chose”, indique Johan, salarié dans la boulangerie Marc Ventura à Bastia. Un avis partagé par la femme d’un boulanger bastiais, qui estime que la règle du volontariat pour les jours fériés est une pratique bien établie dans son entreprise : “Tous les jours fériés ont toujours été sur la base du volontariat, je ne vois pas pourquoi le 1er mai serait différent.” Selon elle, cette règle empêche certains employés de profiter de l’opportunité de travailler, ce qui pénalise les patrons qui souhaitent ouvrir leurs commerces. “C’est dommage parce que certains boulangers vont devoir fermer alors que leurs employés auraient été d’accord pour ouvrir la boutique. En plus, les salariés seraient payés double, donc ce serait d’autant plus avantageux pour eux.”


Vers un assouplissement en 2026 ?

Face à la colère grandissante de certains professionnels, une proposition de loi a récemment été déposée au Sénat. Portée par Annick Billon et Hervé Marseille, elle permettrait de modifier le Code du travail, pour adapter “le droit aux réalités du terrain” et ainsi permettre à certains secteurs de faire travailler leurs employés le 1er mai. La démarche a reçu un accueil favorable du gouvernement, notamment de la ministre du Travail, Catherine Vautrin, qui s’est dite à l’écoute des attentes exprimées par le secteur.

Du côté des professionnels, Louise Nicolaï se dit “confiante” quant à l’évolution de la situation. “La Fédération française des artisans fleuristes a fait en sorte que Catherine Vautrin puisse écouter et comprendre un petit peu ce que font ces artisans. Je pense qu’il y aura certainement des réunions, et je pense que ça ira dans le bon sens.” Mais les professionnels veulent aller vite. L’objectif est clair : obtenir un vote du texte avant l’été 2025, pour que le changement puisse entrer en vigueur dès le 1er mai 2026. “La Fédération appelle à un examen rapide de la proposition de loi au Sénat avant l'été 2025. L’objectif, c'est de pouvoir permettre aux fleuristes de bénéficier pleinement de cette liberté dès le 1er mai 2026”, précise Louise Nicolaï.