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Violences conjugales : en grève de la faim à Bastia pour faire entendre sa voix


Charlie Rebeyrol le Mardi 8 Mars 2022 à 18:18

Ce mardi 8 mars, à l'occasion de la Journée Internationale des Droits des Femmes, Angeline C.-F., 54 ans, s'est installée devant les grilles du tribunal de Bastia, pour entamer son premier jour de grève de la faim.
Victime de violences conjugales, cette femme qui s'est extirpée de son agresseur et a brisé la loi du silence, se démène depuis 12 ans pour que justice lui soit rendue. 



Angeline C.-F., 54 ans, s'est installée devant les grilles du tribunal de Bastia, pour entamer son premier jour de grève de la faim.
Angeline C.-F., 54 ans, s'est installée devant les grilles du tribunal de Bastia, pour entamer son premier jour de grève de la faim.
 
Soutenue par des proches et des associations comme Femmes Solidaires, Angeline  n'a pas choisi cette date au hasard. Elle souhaite montrer qu'au travers les symboles de la bien-pensance, les droits des Femmes "sont bafoués et négligés".

Elle se remémore, la gorge serrée et les yeux larmoyants, ce jour d'avril 2010, où elle s'est échappée de son domicile. De longues années d'emprise ont rythmé son quotidien. Résignée, elle s'était habituée à cette pénitence. Mais quand les mots devenus des maux se sont transformés en coups, Angeline, maman d'un petit garçon de 12 ans à l'époque, a courageusement fui. Pensant être délivrée de son bourreau, elle s'est réfugiée vers les autorités compétentes pour constater les faits. Des années de procédures et d'errance s'en sont suivies.

Angeline a du quitter la Corse pour des questions de sécurité. La justice silencieuse face à sa situation, plonge cette femme dans une incompréhension. "Profondément traumatisée", elle espère que cet acte engendrera "une réelle prise de conscience collective pour que les femmes maltraitées soient protégées avant que leurs corps soient retrouvés inertes".
 

Pudiquement, Angeline se confie à CNI

- Que vous est-il arrivé ?
- En 2010, j'ai fui mon domicile situé dans un petit hameau de Vallecalle car je subissais de la part de mon partenaire des violences psychologiques et physiques. Je me suis retrouvée seule sur la route. J'ai contacté la gendarmerie qui m'a demandé de faire constater les blessures par un médecin commissionné. J'avais pourtant déposé une quinzaine de plaintes, qui ont toutes été classées sans suite. J'avais averti car je craignais pour ma santé physique et mentale, mais aussi pour le bien de mon enfant. Le harcèlement a cependant continué en toute impunité. Malgré l'ordonnance de protection, mon agresseur me suivait, m'observait et a même pénétré mon logement. Forcée, j'ai du quitter la Corse. La déchirure fut immense car j'ai confié mon petit garçon, issu d'une première union, à son papa, pour ne pas l'entraîner dans ce tourment.


- Comment s'est passée votre arrivée sur le continent ?
-Je me suis débrouillée comme j'ai pu. Je n'ai pas été hébergée par une structure d'accueil. J'ai trouvé un modeste lieu de vie en échange de services. J'ai cumulé de multiples emplois pour subvenir à mes besoins alimentaires et hygiéniques. Je n'avais aucune couverture sociale. Après décision de justice, je devais percevoir de la part de l'auteur de mes agressions, un devoir de secours, que je n'ai jamais reçu. J'ai porté plainte pour abandon de famille mais celle-ci n'a pas abouti. Malgré les traumatismes subis, je me suis concentrée sur une formation professionnelle dans le social pour pouvoir acquérir un meilleur avenir et retrouver une stabilité pour le bien de mon fils. Grâce à celle-ci, j'ai bénéficié d'une bourse de 400€. Quand un certain apaisement s'est profilé, la boule au ventre, qui ne m'a jamais quitté, j'ai pu regagner la Corse et ma famille.


- Qu'attendez-vous de cet acte ?
- Je survis depuis 12 ans et j'arrive au bout de ma patience. Je suis épuisée. Je ne veux plus subir. Je demande tout simplement que mes droits soient appliqués. Et que ce calvaire s'arrête. J'entame donc cette grève de la faim et j'irai jusqu'à mon dernier souffle tant que l'on ne m'aura pas entendu et que cette affaire soit jugée. Je croule sous les procédures. J'ai rédigé une cinquantaine de courriers aux élus, au Ministère de la Justice, à Monsieur le Bâtonnier, à Monsieur le Procureur de la République. En vain. Même si je suis soutenue, je suis éreintée. Je suis marquée à jamais par ce qui m'est arrivé. En février, j'ai déposé une nouvelle plainte, qui a été classée sans suite avec pour motif "éléments insuffisamment caractérisés". Alors je me questionne. Faut-il des décès pour que cela soit caractérisé ? Je me bats pour mon histoire mais également pour toutes les autres victimes qui subissent des violences atroces. Et surtout pour encourager la parole et casser les préjugés car ces actes touchent toutes les sphères de la société.