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Violences conjugales : Me Johana Giovanni réservée après les annonces de Dupond-Moretti


M.V. le Mardi 23 Mai 2023 à 15:32

Le ministre de la Justice a exposé ce lundi une série de mesures pour améliorer le traitement judiciaire des violences intrafamiliales. Cependant, ces annonces peinent à convaincre les associations et les défenseurs des droits des victimes. Avocate au barreau d'Ajaccio et engagée depuis de nombreuses années dans la défense des victimes de viols et violences intrafamiliales, Johana Giovanni revient pour CNI sur ces mesures



Eric Dupont Moretti, Garde des Sceaux. Compte Twitter Eric Dupont Moretti.
Eric Dupont Moretti, Garde des Sceaux. Compte Twitter Eric Dupont Moretti.
Ce lundi 22 mai, le garde des Sceaux a détaillé, avec Isabelle Rome, ministre déléguée à l’Egalité entre les femmes et les hommes, une série de mesures pour lutter contre les violences conjugales : "pôles spécialisés" dans les tribunaux, nouveaux modèles de bracelets anti-rapprochement, mesures d’urgence prises en 24 heures…

Ces mesures, qui feront l’objet de décrets ou de projets de loi dans les prochains mois, ont été jugées "décevantes" ou "incomplètes" par plusieurs associations défendant les femmes victimes de violences.
Dans cette lignée, l'avocate ajaccienne Johana Giovanni, engagée depuis de nombreuses années dans la défense des victimes de viols et violences intrafamiliales, exprime son scepticisme. "Globalement j'attends de voir comment ils vont réaliser tout ça. C'est peut-être toujours et encore que des promesses ... Je pense que si les mesures qui existent déjà étaient parfaitement bien appliquées, ça serait déjà une bonne chose. Malheureusement, à l'heure actuelle, ce n'est pas le cas", regrette maitre Giovanni. "Ça ne sert à rien de proposer de nouvelles mesures à chaque fois si elles ne sont pas mises en œuvre intégralement, sans les moyens humains et financiers nécessaires." observe-t-elle.
 
Des mesures qui se heurtent à la réalité des juridictions
Parmi les annonces faite ce lundi par le ministre il y a  la création d’un "pôle spécialisé dans les violences intrafamiliales" dans chacun des 164 tribunaux français. Ils comprendront tous une équipe coordonnée par des magistrats référents du siège et du parquet, avec une adaptation aux spécificités locales. Un décret sera publié sur le sujet "à la fin de cet été", a précisé Éric Dupond-Moretti.

Le gouvernement veut aussi permettre à un juge de prononcer, en cas "d’urgence extrême", une ordonnance de protection en 24 heures, réclamée de longue date. Les délais de ces ordonnances, autorisant l’éviction du conjoint violent ou une interdiction de contact, avaient été réduits à six jours en 2019 (45 jours en moyenne auparavant). Cette procédure, provisoire, devra être réexaminée par un juge "dans un délai de six jours », a précisé le garde des Sceaux, ajoutant qu’elle figurerait dans un projet de loi prévu "à l’automne".

Convaincue sur le fond mais circonspecte sur la forme, Maître Giovanni déplore le décalage fréquent entre les annonces et les actions concrètes. "À chaque fois, on annonce des mesures, on promet que beaucoup de choses seront faites, et au final, on ne donne pas le budget nécessaire pour les réaliser", souligne-t-elle, en exprimant ses réserves concernant la création d'un pôle spécialisé dans les violences intrafamiliales : "Il faudra y consacrer les ressources humaines et financières nécessaires pour le mettre en place, et j'ai bien peur que ces mesures ne soient qu'un effet d'annonce, comme c'est souvent le cas", détaille l'avocate ajaccienne.

59 recommandations
Le rapport parlementaire qui a été remis à la Chancellerie par les députés Emilie Chandler (députée Renaissance du Val-d'Oise) et Dominique Vérien (sénatrice de l'Yonne, UDI),souligne aussi le besoin d'améliorer la "coordination" entre les acteurs - des défaillances sur le suivi de conjoints violents et récidivistes ont été révélées lors de plusieurs féminicides ces derniers années. Les parlementaires recommandent aussi la création d'un fichier regroupant les informations sur les auteurs -sur lequel la Chancellerie et l'Intérieur travaillent déjà- et une meilleure prise en charge des hommes violents (campagnes de prévention dédiées, suivi après la prison pour éviter la récidive...).
 

Me Johana Giovanni
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