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Valérie Bozzi : “ll y a une offre politique à reconstruire en Corse, la droite doit incarner ce renouveau”


H.N le Mercredi 6 Septembre 2017 à 09:40

Maire de Grossetto-Prugna depuis 2008, présidente de la communauté de communes de la Pieve de l’Ornano et conseillère générale du Canton du Taravo-Ornano, Valérie Bozzi, avocate de formation, a pris un temps politique d’avance en annonçant, la première, sa candidature à la tête de la liste des Républicains (LR) aux élections territoriales de décembre prochain. La jeune femme, âgée de 34 ans, semble bien résolue à faire bouger les lignes politiques d’une droite insulaire qui, ces derniers temps, enchaîne les défaites électorales. La prise de la citadelle bastiaise en 2014, l’arrivée aux responsabilités territoriales des Nationalistes en 2015 et la conquête de trois bastions législatives en juin 2017 ont complètement changé le centre de gravité politique. Valérie Bozzi explique que son programme est axé sur le développement économique et la défense d’une vision régionaliste de la Corse. Elle semble sûre qu'il saura convaincre les abstentionnistes d’une droite en quête de repères identitaires.



Valérie Bozzi, Maire de Grossetto-Prugna depuis 2008, présidente de la communauté de communes de la Pieve de l’Ornano et conseillère générale du Canton du Taravo-Ornano, conduit la liste LR aux élections territoriales corses de décembre 2017.
Valérie Bozzi, Maire de Grossetto-Prugna depuis 2008, présidente de la communauté de communes de la Pieve de l’Ornano et conseillère générale du Canton du Taravo-Ornano, conduit la liste LR aux élections territoriales corses de décembre 2017.
- La situation politique est inédite (Nationalistes aux responsabilités, droite et gauche à la traîne, collectivité unique au 1er janvier). Dans ce contexte, comment s’inscrit votre candidature ?
- J’ai souhaité, forte de mon expérience d’élue locale en tant que maire, conseillère départementale jusqu’en 2015 et présidente d’une communauté de commune depuis 2014, proposer un projet qui réponde aux nombreuses questions qui restent en suspens aujourd’hui et auxquelles, à mon sens, personne n’apporte de réponses réelles et pragmatiques. J’ai été sollicitée, depuis plusieurs mois, pour porter un projet à l’échelle de la Corse. Ce projet, je le souhaite dynamique en faveur de l’économie, de l’emploi et des secteurs d’activités qui semblent aujourd’hui un peu endormis notamment les problématiques autour du logement.

- Votre candidature est très ancrée à droite ?
- C’est vrai ! Je suis tête de liste d’une démarche dite de “droite”, mais j’ai l’habitude de faire dans mon intercommunalité et dans ma commune avec différentes tendances. Je pense que c’est possible et souhaitable quand l’intérêt général prime, à fortiori lorsqu’il s’agît de défendre les intérêts de la Corse. On peut trouver, dans ce contexte précis, des convergences. Nous sortons d’une élection qui reste un échec pour notre famille politique. C’est aussi pour cela que beaucoup de nos concitoyens et électeurs, mais aussi de collègues élus, m’ont sollicitée : il est nécessaire de tenir compte des résultats des dernières élections et de proposer une offre de renouvellement, que je pense pouvoir incarner.
 
- Pourtant, vous étiez suppléante de Camille de Rocca Serra aux dernières législatives où, en dehors de votre canton de Taravo Ornano, les résultats n'ont pas été très bons...
- Sur Ajaccio effectivement, ça a été un scrutin compliqué. Pour Camille de Rocca Serra, la plus grosse déception vient du Sud de la circonscription, mais c’est là que l’on se rend compte de la soif de renouvellement des Corses. Le Dr Colombani n’était pas très connu sur la circonscription et a bénéficié de cette dynamique. Je n’irai pas jusqu’à parler de “dégagisme” comme peut le faire Mr Mélenchon, mais il me semble clair que nous sommes dans un temps politique où l’on veut voir émerger de nouvelles personnalités. Nous avons été, en Corse, précurseurs et c’est ce qui, à mon sens, a conduit les Nationalistes à la tête de la région. C’est ce qui a permis à Emmanuel Macron de devenir président. On sent cette volonté de changement.

- Une grande part de l'électorat traditionnel boude les urnes. N'est-ce pas un souci ?
- Oui ! Aujourd’hui, une grande partie de la population ne va pas voter. Les rares, qui le font, sont déçus des partis traditionnels, gauche et droite confondue. Les gens se tournent vers de nouveaux partis, tels qu’En Marche, ou les partis incarnés par les Nationalistes. C’est en tout cas ma vision. Aujourd’hui, il y a une offre politique à reconstruire en Corse, mais aussi sur le plan national. Ici, je pense qu’il faut que la droite incarne ce renouveau et apporte des réponses concrètes aux attentes des Corses. C’est ce que je vais essayer de faire pendant ces trois mois de campagne.

- Les défaites commençant à s’enchaîner, la Corse est-elle, pour la droite, une terre à reconquérir ?
- On voit bien aux élections nationales et municipales que la Corse est plutôt de droite, aux régionales c’est plus mesuré. En 2015, les deux listes de droite avaient tout de même fait un bon résultat au premier tour, c’est au second tour que l’engouement ne s’est pas concrétisé. Il faut se tourner vers les abstentionnistes et convaincre ceux qui seraient tentés par l’abstention. On ne parle pas à ces gens de manière assez concrète, on n'apporte pas de réponses aux chefs d’entreprises, on mobilise trop peu, contrairement aux scrutins plus locaux où nous sommes en mesure de proposer de véritables améliorations concrètes et quotidiennes à nos concitoyens. La collectivité unique est, pour nous, l’occasion de proposer des solutions concrètes. C’est une nouvelle ère qui s’ouvre et dans ce contexte, par delà l’équipe aux responsabilités, nous devons réussir collectivement cette mutation profonde. C’est une chance qu’il faut saisir.
 
- Incarner le renouveau de la droite corse est compliqué. Laurent Marcangeli semble y parvenir à Ajaccio, ailleurs c’est plus aléatoire. Cela passe-t-il par la mise en retrait de certaines personnes ?
- Nous allons incarner un renouveau, alors, effectivement, nous n’allons pas repousser des personnes qui pourraient nous apporter une idée, de l’expérience ou du travail dans le sens de l’intérêt général. Mais, nous devons aussi et surtout tenir compte des dernières échéances. On ne peut pas repartir avec les mêmes candidats qu’il y a quelques années. Au delà des personnes, ce sont les idées qui sont à déployer, c’est là qu’est l’enjeu. L’idée première, c’est de remobiliser ceux qui ne vont plus voter. Mon atout, aujourd’hui, c’est le pragmatisme. Je respecte les Nationalistes, mais il me semble que, dans l’exercice du pouvoir, on arrive à une limite. On constate que les choses n’avancent pas vraiment.
 
- A quoi pensez-vous exactement ?
- Je pense à la langue. Nous sommes tous d’accord pour favoriser les langues régionales et donc la langue corse. Historiquement, nous n’avons pas attendu que les Nationalistes arrivent aux responsabilités pour favoriser l’usage de la langue corse, qui est apprise à l’école dès le primaire et doit continuer à être. Mais, finalement depuis deux ans, qu’ont fait les Nationalistes pour aller au-delà ? Hormis le fait de prendre des délibérations qu’ils savent impossible à réaliser en l’état actuel du droit français ! La coofficialité de la langue corse est totalement contraire à la Constitution et donc n’est pas appliquée. Alors concrètement, on arrive à une absence d’avancée ! Je n’ai pas l’impression que l’on parle plus corse qu’avant ! La Collectivité a voulu rester sur cette coofficialité au détriment d’avancées concrètes favorables à la langue. C’est pareil en ce qui concerne le statut de résident ! On sait que ça n’est juridiquement pas réalisable, mais on ne propose rien d’autre. On reste dans l’idéologie d’un statut qui, en l’état actuel du droit, n’est pas possible. J’aimerais que l’on fasse des propositions qui puissent être réalisées. Nous avons des outils juridiques qui peuvent-être adaptés, nous avons des députés pour faire des propositions de lois spécifiques à la Corse. C’est ce qu’avec mon équipe, je vais essayer de porter dans le futur.   
 
- Au moins deux listes de droites aux territoriales et des figures qui incarnent une diversité de visions de la Corse, parfois très contradictoires. Comment comptez-vous opérer la synthèse et éviter un effondrement de la droite, surtout en Haute-Corse ?
- C’est vrai qu’en Haute-Corse, la situation est compliquée, mais elle n’est pas si catastrophique que cela. Sur l’ensemble du territoire, de nouvelles têtes émergent, sur lesquelles il va falloir s’appuyer. Le renouvellement, c’est aussi travailler en confiance avec de nouvelles personnes qui souhaitent s’investir, à droite, pour cette élection, veulent proposer des choses et reconstruire en vue des prochains échéances. Ces profils existent. Jai été contactée par certains, j’en ai contacté d’autres dans le cadre de ma démarche. Certes, il y a deux listes aux territoriales, mais nos discours respectifs seront assez clairs et il n’y aura pas de tensions entre nous au cours de la campagne. Ce sont nos visions qui vont nous donner la capacité de nous unir avec Jean-Martin Mondoloni et d’autres autour d’un projet de gouvernance pour les prochaines années.
 
- Croyez-vous être susceptible de fédérer ?
- Je le crois, effectivement. Je pense que de nombreux Corses peuvent se retrouver dans ma démarche.

- Est-il envisageable d’imaginer des listes d’union au sein desquelles se côtoient certains courants du nationalisme et des partis de gauche ou de droite ?
- Pour le moment, nous ne savons pas si les Nationalistes partent unis ou non. Nous ne savons pas ce qu’il en est des candidats d’En Marche !. Mais, il faut tout de même savoir où l'on veut aller… Nous sommes tous d’accord pour tenir compte des spécificités de la Corse et pour aller vers des aménagements institutionnels et une forme d’autonomie plus importante. Mais, dans des déclarations récentes, certains cadres nationalistes ont parlé d’indépendance ou à minima d'autodétermination. Si l’on revient aux origines et au sens, le nationalisme repose sur la reconnaissance d’un état. C’est là que nos chemins divergent ! Bien entendu, il y a des points précis et des thèmes sur lesquels on se retrouve, mais pas sur l’ensemble des idées.
 
- La victoire des Nationalistes aux territoriales et aux législatives a bouleversé le centre de gravité politique insulaire. Les courants jacobins sont marginalisés, le courant girondin domine. Avez vous prévu ce tournant ?
- Tous les Corses ne sont pas devenus nationalistes ! Tous les Corses aiment la Corse et tous sont régionalistes. L’Exécutif essaye de surfer sur l’amour des Corses qui a toujours existé pour leur île et ainsi conserver le leadership. Mais, une élection n’est jamais gagnée d’avance ! Nous sommes tous des amoureux de notre île, nous sommes tous corsistes. Je pense même que beaucoup en ont un peu marre de recevoir des leçons de corsitude, parce que les hommes et les femmes de gauche et de droite sont tout aussi Corses que les autres. Je reviens aux fondamentaux : le nationalisme, c’est la reconnaissance d’une nation pour aller vers l'indépendance. Tous les Corses ne sont pas en faveur de l’indépendance, loin de là. Je ne suis pas anti-nationaliste ou anti-indépendantiste, j’ai ma vision et je souhaite la porter. J’estime qu’on doit respecter ses contradicteurs, les Nationalistes aux responsabilités respectent la parole et les convictions des autres élus. C’est ce à quoi je compte m’employer.
 
- Partagez-vous les inquiétudes de Jean-Martin Mondoloni sur la montée d’un “sentiment anti France” ?
- Personnellement, je n’ai pas ce sentiment là. Certes, les personnes, qui sont actuellement au pouvoir, veulent aller vers l'autodétermination, mais je crois que beaucoup de Corses sont favorables à ce que la Corse reste dans la République. C’est aussi un des enjeux de l’élection de décembre et nous verrons à ce moment là. Dans ce contexte, il peut y avoir des projets où des hommes et des femmes de différentes origines politiques se retrouvent. Le mouvement En Marche ! regroupe bien des gens de gauche et de droite. Mais, pour l’instant, il y a trop d’inconnues, les listes ne sont pas encore dévoilées.
 
- Venons-en à votre programme. Vous désirez faire de l’accès au logement un axe fort. Il n'y a jamais eu jamais autant de constructions, ni de logements vacants sur l’île. Comment expliquez-vous cette situation ?
- Nos outils d’aménagement du territoire posent une série de problèmes concrets. Le PADDUC bloque l’urbanisation. On ne peut plus construire dans les villages, car de nombreuses zones ont été cartographiées en Espaces Stratégiques Agricoles (ESA). C’est très bien et il en faut, mais on se retrouve avec des ESA au centre des villages ou au milieu d’habitations. Des endroits où on ne pourra jamais développer une agriculture ! Il faut revoir ces documents, les adapter et diversifier l’offre de logement. On pourra, ainsi, décentraliser les lieux de vie, baisser mécaniquement le coût d’accès au logement et redynamiser l’intérieur et les villages. A Porticcio par exemple, il est très difficile de se loger à l’année et c’est par la réalisation d’un PLU et d’un document d’urbanisme permettant de réglementer l’habitation que nous pourrons faire baisser les loyers et les prix. Il me semble primordial de réviser le PADDUC sur la problématique du logement, mais aussi pour débloquer l’ensemble de l’économie insulaire, car aujourd’hui toutes les communes sont immobilisées par ce document. Il est fondamental de faire en sorte que les Corses soient compétitifs et puissent se loger partout chez eux. Ils doivent pouvoir bien vivre de leur travail. Il n’est pas possible de niveler le niveau de vie par le bas.
 
- Pourtant, le développement d’un mode de vie périurbain et pavillonnaire ne favorise-t-il pas la pérennité d’emplois à forte valeur ajoutée, ne propose-t-il pas au contraire énormément de petites activités à temps partiel ?
- Il faut diversifier l’offre ! Effectivement, l’urbanisation s’est faite par le biais de lotissements privés, mais si on prend l’exemple de Porticcio, mon souhait a été de créer un centre traditionnel avec une mairie qui soit à proximité des écoles et de l’église, d'insuffler une nouvelle ville autour de ces institutions et services publics. On ne peut pas se satisfaire de dizaines de lotissements fait de petites maisons entourées de jardins, comme cela a été construit dans les années 60 et 70. La tendance va de plus en plus vers de petits immeubles, comme on le voit dans ma commune, en accord avec la loi littoral qui est de densifier l’existant. Cette dynamique recrée l’architecture traditionnelle des villages et génère, autour d’une place, de la mixité sociale et du dynamisme économique. Il nous faut recréer ce que nos anciens avaient créé et qui s’est perdu. Je crois beaucoup dans la professionnalisation de notre société. Pour lutter contre un marché du travail inégal, nous devons répondre à l’offre d’emplois avec un modèle cohérent et des professionnels formés aux besoins de l’île. Aujourd’hui, de nombreux professionnels sont obligés d’aller chercher des gens formés hors de l’île, par exemple dans le domaine de la petite enfance, du tourisme, de la restauration. Ces secteurs ne demandent qu’à être développés. Nous pourrions créer de nouveaux types d’emplois et ainsi sortir de la précarité beaucoup de nos concitoyens.
 
- On ne connaît pas les intentions du Président Macron et de son gouvernement au sujet de la Corse. Si vous accédez aux responsabilités, vous aurez à travailler avec eux, comment procéderiez-vous ?
- Je pense qu’il faut commencer par poser des questions au nouveau Président. Pour le moment, aucun député, ni aucune personne au sein de l'exécutif territorial n’a clairement interpellé Emmanuel Macron depuis son élection. C’est tout de même étonnant puisqu’il est élu depuis quelques mois ! Cela aurait du être fait depuis bien longtemps. Nous aurions aimé savoir ce que le nouveau gouvernement veut de la Corse. De nombreux ministres sont venus en vacances dans l'île cet été, on aurait pu trouver une occasion pour les interpeller, leur poser des questions et avoir des débuts de discussions. Le gouvernement pourrait être sollicité sur de nombreux points : la question des droits de succession et donc de l’autonomie fiscale de la Corse, la question d’une aide fiscale au TPE-PME. Ce sont ces choses directes et concrètes que nous devons proposer, car le président l'a dit lui même : il connaît très mal la Corse. Nous devons être force de propositions et, me concernant, ça passera par ce genre d’interpellations et de questions posées au Président.