« Les syndicats grévistes doivent assumer leurs responsabilités et comprendre qu’en agissant de la sorte, ils précipitent le sort de la compagnie. Le droit de grève trouve ses limites lorsqu’un conflit social perd toute légitimité, asphyxie une économie, et met en péril l’entreprise dont il revendique la pérennité.
L’Etat aussi doit assumer ses responsabilités. Jusqu’à présent, il ne l’a pas fait en tant qu’actionnaire et a laissé croire que la survie de la SNCM dépendait du renouvellement de la flotte et qu'il négociait le règlement de la dette à Bruxelles mais cela sans aucun résultat à ce jour. Or, chacun sait que ce sont les coûts d’exploitation trop élevés qui sont à l’origine des difficultés de la compagnie.
L'Etat doit aussi assurer ses missions régaliennes en garantissant la libre circulation et l’accès aux infrastructures portuaires. La Corse ne peut plus supporter d’être ainsi prise en otage depuis tant d'années et cette fois-ci en plein coeur de la saison touristique.
L’exécutif régional doit aussi réagir et mettre en oeuvre ce que l’ensemble des élus du sud et les représentants consulaires ont demandé à l’Office des Transports de la Corse: la desserte minimale du port de Porto-Vecchio en période de conflit social en ayant recours à un navire de la CMN ou en faisant appel à la Corsica Ferries. Il s’agirait d’une rotation hebdomadaire comme c’est le cas dans les autres ports départementaux de Propriano et de Balagne. Lors de la session de l’Assemblée de Corse du 5 juin dernier, j‘avais d’ailleurs déposé une motion reprenant cette proposition prise lors d’une réunion avec les représentants des socioprofessionnels à Porto-Vecchio. Alors que le préavis de grève était fixé au 24 juin, la commission permanente n’a pas jugé bon de retenir le caractère prioritaire de la motion et l’a renvoyée en commission. Cela fait des années qu’avec les autres élus du groupe Rassembler pour la Corse, je demande l’instauration d’un service minimum garanti. Le conflit que nous vivons actuellement témoigne qu’il s’agit bien d’une nécessité pour la Corse et pour le respect du principe de continuité territoriale, régulièrement mis à mal.
Les socioprofessionnels, les chefs d’entreprise, les artisans, les commerçants, les agriculteurs constituent les forces vives qui génèrent de l’activité et de l’emploi. Témoignant leur exaspération et leur désespoir, ils ont avant-hier, en raison de l’inertie de l’Etat, libéré l’accès au port de Porto-Vecchio pour préserver l’économie de la Corse à l’aube d’une saison touristique qui s’annonce difficile.
L’impatience est vive face au mépris avec lequel est gérée la desserte maritime de l’Extrême Sud. Hier à Bastia, des acteurs économiques ont été délogés par les forces de l'ordre alors qu'ils réclamaient légitimement le déblocage de navires immobilisés à Marseille par les grévistes de la SNCM. Cela est insupportable et injuste. Si l'Etat doit avoir pour mission d’éviter les affrontements, j'ai, pour ma part, toujours refusé la violence et privilégié la négociation au conflit et à l'affrontement. Il doit en faire sa mission et comprendre que cette grève est une fois encore une violence faite à la Corse, à son économie, à tous ceux qui ne cessent de produire, développer, entreprendre et garantir les emplois.
L'Etat impartial doit savoir reconnaître les victimes et non pas les traiter en coupables. Aussi, j'interpelle ce jour le Ministre de l'Intérieur pour que l'Etat se décide enfin à dire la vérité, à assurer sa mission régalienne mais aussi à comprendre et à respecter les socioprofessionnels. Après douze jours de grève, leur colère est légitime et elle doit être entendue. Si les forces de l'ordre doivent être utilisées, elles doivent l'être utilement, et ne doivent pas être engagées autrement que pour libérer les ports.
Que l'Etat ait recours aux gendarmes mobiles à Marseille s'il veut résolument mettre un terme à l'asphyxie de la Corse. Encore faut-il qu'il le veuille. Après 12 jours, les grévistes auront réussi à faire accepter par l'opinion insulaire et nationale que la liquidation de la SNCM n'est plus un spectre à éviter, mais une nécessité à mettre en oeuvre. Pour ma part, je suis aux côtés de ceux qui défendent le développement de la Corse, les outils de son économie et les entreprises insulaires. Il y a urgence à ce que chacun prenne ses responsabilités et que le gouvernement entende, comprenne et soit aux côtés de ceux qui expriment leur désarroi, c'est à dire la population et les socioprofessionnels de Corse. »
Camille de Rocca Serra a rencontré avant-hier un conseiller de François Hollande pour lui exposer sa position sur le conflit de la SNCM et a saisi Bernard Cazeneuve.