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Corsica Linea : La nouvelle compagnie maritime à l’abordage de la saison touristique !


Nicole Mari le Jeudi 5 Mai 2016 à 00:44

Nouveau cap pour l’ex-SNCM, ex-MCM, devenue Corsica Linea. La nouvelle compagnie maritime, qui relie les ports corses au port de Marseille, déploie la voilure de son plan d'action pour la saison estivale. A l’image du nouveau et éclatant logo de ses bateaux qui arborent désormais une tête de maure rouge vif sur fond rouge et blanc, elle vient de lancer une nouvelle stratégie commerciale et de communication tous azimuts pour redresser la compagnie après 18 mois de chaos et récupérer les parts de marché perdues sur le fret et sur les passagers, qui ont chuté à 12 % en Corse. A la barre, un nouveau directeur général, Pierre-Antoine Villanova, un Ajaccien de 47 ans, ingénieur de formation, ancien du groupe Suez, passé notamment par sa filiale chargée du traitement des eaux, Degremont, puis par sa filiale chargée du traitement des déchets, Sita. Une offensive de charme sur fond d’assignation des anciens et des nouveaux actionnaires devant le tribunal de commerce, le 18 mai, par les comités d’entreprises qui récusent la cession de Maritima Ferries à la CM Holding, propriétaire de Corsica Linea. Explications, pour Corse Net Infos, de Pierre-Antoine Villanova.



Le navire Jean Nicoli, figure de proue de la flotte de la Corsica Linea, aux nouvelles couleurs rouge et blanche de la compagnie.
Le navire Jean Nicoli, figure de proue de la flotte de la Corsica Linea, aux nouvelles couleurs rouge et blanche de la compagnie.
-  Quel est le plan d’action de Corsica Linea pour redresser la barre après 18 mois de chaos ?
- Nous avons, le 2 mai, officiellement, lancé la marque Corsica Linea avec plusieurs actions en parallèle. D'abord, une campagne de publicité sur les chaînes de la TNT. Ensuite, nous profitons de mon arrivée à la tête de la Direction générale pour préparer la saison en expliquant ce que nous allons faire. Enfin, nous lançons une campagne commerciale, du 4 au 14 mai, avec des baisses de tarifs de -20% à -50% sur les traversées passagers-voiture pour cet été. Nous aurons des prix équivalents à ceux de la concurrence.
 
- Corsica Linea, c’est la nouvelle compagnie issue du mariage de l’ex-SNCM, ex-MCM, et de Corsica Marittima. Pouvez-vous récapituler la nouvelle donne ?
- Oui ! Le nom juridique de l’entreprise, c’est MCM. La marque de la compagnie, c’est Corsica Linea. On ne communiquera plus désormais que sur Corsica Linea. L’entreprise a un actionnaire unique : CM Holdings qui est composée, à parts égales, de 15 entrepreneurs corses, dont Patrick Rocca. Ces 15 actionnaires détiennent environ 95% du capital. 120 PME (Petites et moyennes entreprises) corses détiennent les 5% restants, elles ont, dans l’élan de l’été dernier, chacune, investi 5000 € pour rentrer au capital.
 
- Avez-vous récupéré l’intégralité des six bateaux de la MCM ?
- Oui ! Nous sommes dans la continuité du plan de reprise proposé par Patrick Rocca, auquel nous avons ajouté notre dynamique qui est surtout commerciale avec une très forte orientation clients. La totalité de la flotte sera rénovée d’ici à dix mois. Nous investirons beaucoup dans les bateaux, 18 à 20 millions € par an. Il est important, pour nous, d’avoir une flotte qui est, non seulement performante, mais qui garantit la sécurité à l’ensemble des passagers.
 
- Vous êtes néanmoins sous le coup d’une plainte de l’Intersyndicale de la MCM qui refuse l’absorption de la MCM par Corsica Maritima. Comment allez-vous la contrer ?
- Les syndicats ont craint que nous ne respections pas les engagements pris par Patrick Rocca devant le Tribunal de Commerce lors de sa reprise de l’ex-SNCM. Nous démontrerons le contraire par trois actions simples que nous mènerons avant l’audience du 18 mai. Premièrement, la signature des anciens accords sociaux qui sont repris tels quels. Nous les avons envoyés la semaine dernière aux syndicats. Deuxièmement, la mise en place d’une fiducie sur les navires pour garantir qu’en cas de drame, il y aurait de l’argent pour financer un plan social. Nous n'en aurons pas besoin, mais, nous allons, quand même, le faire. Troisièmement, le renouvellement du bail du siège social à Marseille pour une durée de 6 ans et 9 ans. Les syndicats avaient peur que nous quittions tous les bureaux marseillais.
 
- Le siège social reste-t-il à Marseille ?
- L’entreprise est méditerranéenne ! Avant, c’était une entreprise marseillaise qui faisait des affaires en Corse. 60 % de l’activité de l’ex-SNCM se faisait sur la Corse. On ne peut pas vivre un tel déséquilibre dans le temps ! C’est pour cela que nous affirmons volontiers un double ancrage entre Marseille et la Corse.
 
- Qu’est-ce que cela signifie ?
- Notre port naturel, c’est Marseille qui est le port d’entrée de l’ensemble de nos lignes. Toutes les compétences techniques sont à Marseille et le resteront sûrement. Mais, nous affirmons aussi que nous sommes Corses et que nous avons racheté cette entreprise pour la mettre au service de la Corse, ce qui est essentiel pour nous ! Nous allons rééquilibrer le management, - le nouveau Directeur général est corse-, et le fonctionnement entre Marseille et la Corse. Non pas en opposition, mais en prenant le meilleur de chacun.
 
- Que se passera-t-il si le Tribunal de commerce agrée le recours ?
- A l’audience du Tribunal de commerce, le 18 mai, nous démontrerons que nous sommes dans la continuité du plan de reprise de Patrick Rocca. Je ne vois pas pourquoi il y aurait un souci ! Le bon sens doit l’emporter ! Les Comités d’entreprises auraient pu nous poser leurs questions et nous aurions donné des garanties. Simplement, c’était le début de la relation et ils n’avaient pas confiance en nous. C’est regrettable ! Surtout pour l’image de la compagnie auprès des clients ! C’est encore le feuilleton de la SNCM qui continue, continue…

Pierre-Antoine Villanova, tout nouveau Directeur général de Corsica Linea.
Pierre-Antoine Villanova, tout nouveau Directeur général de Corsica Linea.
- Les syndicats redoutent de nouveaux licenciements. Le risque existe-t-il ?
- Non ! Nous ne sommes absolument pas dans ce cadre-là. Nous sommes partis pour faire la saison. Nous sommes en train de recruter 400 saisonniers en marins ou hôteliers en CDD (Contrat à durée déterminée). Nous espérons en recruter un maximum sur la Corse car nous voulons développer l’emploi dans l’île.
 
- L’autre risque judiciaire est européen. Entrez-vous dans un cadre de discontinuité comme l’exige la Commission européenne ?
- Ah oui ! Il y a complètement discontinuité ! Nous avons fait tout ce qu’il fallait pour la mettre en place : changement, changement de stratégie et de couleurs, discontinuité de l’activité sur le port d’Ile Rousse, actionnariat privé, sous délégataire de la CMN, gestion différente des lignes… Nous partons même de zéro sur beaucoup de points. C’est un handicap, mais c’est la règle du jeu ! Nous avons donné toutes les preuves possibles à Bruxelles pour affirmer vraiment la discontinuité par rapport au passé.
 
- Vous œuvrez dans le cadre de la DSP (Délégation de service public) qui arrive à échéance le 30 septembre. Qu’attendez-vous de la nouvelle offre de transport qui sera proposée par la CTC (Collectivité territoriale de Corse) ?
- Nous sommes sub-délégataires de la DSP de la CMN jusqu’à la fin du mois de septembre. Ensuite, un autre schéma sera proposé de façon temporaire par la CTC. Nous attendons de voir quels seront le périmètre et la structure juridique de cette nouvelle offre de transports. Ce serait quand même un drame si le consortium d’entrepreneurs corses n’arrivait pas à travailler avec la CTC ! Nous espérons démontrer, à travers la qualité de la saison que nous allons faire, la fiabilité, la qualité de service et la satisfaction clients, que nous sommes, quelque soit la forme, les partenaires naturels de la CTC pour le transport maritime.
 
- Le partenariat, qui existait entre la Méridionale et l’ex-SNCM, deviendra-t-il caduc ?
- Il durera, comme prévu, jusqu’à la fin du mois de septembre. Continuera-t-il dans le futur ? C’est une option. Nous ne savons pas quelle sera la demande de la CTC. Nous verrons alors si nous faisons des alliances et avec qui nous les faisons. Aucune porte n’est fermée à quoi que ce soit.
 
- La CTC met en place des tests sur des OSP (Obligations de service public) pendant deux mois. Y participerez-vous ?
- Aujourd’hui, nous sommes dans un cadre DSP. Nous réfléchissons. Nous étudions le sujet. Nous n’avons pas encore pris de décision.
 
- Corsica Marittima et la Méridionale avaient signé un protocole d’accord avec la CTC en janvier dernier pour la mise en œuvre d’une compagnie régionale semi-publique. Ces accords sont-ils toujours d’actualité ?
- Nous échangeons avec la CTC. CM Holdings, c’est quand même 15 entrepreneurs corses, soutenus par 120 autres entreprises corses, qui ont pris les commandes de Corsica Linea au même moment où la CTC dévoilait son projet de compagnie régionale. Il est naturel que nous discutions avec eux. Quel schéma pourrait prendre un éventuel partenariat ? Il est trop tôt pour le dire. Il est sûr que notre intérêt réciproque est d’aboutir à une relation gagnant-gagnant. C’est ce que nous recherchons. Mais, nous voulons devenir le partenaire naturel en étant bons tous les jours à travers les prestations que nous effectuons. Il ne suffit pas d’être Corses et d’être des entrepreneurs, nous allons, en plus, démontrer notre savoir-faire sur la mer tous les jours.
 
- La CTC demande à récupérer une part de la flotte sous forme de biens de reprise qu’elle estime avoir payés. Quelle est votre position sur la question ?
- Nous discutons avec la CTC. Nous n’avons pas du tout l’intention d’avoir une relation conflictuelle. Nous comprenons le chemin sur lequel l’Exécutif corse veut aller. En même temps, nous sommes des entrepreneurs privés. Nous sommes prêts à trouver un terrain d’entente qui soit gagnant-gagnant pour les deux parties, et surtout gagnant pour la Corse. Ce qui est important pour nous. Le fait que cette compagnie soit désormais entre les mains des entrepreneurs corses, c’est historique ! Le fait que la compagnie soit désormais au service de la Corse, c’est également historique !
 

- En quoi Corsica Linea est-elle au service de la Corse ?
- Elle est, d’abord, au service du tourisme. Nous allons travailler avec les socioprofessionnels sur le développement d’une offre en Corse accessible et packagée, en avant- et arrière-saison pour rallonger la saison touristique à des prix abordables. Ce qui passe par l’amélioration de la compétitivité des prix pour les passagers avec la campagne de promotion dont je vous ai parlé. Corsica Linea est, ensuite, au service de l’économie corse par le fret. Actuellement, nous transportons 43% du fret sur la Corse, nous pouvons atteindre 60 % afin d’assurer la pérennité de l’entreprise sur le long terme. Nous voulons améliorer la qualité de service du client fret, c’est, pour nous, essentiel.
 
- Comment comptez-vous l’améliorer ?
- En simplifiant les réservations, la logistique… Nous devons arriver à développer en même temps une offre BTC (Business to consumers) pour les passagers et une offre BTB (Business to business) pour le fret. Corsica Linea est, enfin, au service des habitants. Nous voulons créer des emplois en Corse et rééquilibrer les emplois entre Marseille et la Corse de manière directe ou indirecte. Nous allons privilégier, par exemple, les sous-traitants dans l’île. Nous allons, également, proposer des offres packagées pour que les Corses puissent, l’hiver, passer des weekends sur le continent à des prix abordables. Le service clients, c’est essentiel !
 
- C’est-à-dire ?
- Nous ne faisons pas seulement du transport. Nous voulons que, pour les passagers, les vacances commencent sur le port de Marseille, continuent sur le bateau à travers des animations à bord et une qualité de service, et, pour le retour, se finissent, également sur le port de Marseille. Nous voulons proposer un service clients sans aucune mesure avec celui des autres compagnies. De la même façon, nous devons délivrer, au client fret, une qualité de service irréprochable.
 
- Ce que demandent les entreprises, c’est surtout une baisse conséquente du prix du fret. Est-elle prévue ?
- Les transporteurs, qui font partie de notre actionnariat, nous le disent suffisamment ! Nous diminuons les coûts, nous améliorons notre logistique, nous augmentons les volumes. Il y aura, certainement, une baisse du tarif du fret, mais nous devons parvenir à trouver un équilibre pour que la compagnie soit rentable.
 
- Au-delà de Marseille et du Maghreb, vous affichez une ambition méditerranéenne. Quelles autres destinations pourriez-vous relier à partir de la Corse ?
- Par rapport au continent, notre point d’ancrage restera Marseille. Nous sommes au cœur de la Méditerranée occidentale, nous espérons, à terme, desservir d’autres destinations, d’autres îles, comme la Sardaigne, la Sicile ou les Baléares, Barcelone… Nous sommes des entrepreneurs, nous le ferons si ces lignes se révèlent rentables. Notre fil rouge est d’être au service de la Corse, cela devrait nous permettre de faire des choses différentes et innovantes.
 
- Quels objectifs vous êtes-vous fixés ?
- Nous espérons un retour à l’équilibre financier, cette année, avec un chiffre d'affaires de 165 millions €. Ce qui représente entre 450 000 et 500 000 passagers transportés et 900 000 mètres linéaires de fret, soit une augmentation respective de 5 et 10% par rapport à l'an passé. Nous espérons atteindre le million de passagers le plus tôt possible. Cela représenterait plus de 20 % à 30% de parts de marchés contre 12% actuellement. Depuis l’ouverture en début d’année des réservations, nous avons déjà enregistré une progression de 5% par rapport à nos objectifs. Avec la campagne de promotion que nous venons de lancer, nous espérons améliorer notre image de marque et remplir tous nos bateaux cet été.
 
- Pensez-vous être à l’abri d’une nouvelle crise que redoute la Corse à l’orée de la saison estivale ?
- Nous voulons que cette entreprise soit une entreprise saine, normale, pérenne et fiable. Je peux vous affirmer qu’il n’y aura pas de problèmes avec nous ! Nous sommes à un tournant historique. L’alliance de tous ces entrepreneurs montre que l’entrepreneuriat corse entre dans une nouvelle ère, une nouvelle génération. Nous avons envie d’écrire cette nouvelle histoire. J’y crois fortement. C’est pour cela que je suis rentré dans cette entreprise et que j’ai laissé derrière moi 25 ans de crédit dans le monde de l’environnement. Tous les personnels travaillent à fond pour réussir. Nous sommes confiants. Il y aura un élan. La victoire de Corsica Linea sera la victoire d’une Corse nouvelle.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.