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Propriano : Minna Sif, elle est un peu d'ici…


le Dimanche 14 Juillet 2013 à 23:59

Elle est un peu d’ici, puisque née à Propriano. Elle a grandit à Arca, hameau de cette ville Une enfance corse chez Bleu Autour – Editions Colonna d’Istria). Toute la famille est repartie au Maroc en 1973 et n’a tenu que six mois.



Propriano : Minna Sif, elle est un peu d'ici…
"C’est en arrivant là-bas, dit Minna, que j’ai compris que le Corse de Propriano que nous parlions à la maison, était en fait le berbère d’Agadir."
 De la Corse, elle a conservé le souvenir d’une grande solidarité, de la couleur de la mer, de la beauté des plages, de son entrée à l’école où elle refusait d’aller.
Puis, Minna a connu des ailleurs dont l’un s’appelle Marseille, un port issu de Grecs qui n’est qu’une enclave dans le pays de France, où des peuples se croisent, où le Milieu s’embourgeoise, où les bourgeois deviennent prétentieux où la misère s’organise au mieux de l’intérêt que l’on trouve à vivre puisqu’on est vivant. L’important est de le rester le plus longtemps possible, sans crever de faim. Et pour ça, l’imagination est au pouvoir, mais le pouvoir n’est pas fait pour les pauvres.
Minna  donne la parole à un écrivain public poste Colbert. Un grand bureau sinistre, dans un quartier où même les bouffées d’air chaud l’été, sont plus lourdes qu’ailleurs. C’est un Marseille inconnu, que Brahim, un clochard – non, c’est un mot ancien – un SDF, c’est pire mais c’est très actuel - nous fait découvrir.
Et Minna Sif nous sort les mots de tous ses ailleurs, des mots étonnants, des mots qui jonglent, qui marchent sur des fils sans tomber, des mots assortis à cet univers bizarre, angoissant, de fripes, de merde, de violences, de dureté , une sorte de cour des miracles .
On se retient de partir, de courir vers le port, vers le confort, de fuir les Pierres Plates, mais on reste quand même pour écouter ce que disent les femmes, pour savoir comment elles vivent, misère contre misère, misère des cœurs, misères des ventres, misères des sentiments.
Elles parlent, elles parlent, oui, mais entre elles.
Des femmes d’ailleurs, des Arabes.
Que pouvons-nous faire ? Elles ne sont pas comme nous, femmes d’ici dont certaines vivent les mêmes embrouilles.
Elles souffrent ? Vous croyez ? Ah bon.
Alors d’une rive à l’autre ça peut être pareil ?
Et ce Brahim qui ne veut même pas aller à la Préfecture chercher les papiers à remplir pour avoir un titre de séjour. Il s’en fiche Brahim, il a tout vu, tout vécu : les cartons, les déchets, les humiliations, mais il a peur du centre de retention.
Ce monde glauque, que l’on ne voit pas parce qu’on le cache, parce que ça fait désordre, Minna Sif le fait découvrir au lecteur.
On pense alors à la chanson de Colette Renard : «  Marseille, tais-toi Marseille, tu cries trop fort, je n’entends pas claquer les voiles dans le port ».  Marseille, une enclave dans le pays de France.
Anna ALBERTINI
Massalia Blues – de Minna Sif – Alma Editeur